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[Jean-Pierre NIEUDAN]

Par Jacques Dupont

Créé en 1959 par l'alliance des deux familles, le domaine alsacien est dirigé par le premier Français "master of wine" adepte de la culture bio.

Léonard, 77 ans en 2013, regarde avec fierté ce qu'il n'a pas pu faire et que réalise aujourd'hui son fils Olivier. La culture bio, par exemple. Il y pensait, Léonard, qui n'aimait déjà pas trop le "chimique" et labourait ses sols. Mais le risque était trop grand et le domaine n'avait pas encore la notoriété d'aujourd'hui : "Les vignerons, il y a quarante ans, ils faisaient comme nous quand on va chez le pharmacien, ils ne posaient pas de question pour savoir ce que contiennent les produits. Ils étaient à la recherche de nouveaux marchés."

Vignoble à maturité tardive

Quand Olivier, le premier Français à devenir "master of wine", diplôme anglais ô combien difficile à obtenir, est revenu sur la propriété, Léonard avait accompli son grand oeuvre. Il avait fait du domaine un des premiers d'Alsace et surtout il avait réalisé son rêve : redonner vie au Rangen-de-Thann... C'est un très ancien terroir, renommé depuis le Moyen Âge, à l'extrême pointe méridionale du vignoble d'Alsace. Au sommet, une chapelle détruite pendant la Révolution puis reconstruite est dédiée à Saint-Urbain, qui a donné son nom au Clos des Humbrecht. Un sol volcanique, roche faite de cendres volcaniques compressées, qui se dégradent en surface et très en pente (70 % en moyenne), ce qui a dicté le choix des plantations en terrasses : aucun engin mécanique ne pourrait y grimper...

Malgré sa grande réputation d'autrefois, le Rangen n'avait plus été replanté après les ravages du phylloxera : trop dur à travailler. Exposé au sud, il contient peu d'argile (15 %) mais de très belle qualité et dénote par la couleur sombre du sol, un brun rougeâtre. C'est un vignoble à maturité tardive, mais son exposition exceptionnelle permet aux raisins de mûrir lentement en octobre et novembre, et d'atteindre ainsi des niveaux très élevés de concentration.

Culture biodynamique

Le Rangen, c'est la grande fierté de Léonard. Avec l'arrivée d'Olivier au tout début de la décennie 90, tout devenait possible. La construction d'une nouvelle installation avec de l'espace à Turckheim. Le choix de ne travailler qu'en levures naturelles ; celui, aussi, de presser et de fermenter très lentement obligeait à des changements de structures : "Avec l'allongement des fermentations pour avoir des vins le plus complexes possible, il nous fallait doubler la capacité en foudres (tonneaux)."

Cave souterraine en béton poreux pour que "ça respire", sols en pavés comme ceux des rues, travail par gravitation sans pompe qui risquerait d'abîmer le raisin... Puis en 1998, début de la conversion en culture biodynamique, directement. "C'est parti du compost, dit Olivier. On a été les premiers à être autorisés à garder les marcs pour faire du compost. Notre premier a été complètement raté. J'avais eu du fumier de lapin qui provenait d'un élevage intensif. Puis, l'année suivante, j'ai eu un fumier d'une exploitation en biodynamie, et là ça a marché parfaitement."

40 hectares de vignes, cinq villages

Avec la biodynamie, les Humbrecht constatent qu'ils sont parmi les premiers à vendanger alors qu'autrefois ils étaient souvent les derniers : "Dans les deux cas, on cherchait et on cherche toujours la meilleure maturité. On a vite vu que la vigne se portait mieux, même si on ne comprend pas toujours pourquoi... On a conforté nos choix avec des études faites par des stagiaires, mais il y a des choses, avec la biodynamie, qu'on ne sait pas expliquer scientifiquement " Peu importe ! Ce qui compte pour Olivier Humbrecht, c'est le geste et le respect. Tout doit être fait pour une esthétique en accord avec la nature. Tout doit être bon, même dans les petits millésimes. Alors, rien ne peut être négligé. Depuis la vendange, où chaque grain est examiné, jusqu'à l'élevage, particulièrement soigné.

Aujourd'hui, le domaine Zind-Humbrecht dispose de 40 hectares de vignes situés dans cinq villages différents du Haut-Rhin et travaille avec 22 salariés permanents pour 180 000 à 200 000 bouteilles par an vendues (85 % à l'export). Les Humbrecht sont présents sur plusieurs grands crus : le Clos Saint-Urbain sur le Rangen-de-Thann, le Hengst, le Brand et le Goldert.

Source et commentaires des vins dégustés : http://www.lepoint.fr/vin/les-vins-myth ... 06_581.php