Route des vins, musées de la vigne, expositions et caveaux de dégustation : il y en a aujourd'hui pour tous les amateurs qui veulent partir à la découverte du vignoble.
«Boire un vin revient à connaître l'authenticité d'un terroir et de ses hommes», affirme Enrico Bernardo, meilleur sommelier du monde en 2004. Le vin n'est pas seulement une boisson ou un aliment comme un autre, il a aussi une dimension culturelle importante qui fait référence à l'art de vivre et à la tradition.
De plus en plus de consommateurs et d'amateurs éclairés vont à la rencontre de ceux qui font le vin. Ils ont besoin de savoir qui se cache derrière une étiquette, ils ont besoin qu'on leur raconte une histoire. Ils veulent connaître les lieux du vin, les paysages et la culture régionale. Peut-être pour se rassurer, sans doute pour apprécier un peu plus une appellation particulière.
Entre balade et dégustation
L'oenotourisme est devenu une activité touristique en pleine expansion. Même si la France est à la traîne. Encore une fois c'est l'étranger qui nous montre le chemin. En Afrique du Sud ou en Argentine, la visite des wineries et des vignobles est systématiquement proposée car l'oenotourisme est considéré comme une véritable filière. Cependant, la France s'y est mise sérieusement. Ce que confirme Pierre Cheval, vice-président de la commission «Communication et appellation champagne» du CIVC (Comité interprofessionnel du vin de champagne) et commandeur de l'Ordre des coteaux de Champagne. «D'un côté, le marché du champagne est de plus en plus mondialisé, diversifié, lointain. Cela pourrait détacher les opérateurs de leur base territoriale, analyse-t-il. De l'autre, il y a un mouvement très net d'attacher plus d'importance au produit lui-même et donc à porter plus d'attention à la terre qui l'a vu naître et aux traditions de celui qui l'a élaboré.»
Ce n'est donc pas une mode mais bien un phénomène. Le récent rapport de Paul Dubrule, cofondateur du groupe Accor, commandé par les ministères de l'Agriculture et du Tourisme, dégage les familles de clients potentiels : les amateurs du vignoble (20%) viennent régulièrement dans le vignoble pour s'y fournir en vin de la région. Ils ont une bonne connaissance du vin ; les amateurs de vin (20%) viennent pour la première fois dans le vignoble et cherchent à acheter. Ils sont connaisseurs des vins en général ; les amateurs de la région (22%) y viennent régulièrement pour le vin mais également pour profiter de ses attraits touristiques.
Les vignerons français l'ont bien compris. Ils doivent faire venir le consommateur chez eux. L'amateur éclairé choisira les dégustations, l'apprentissage de l'œnologie ou les métiers et techniques de la vigne et du vin. Pour cela il trouvera des visites de caves et de chais, de vignobles, des rencontres avec des professionnels (tonneliers, maîtres de chais…). Il peut même, désormais, participer aux vendanges. Le «touriste consommateur» va plutôt être attiré par les promenades dans les vignobles, les visites de musées (du tire-bouchon, des étiquettes…) et la découverte du patrimoine (châteaux, domaines, chapelles, chais). Sans oublier les animations périphériques comme la gastronomie, les activités sportives et la vinothérapie, très à la mode.
La surface du vignoble français représente 850000 hectares. 5000 caves accueillent le public pour un contingent moyen de 1500 personnes par an et par cave. Deux vignobles sortent du lot. La Bourgogne avec environ 1,5 million de visiteurs par an et l'Alsace. La route des vins d'Alsace a ouvert la voie, elle remonte à 1953. D'après les derniers chiffres du Civa (Conseil interprofessionnel des vins d'Alsace), le volume des ventes à la propriété des Alsaciens représente plus de 30% des ventes totales, contre 8% dans les autres vignobles. Il est vrai que cette région bénéficie d'une situation géographique particulière en étant proche de la Belgique, de l'Allemagne et du Luxembourg.
Choisir une bonne cave traditionnelle
En France, le marché de l'œnotourisme est estimé à près de 7 millions de personnes. Un marché qui en est encore à ses balbutiements. Beaucoup de vignerons pensent que l'arme fatale reste le caveau ouvert au public. Ils ont compris depuis belle lurette que cette activité constitue une ressource complémentaire importante. La part de vins vendue «au château» n'est pas négligeable (estimée entre 15 et 20%, voire bien plus). Mais la médaille ne peut ignorer son revers. Encore faut-il un endroit adapté pour les accueillir. Les grands domaines ont les moyens d'investir dans ses caveaux. Certains sont même réputés pour leur programmation culturelle très riche, à l'image du Château Sainte Roseline, aux Arc-sur-Argens, dans le Var. Malheureusement, d'autres ont des faux airs de supermarché ou ressemblent plus à une attraction d'Eurodisney qu'à une cave traditionnelle. Pour le vigneron, c'est plus difficile. Il lui faut une sacrée disponibilité et investir, dans un contexte plutôt tendu côté main-d'œuvre.
Attention tout de même à ne pas prendre l'amateur de vin pour un gobe-mouches. Il demande que les conditions de dégustation soient clairement indiquées. «Elles peuvent être gratuites ou payantes mais ne doivent pas dépendre de l'achat», met en garde une responsable de vente au caveau. Ils deviennent de plus en plus nombreux ces inconditionnels qui constituent leur cave directement à la propriété. Mais souvent encore, ils sont pris pour des gogos. Comme cet amateur qui parle avec humour des fameux «trois petits tours et puis s'en vont». «Un tour dans les rangs de vigne, un tour du pressoir et un tour au caveau. On remonte dans le bus avec son carton sans trop savoir ce que l'on a acheté», explique-t-il. Pourtant, s'il est bien reçu, le touriste amateur devient acquis à la propriété et à l'appellation. Il peut devenir aussi le meilleur des ambassadeurs. Pour cela encore faut-il s'engager dans la démarche avec sérieux.
( Le Figaro Magazine)