Index du forum ‹ Les rubriques ‹ Histoire du vin et de la vigne... découvrir le vin, l'aborder, s'informer ‹ Histoire de vin ‹ Presse du vin

[Jean-Pierre NIEUDAN]

Portrait Julien Hurel, chef sommelier à 25 ans au restaurant de La Messardière a soif d'apprendre, soif de mots, soif de découvertes. Itinéraire d'un surdoué

1985. L'année est bonne pour les bordeaux, très bonne pour les bourgognes et les champagnes. Julien Hurel ouvre les yeux du côté d'Yvetot (en Seine-Maritime). Vingt-six ans plus tard, il endosse l'habit de chef sommelier au sein du prestigieux palace tropézien (5 étoiles) La Messardière.

Étonnant et scintillant parcours que celui de ce petit Normand qui, jusqu'à l'âge de seize ans, n'avait jamais trempé ses lèvres dans le nectar cher à Bacchus.

De la tarte Tatin à Saint-émilion

« À l'issue de ma 3e, j'ai pris la direction du lycée hôtelier de Rouen. Ma maman, excellente cuisinière, m'avait donné l'envie de devenir pâtissier. » Un silence s'ensuit. Parfum de nostalgie. « Au début, j'ai alterné l'apprentissage : cuisine et salle. Très vite, j'ai opté pour le service. La raison ? Sans l'ombre d'une hésitation, le contact avec la clientèle. »

Le destin s'en mêle. Il part en stage chez un restaurateur de son quartier. Un féru d'oenologie. Ce qui devait arriver... arrive. Le commerçant lui communique sa passion du vin et de la vigne. « Il m'a fait visiter des vignobles, goûter des grands crus et en découvrir les subtilités. En partant de chez lui, je n'avais qu'une idée en tête : devenir un jour chef sommelier. »

Huit ans plus tard, bac professionnel en poche assorti d'une mention complémentaire sommellerie, son rêve se transforme en réalité. Le jeune homme savoure... sans verser dans l'ivresse. Tout au contraire. « En venant début avril à La Messardière, sur recommandation du directeur de la restauration, Jean-Michel Chapuis, j'ai certes franchi une marche, mais il me reste encore beaucoup à apprendre. » Apprendre, verbe qu'il n'a jamais conjugué avec empressement. Car il ouvre rarement un livre, à l'exception de revues sur les vins. Il préfère s'instruire au contact du quotidien. Sur le tas. Le « par coeur » n'est pas sa tasse de thé. Loin s'en faut. « C'est la raison pour laquelle je ne participe à aucun concours de sommellerie. »

Quand un don devient talent

Attention ! Ses connaissances en matière d'oenologie, sa conception de l'harmonie entre le plat et le vin et la qualité de son palais sont exceptionnelles. Son sourire teinté de sincérité ajoute à ce professionnalisme « le plus » qui charme la clientèle.

Si, pour l'heure, la carte des vins demeure inchangée, il entend vite y apporter sa touche personnelle. « J'estime qu'un plat peut se déguster avec n'importe quel vin dès lors qu'il est remarquable. Contrairement aux idées reçues, un poisson se marie très bien avec certains rouges. » Un anticonformisme gastronomique à la fois culotté et maîtrisé. Cela porte un nom, le talent, quand d'autres feront reference à un don.

Une chose est sûre, le petit Yvetotais a acquis pareille maestria du fait d'un parcours varié et de très haute volée. Jugez plutôt. À vingt ans, il débute à l'hôtel Meurice sous les ordres du chef Alleno.

Objectif : une étoile Michelin

« J'y suis resté trente mois. C'était magique ! Puis, cap vers Londres afin de parfaire ma connaissance de la langue de Shakespeare sous les ordres du chef Gordon Ramsay (1). Ensuite, j'ai fait trois saisons au "Cheval-Blanc" à Courchevel, l'autre établissement d'Yannick Alleno, et deux autres au Mas Candille à Mougins et à l'Eden roc d'Antibes. Lorsque la direction de La Messardière m'a sollicité, j'ai été plus que flatté. Et j'entends être un des acteurs de la future obtention d'une étoile Michelin avec M. Chapuis et le chef étoilé Christian Farenasso. L'équipe de la Messardière et une équipe qui gagne ! »

Le pari est de taille. Il ne lui fait pas peur. En attendant, il apprécie Saint-Tropez. « J'avais une image bling-bling de la cité, j'ai découvert un petit port discret et splendide. »

Officiant désormais au coeur des vignobles de la presqu'île, il se favorise avec les appellations locales. Mais ses coups de coeur et le plaisir de son palais trinquent prioritairement avec les bourgognes et les vins de la vallée du Rhône. « Certains sont de vrais petits bijoux que j'entends vite inscrire sur la carte afin de les faire découvrir à mes clients. »

Comme beaucoup de jeunes de son âge, il aime le rap et les thrillers flippants sur grand écran.

Comme tous les jeunes de son âge, il croit en sa bonne étoile.

Julien Hurel aura 26 ans dans quelques mois, devant lui tous les feux sont au vert.

gcresteil@varmatin.com
http://www.golfedesainttropez.maville.c ... 9_actu.Htm

1. Gordon James Ramsay est un chef cuisinier présentateur d'émissions télévisées consacrées à la cuisine ou à la restauration : « The F Word », « MasterChef » ou encore « Ramsay's Kitchen Nightmares ». Il compte parmi les trois cuisiniers ayant été gratifiés de trois étoiles en une fois par l'édition britannique du Guide Michelin. En 2006, il est fait membre de l'Ordre de l'Empire britannique (OBE).