Pencher le verre. L'observer. Sentir. Et puis, seulement, goûter. « Quels arômes percevez-vous ? » « Du gruyère râpé ! » Question dégustation, peut mieux faire. En buvant une gorgée de cette bouteille de Roussette de Savoie, il fallait plutôt sentir des arômes de tisane, de fruits. Et ça, c'est Éric Ecolan, qui l'explique, devant une vingtaine d'amateurs. Eux ont soif d'apprendre comment déguster, comment mieux accorder les mets avec les vins. Et malgré les blagues, prennent presque sans s'en rendre compte les gestes des professionnels.
Hélène, Lilloise de 23 ans, est de celles-là . « Le vin, je n'y connaissais rien il y a un an, admet-elle. Mais à force de venir ici, de déguster des vins différents, le palais se développe et je sais dire si un vin est bon ou si c'est de la piquette ! » Ce mercredi soir, avec des amis, plutôt qu'un pot classique ou qu'un resto traditionnel, elle a choisi la formule cours d'oenologie au Modjo, à Wazemmes. De longues tables ont été installées et après l'apéritif à la bière, on passe au vin.
« L'idée est de désacraliser la dégustation, explique Éric Ecolan, de l'agence Take a Sip, qui anime la soirée. Pour 25 E, chaque participant déguste 5 vins et mange des plats cuisinés ici en accord avec le thème choisi. » Cette fois-ci, les vins de Savoie sont à l'honneur et avant chaque verre, Éric donne à son public quelques données historiques, géologiques. L'ambiance est bon enfant, presque festive, mais pas de doute, on repart un peu plus connaisseur qu'on y est entré. Anaïs et Virginie, 29 ans chacune, ont même choisi de fêter leurs anniversaires de cette manière et s'étonnent : « On apprend des choses sur l'histoire, c'est assez inattendu ! On apprend aussi à décrypter les vins avant de les boire ! » s'enthousiasment-elles devant un verre d'Apremont et un plat de crozets au lard fumé et au comté.
Exit la bière ?
« L'endroit est atypique pour organiser une dégustation, se réjouit Éric Ecolan. On ne voulait pas rester dans quelque chose de scolaire. » C'est que les cours de ce genre se sont multipliés à Lille ces dernières années et les formules sont nombreuses. À chacun son cours et son ambiance : dans un bar, une école, un restaurant,etc. Les Lillois auraient-ils abandonné la bière pour autant ? À l'unanimité, non. « C'est compatible, ça dépend des moments », assurent Thomas Dambrine et Benoît Crottier, âgés tous deux de 19 ans. Eux deux ont créé avec d'autres étudiants une association d'oenologie à la Catho pour « apprendre aux gens à boire ». Pas de binge drinking pour eux, il faut savoir savourer, déguster, prendre du plaisir plutôt que rechercher l'ivresse. C'est d'ailleurs ce qui motive à prendre un cours : mieux s'y connaître en vins pour mieux apprécier.
Un samedi matin, au troisième étage d'Alice Délice. Ici, on est installé comme dans une salle de classe et l'ambiance est plutôt studieuse. Hervé, Pierre-Yves et Gérald sont venus apprendre à « apprécier le vin à sa juste valeur ». Pendant trois heures, on entendra parler du raisin, des papilles, du nez, du goût. On apprendra à aspirer un peu d'air pour oxygéner le vin, comme les pros.
Et puis, Éric Dugardin, sommelier (lire ci-contre) donne des conseils sur les accords mets-vins, sur la façon de boire. Les vins sont de qualité, on les boit avec parcimonie, les crachoirs sont installés sur les tables, comme les pros. « Je ne vous ai pas servi beaucoup, malgré que vous soyez...
- ... en métro ! » rigole l'un des participants. Se prendre un peu au sérieux, mais pas trop quand même.
C'est d'ailleurs aussi cela qui est recherché, Hélène Demoulins, gérante de Vinomania, en est persuadée : « Il faut casser l'image élitiste qu'il y a autour du vin. » Chacun y contribue un peu à sa manière : donner les clés pour mieux l'apprécier, mais en faire une boisson plus commune en même temps. « Depuis quelques années, il y a de plus en plus de gens curieux, remarque Jacques Dumas qui a ouvert il y a trois mois sa Cave à manger. Avant, le vin était un bien de consommation, il devient un bien culturel. » Et pour bien l'apprécier, c'est comme l'art contemporain, il faut s'y connaître un peu ?
MARIE TRANCHANT > marie.tranchant@nordeclair.fr
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