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[Jean-Pierre NIEUDAN]

La dégustation a rassemblé 164 domaines avec une forte domination de l'appellation haut-médoc

On la croyait finie, perdue à jamais, posée une fois pour toutes dans le chai du Château d'Escurac, dernier vainqueur de la Coupe des crus bourgeois en 1999. Cette compétition, qui fait s'affronter en dégustation, tour à tour et face à face, deux crus jusqu'à ce qu'il n'en reste plus que dix, puis, parmi ces lauréats, un seul vainqueur, a fait vibrer le Médoc pendant deux décennies, avant de s'échouer à la veille du nouveau millénaire.

Les crus bourgeois, la seconde famille (nombreuse) après les grands crus classés de 1855, avaient alors décidé de dépoussiérer les étagères, en finir avec des étiquettes trop nombreuses, redonner du sens au mot bourgeois. Un classement nouveau fut engagé et, le temps qu'il s'organise, on mit en veille la course et la coupe. Provisoirement. Mais on sait, depuis l'instauration de feue la vignette auto, qu'en France le provisoire peut durer un certain temps.

Le classement publié en 2003, renouvelable tous les dix ans, fut aussitôt contesté devant les tribunaux par quelques-uns qui n'y figuraient pas ou à une place qui ne leur convenait pas. Résultat : plus de classement. Avec le risque à terme de voir disparaître la notion même de crus bourgeois. Dommage, car il s'agit là d'un repère lisible et compréhensible par tous (une fois n'est pas coutume dans le labyrinthe vinicole français).

Dégustation à l'aveugle

L'Alliance des crus bourgeois, association qui les regroupe, a donc proposé de transformer ce classement en un label annuel délivré par un organisme indépendant qui donne ou non le droit de s'appeler bourgeois à chacun des millésimes. Un système lourd, moins commode qu'un bon vieux classement et surtout assez pénalisant pour les crus qui veulent bâtir leur notoriété sur cette dénomination bourgeois. Le seront-ils toujours l'an prochain ? Mais ce fut l'unique issue possible. Le millésime 2008 figure donc le premier de ce système de label. Frédéric de Luze et ses amis ont souhaité fêter ce retour des crus bourgeois officiellement reconnus en organisant, en partenariat avec Le Point, une nouvelle version de la coupe.

Dégustation à l'aveugle, mise sous cache réalisée par huissier et jurys de grande qualité sont parvenus au résultat suivant : vainqueur, Château Devise d'Ardilley en appellation haut-médoc. Un podium qui nous enchante, car Jacques Philippe et son château ont plusieurs fois été distingués dans nos colonnes. Puis c'est une belle histoire. Lorrain de Metz, ingénieur des Arts et Métiers, belle situation à la Compagnie générale des eaux, Jacques Philippe a choisi à 60 ans de changer de vie, de quitter le confort pour l'aventure : "C'est une grande chance, dans une société programmée, de pouvoir changer de métier. C'est la première fois de ma vie que je vois vivre les saisons, que je suis en plein dans la nature."

Jacques Dupont
http://www.lepoint.fr/vin/crus-bourgeoi ... 08_374.php