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Les vins mythiques - 6. Barolo : hommage aux Conterno

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Dim 11 Août 2013 09:17

Par Jacques Dupont

Cette lignée de grands vinificateurs et vignerons a su porter le barolo à son plus haut. Deux frères, deux écoles, mais un seul vainqueur : le vin.

Le barolo est-il le plus grand vin d'Italie ? On laissera la réponse en suspens. Se poser la question est suffisant. Incontestablement, il s'agit du vignoble le plus prestigieux et depuis plus d'un siècle reconnu comme tel en Italie. Au nord du pays, mais au sud de Turin, entre Alba et Mondovi, le barolo est produit sur les communes de Barolo, Castiglione Falletto, Serralunga d'Alba, La Morra, Novello, Monforte d'Alba, Verduno, Grinzane Cavour, Diano d'Alba, Roddi et Cherasco. Dans les sols, les marnes dominent, plus ou moins compactes, parfois très sableuses dites de "tortoniano", parfois argileuses dites de "l'elveziano". Les vins de sols plus sableux s'expriment plus vite, ceux des zones argileuses sont plus à attendre. Le cépage nebbiolo comprend trois variétés, Michet, Lampia, Rosé. Il est rarement planté au-delà de 250 ou 300 mètres d'altitude sous peine de ne pas mûrir. Au-dessus, on rencontre les noisetiers, en effet, c'est de cette région que proviennent le Nutella et les rochers Ferrero dont, paraît-il, on se régale aux réceptions des ambassadeurs...

Les journalistes de la péninsule parlaient du barolo naguère comme d'un "vieux lion endormi". Le fauve depuis vingt ans s'est réveillé et rappelle qui est le roi. Mais ce réveil s'est accompagné de questions existentielles et de grands débats entre anciens et modernes. Pour résumer, en restant à barolo (ceux qui veulent téléporter ces antagonismes vers la France le feront aisément), deux grandes tendances, deux visions du vin s'affrontent.

Des vins plus ronds, plus faciles

La première, celle dite des modernes, tient en substance ce raisonnement : le barolo d'hier, c'est fini. Les très longues macérations, les élevages de plusieurs années en foudre qui donnaient des vins aux finales sèches, terminés. Il fallait attendre vingt ans pour les boire. Le goût d'aujourd'hui, ce n'est plus cela. Il nous faut des vins plus ronds, plus faciles, aux arômes plus immédiatement identifiables. Et tout ce plus, l'oenologie d'aujourd'hui nous l'offre sur un plateau.

D'autant que la concurrence est rude et le poids des notes très lourd qui ouvre les portes du marché américain. Il faut satisfaire les consommateurs qui n'achètent que du XXL (plus de 95 sur 100) avec le gras, les saveurs boisées, l'alcool qui rend si doux et parfois même un brin de sucrosité pour l'amabilité. Beaucoup lorgnaient Angelo Gaja, et continuent de le faire. En prenant la suite de son père, vigneron de Barbaresco, il a su dans les années 1980 hisser surtout son nom et un peu son appellation à la hauteur du barolo. Et plus encore, il a su imposer son personnage dans les médias internationaux, au point de devenir la figure emblématique et le porte-drapeau de la viticulture italienne à l'aube de son renouveau. Son nom vaut plus d'or que n'importe quelle DOCG... ("dénomination d'origine contrôlée et garantie", devenue à l'heure européenne AOP, comme en France l'appellation d'origine contrôlée)

Comme tous les modernistes ne s'appellent pas Gaja, ils ont recours à la technique pour rendre aimable leur barolo. Des pratiques oenologiques bien connues chez nous : levures sélectionnées, méthodes d'extraction puissantes à température élevée - on a beaucoup recours à des cuves équipées de sortes d'hélices d'avion qui brassent le marc assez vigoureusement -, élevage en barriques françaises qui confèrent des saveurs vanillées ou toastées et des tanins doux. Certains appliquent ce programme à la lettre, d'autres n'en prennent qu'une partie, c'est selon.

Deux ans en fût, un an en bouteille

La seconde école, celle des traditionalistes, consiste à fouler le raisin, à laisser agir les levures "indigènes", à procéder à des remontages - le jus prélevé avec une pompe en bas de la cuve est transféré en haut, sur le "chapeau", c'est-à-dire les peaux et les pépins qui forment une couche solide. Ensuite, à l'aide de grilles, le chapeau est maintenu immergé dans la cuve. Cette méthode fut celle du fondateur d'une lignée de grands vinificateurs et vignerons, Giacomo Conterno. Défenseur du "vrai" barolo, ennemi du racolage, il fut le gardien du temple et reconnu, tel Henri Jayer en Bourgogne, comme le grand homme du barolo. À sa mort, ses deux fils ont repris le domaine, mais Aldo et Giovanni ne se sont pas entendus sur la méthode. Aldo avait voyagé, vinifié aux États-Unis, en Napa Valley, découvert de nouvelles techniques et dégusté d'autres vins. Sans être un "moderniste" décrit plus haut, il pensait qu'un dépoussiérage de la tradition s'imposait. Giovanni, de son côté, n'envisageait absolument pas de changer les pratiques mises au point par son père et qui avaient fait son succès. Giovanni resta au domaine Giacomo Conterno et Aldo fonda sa propre exploitation.

Chez Aldo Conterno, les cuves (en inox) sont en longueur, pour favoriser l'échange entre marc et jus, et la grille est pivotante, ce qui permet de maintenir ou pas le chapeau immergé suivant la qualité des millésimes. Les matières solides, pépins et peaux, tombent dans une canalisation située en dessous et qui, par gravité, les conduit directement au pressoir à la fin de la macération. L'élevage s'effectue toujours dans des foudres traditionnels en chêne de Slovénie ou de Croatie. Le vigneron ne cherche pas à marquer le vin avec les arômes du bois, mais attend une lente maturation. La plupart des foudres sont anciens. Le bois doit fixer le caractère du vin, et non le marquer. Le barolo doit légalement attendre deux ans en fût et un an en bouteille (à compter du 1er janvier qui suit la vendange) avant d'être commercialisé, et certains producteurs vendent d'abord les millésimes tendres et poursuivent plus longuement l'élevage sur les années plus riches en acidité et en tanins. Aujourd'hui, Aldo est décédé et ce sont ses trois fils qui, dans la même optique, poursuivent son travail.

Chez l'autre frère, au domaine Giacomo Conterno, Giovanni aussi est décédé et c'est son fils qui a pris la suite. Pas de cuves en inox, rien que du bois ancien et, là aussi, des vins merveilleux. S'il fallait départager les Conterno, ce serait une dégustation des plus passionnantes et ce serait le vin le vainqueur. Comparer un Montfortino de chez Giacomo à une cuvée Granbussia de chez Aldo sur de vieux et grands millésimes comme 1985, 88, 89, 90, 95, etc., ne serait guère une punition !

Complexité des arômes

Quant au reste, le barolo des vrais modernistes, il ne vaut pas le déplacement, nous avons les mêmes près de chez nous ou aux rayons des supermarchés : merlots trop mûrs de France ou d'ailleurs, australiens industriels, espagnols trop boisés. Ils sont les apatrides du vin, sans racines... D'autant plus qu'en vingt ans, l'appellation a beaucoup progressé, que les "traditionalistes" d'aujourd'hui l'ont débarrassée des mauvais réflexes d'autrefois. Les vignes sont bien conduites, la maturité optimale est attendue pour vendanger le barolo à l'ancienne, qui était certes d'une grande richesse aromatique, mais pénalisé par des finales sèches et "alcooleuses", qui ont pratiquement disparu.

Reste que sur 1 300 hectares, des expositions et des sols différents, le cépage nebbiolo n'accouche pas d'un seul modèle de barolo. De tout temps, on a remarqué que les vins provenant de Serralunga ou de Monforte sont plus puissants, plus lents à se faire que ceux de Verduno ou de La Morra. Des vignobles, des "climats" différents comme en Bourgogne, à laquelle Aldo Conterno faisait souvent référence : "Le nebbiolo, c'est un peu comme le pinot noir de Bourgogne, il change les caractéristiques du vin d'une colline à l'autre. Dans le nord de l'Italie, nous avons 25 vins différents avec le seul nebbiolo."

Pour se faire plaisir avec un barolo, il convient de le déboucher plusieurs heures avant (4 ou 5), de le carafer et de le maintenir en cave ou dans une ambiance n'excédant pas 15 degrés. Le servir aux alentours de 18 degrés, pas plus, en évitant les sauces trop chargées qui risqueraient de masquer la complexité des arômes...

Source : http://www.lepoint.fr/vin/les-vins-myth ... 21_581.php
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Re: Les vins mythiques - 6. Barolo : hommage aux Conterno

Messagepar Laurent Saura » Dim 11 Août 2013 10:49

Passionnant!
Mais je ne vois pas le rapport avec Jayer et la Bourgogne...
BAREME DE NOTATION 19+ À 20:VIN MYTHIQUE 18+ À 19:VIN EXCEPTIONNEL 17+ À 18:TRÈS GRAND VIN 16+ À 17:GRAND VIN 15+ À 16:TRÈS BON VIN 13+ À 15:BON VIN 11+À 13:VIN MOYEN 10 À 11:VIN FAIBLE MOINS DE 10:VIN DÉFECTUEUX
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