par Hamitan » Dim 30 Mars 2008 16:37
Colbert,
Il y a, en fait, des sucres résiduels dans tous les vins.
Certaines molécules étant des sucres mais ne sont pas sujet à transformation alcoolique.
Ces catégories à part qui peuvent être de l'ordre de 0,5g par litre, on parle plutôt de sucres résiduels pour des vins dont une part substantielle des sucres fermentescibles ne subissent pas cette transformation en alcool. On peut être à 2, 4, 10, 20, 50 etc... g/L, il y a peu de régions se dotant vraiment d'un nommage en fonction de ce taux de sucre.
L'Alsace n'est pas la seule région où on trouve des sucres résiduels. En fait on peut en trouver partout mais on parle plus volontiers de sucres résiduels pour les vins blancs de la moitié nord de la France et à vrai dire surtout de l'Alsace. Je passe le cas trivial où de hauts taux de sucres sont voulus (moelleux liquoreux etc...)
Le modèle économique alsacien favorise la présence de ces sucres.
En effet en Alsace, il est nettement plus profitable de produire du vin médiocre en grande quantité que d'essayer de faire de la qualité. (un peu à l'image de la Champagne).
(Et avec la Champagne cas exceptionnel) l'Alsace a un prix moyen à l'hectare le plus élevé de France, pour la moyenne d'une région viticole intégrale.
Malheureusement pour certains vignerons alsaciens, le prix de vente d'un produit de qualité n'est pas franchement plus élevé que le tout venant.
Cela conduit la majorité de ces producteurs à produire beaucoup de volume à l'hectare et le sucre a alors une triple conséquence/valeur :
-Les vignerons ne sont pas contraints à surveiller/encourager une fermentation quasi intégrale
-Le sucre contrebalance/équilibre des acidités parfois très poussées.
-Le sucre donne de la sapidité à des vins qui seraient bien creux sans cela.
On peut même rajouter que la proximité allemande et quelques préférences gustatives du proche voisin font tender vers une présence volontaire des sucres. (Attention je ne dis pas que les vins allemands soient tous des vins sucraillons, ils font aussi parmi les plus grands vins blancs.
Qui plus est, Il y a une sorte de paradoxe alsacien. C'est une des régions qui pratique les plus forts taux de chaptalisation (ajour de sucre exogène pendant la fermentation, parfois pour favoriser celle-ci ou fréquemment pour augmenter le taux d'alcool) mais c'est aussi une région qui, de par, ses choix modaux de viticulture (au moins autant que le "réchauffement" climatique) produit des raisins dont la maturité en sucre et les autres maturités ont un certain décalage calendaire. Aussi pour avoir des raisins "mûrs" à tout point de vue, ils produisent des raisins à fort taux de sucre (et plutôt chez de "bons" producteurs, les autres s'en foutent Cf ci-dessus)). En fait, plutôt qu'un paradoxe, ces commentaires traduisent des généralités mais surtout un certain grand écart entre différentes approches alsaciennes. Il reste des cas où de toute façon, éviter les sucres résiduels relève de l'impossible. Par exemple faire un bon Gewurztraminer 2005 complètement sec.
Deux remarques:
- L'explication est plutôt à charge pour l'Alsace mais, pour l'amateur de vin, il faut savoir retourner l'argument. Comme dit ci-dessus, les bons vins ont du mal à se vendre nettement plus chers que la moyenne, hormis quelques domaines phares qui personnellement m'indiffèrent. Aussi trouve-t-on en Alsace parmi les meilleurs rapport qualité/prix de l'hexagone voire de la planète, chez un nombre croissant de domaines. Même résultat pour la Loire mais pour des raisons sensiblement différentes (moindre renommée, export plus difficile).
- Le sucre n'est pas toujours un ennemi gustatif. Lorsque le vin sait vieillir et a été conçu pour, ce sucre résiduel peut devenir "indétectable" à la dégustation sur des vins matures. On peut même goûter des vendanges tardives qui après 10-20 ans ont des équilibres quasi secs. Cependant, jeune, ca peut être dérangeant surtout à table avec des mets admettant mal ce sucre. Un léger sucre peut aussi adéquat pour adoucir un peu l'acidité (tout est question de tact).
Enfin petit commentaire sur le fait que pas mal de vins ne peuvent avoir des sucres résiduels conséquents:
Pour de nombreux vins, on recherche la deuxième fermentation, dite malolactique, transformant l'acide malique essentiellement en acide lactique. Si des sucres sont (trop) présents lors de cette fermentation, il en résulte un phénoméne lié produisant de l'acide acétique pouvant altérer fortement le vin voire même le rendre non marchand.
Il en va ainsi de pas mal de rouges français ou des blancs de Bourgogne par exemple.
Voilà j'espère que ces explications élémentaires et un peu réductrices ont pu avoir un intérêt.
Cordialement,
Hamitan
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Hamitan le Dim 30 Mars 2008 17:56, édité 1 fois au total.