C'était à Paris, au restaurant, il y a de cela de nombreuses années... J'avais commandé un Saint-Émilion, lequel, comme la chose est fréquente en France, nous fut servi à la température ambiante.
Or, on était à la fin de l'été, il faisait chaud, et le restaurant n'était pas climatisé.
Je demandai donc un seau à glace, afin de pouvoir rafraîchir le vin. L'ami avec qui j'étais, d'origine française et mon voisin à Montréal où nous partagions assez fréquemment des bouteilles, était bien sûr d'accord.
Scandalisée, la serveuse une jeune femme qui n'avait pas 30 ans s'empressa de me faire la leçon à voix haute. Ce n'était pas un vin blanc que j'avais commandé, mais un rouge ! m'apprit-elle.
J'insistai, calmement , tout en sachant fort bien que la France est l'unique pays au monde oĂą le client n'a jamais raison.
Elle finit par céder, de mauvaise grâce, j'eu mon seau à glace et nous pûmes boire ce bordeaux rafraîchi... Il était bon, de mémoire.
Tout cela pour en arriver (ou en revenir, car il en a déjà été question dans cette chronique) à la température à laquelle servir les vins rouges. La règle, désormais passablement bien connue au Québec, voulant qu'on les serve rafraîchis, et d'autant plus frais qu'ils sont légers.
Disons 15 ou 16 degrés dans le cas des bordeaux et des chiantis, 14 ou 15 pour ce qui est des bourgognes, etc.
Chose que l'on a tendance à oublier, toutefois : servi à deux températures différentes, deux bouteilles d'un même vin rouge l'une à 22 degrés et l'autre à 15 degrés, par exemple donneront la nette impression qu'il s'agit de deux vins différents.
Car la chaleur rend les tannins plus ronds, alors que le froid les durcit.
La masse tannique reste bien sûr la même, c'est la perception qu'on en a qui s'en trouve modifiée.
Expérience récente : goûté à la température ambiante, un grand porto vintage 2011, le Offley, se présentait avec des tannins gras, onctueux, à croire qu'il en était à peu près dépourvu. Rafraîchi, la masse tannique s'avérait substantielle, compacte, ce qui en fait un vin qui tiendra aisément plus d'une quinzaine d'années. (Ce vin n'est malheureusement pas commercialisé au Québec.)
Source : Jacques Benoit
La Presse
http://www.lapresse.ca/vins/jacques-ben ... annins.php