On s'éloigne quelque peu du sujet initial, mais je touche volontiers quelques mots sur le bouquin de Nossiter.
Contrairement à certains qui avaient choppé des boutons à sa visualisation, j'avais trouvé que Mondovino, malgré quelques aspects un peu discutables, avait donné un bon coup de pied dans la fourmilière.
Le bouquin, «Le goût et le pouvoir», en gros, j'ai bien aimé. Bien que ce soit un livre Janus, avec une face plutôt réussie, qui met en lumière nombre d'éléments questionnables dans le monde du vin. Mais il y a également une face détestable au personnage Nossiter qui peut exaspérer. Quelques petits exemples.. (voir également le blog
http://www.thomasvino.ch/articles.php?lng=fr&pg=992).
Nossiter
Dégustation à l'aveugle«Maintenant que je sais ce que c’est (réd: le vin dégusté, donc...), le plaisir redouble! Comme quoi la dégustation à l’aveugle, c’est très bien, c’est l’objectivité jusqu’à un certain point, mais après il y a aussi la connaissance qui aide à comprendre son plaisir.» Et de rappeler la phrase de Kermit Lynch, importateur de vins européens aux Etats-Unis: «La dégustation à l’aveugle est au vin ce que le strip-poker est à l’amour.»
Vocabulaire du vin«La pseudo technicité poétique du discours tue le discours, le plaisir, la communication. Les professionnels l’ont accaparée, peut-être pour éviter d’être compris par les autres.»
Vocabulaire (2) : «Le discours non pas des vrais vignerons, mais des techniciens, des œnologues, qui savent comment construire (et déconstruire) un vin, le discours des marketeux, le discours des critiques qui n’ont presque jamais de vraies connaissances pour justifier leur position mais adoptent avec bonheur les formules toutes faites des endoctrinés.»
Vins et cuisine«S’il existe une guerre dans le monde du vin, c’est entre la tendance de la cuisine plus intelligente et le vin stupide. Les gens cherchent une cuisine de danseuses classiques et les vignerons font des boxeurs pleins de stéroïdes. Ce n’est pas un joli couple. L’un est littéralement mis KO par l’autre.»
Approche au vin«Ne pas savoir, mais ressentir; croire, mais rester sceptique; posséder des connaissances, mais ne pas croire qu’elles représentent une vérité absolue. Voilà me semble-t-il les marques principales de l’âge adulte. Pour moi, le vin a toujours été le dépositaire parfait des joies de l’indéfinissable et de l’ambigu.
Terroir «Un vigneron se situe entre la sage-femme et le magicien. Sans sa baguette magique, le terroir ne s’exprime pas. Donc, entre auteur et terroir, faut-il choisir? Non, car il faut les deux. L’homme, sans contexte culturel, est perdu, et toute culture, sans expression individuelle, est morte.»
Terroir (2) : «On peut dire que les grands terroirs n’existent pas sans de grands hommes, mais il faut dire également que les grands hommes dans des petits terroirs ne feront jamais plus qu’un bon vin.»
Terroir (3) : «Les vrais terroirs ne peuvent pas être mis en valeur en France ou ailleurs, sans qu’il y ait une appréciation, une mise en valeur des terroirs des autres. C’est une idée qui va de soi à Tokyo ou à New York, mais tant qu’elle ne fera pas partie de la conception française, la perte de ses parts sur le marché mondial se poursuivra.»
(réd: également, je partage pour grande partie sa réflexion sur la modification des goûts des consommateurs, de leur dépendance croissante aux sucres et aux graisses.. avec les implications que l'on sait.
Nossiter
Obsession politique et amalgames douteux anti-Parker..«Les Etats-Unis, même (surtout) pour les Français, représentaient, il n’y a pas très longtemps, la tolérance, une idée de liberté partagée et une entente culturelle profonde. Cette noble tradition américaine est trahie de nos jours par Bush dans la politique, comme Robert Parker (et d’autres) dans la déformation du goût américain.»
Anti-Parker primaire (2) : «Je suis sûr que c’est (Robert Parker) un homme profondément malhonnête, qui encourage la malhonnêteté chez tout le monde autour de lui. C’est une malhonnêteté fondée sur une croyance intérieure, comme celle de George Bush. C’est mélanger la mauvaise foi avec la certitude d’avoir raison.» (Parker, le G. W. Bush du goût)
Anti-Parker primaire (3) «Il est très primitif, Parker. Il y a chez lui une hypocrisie profonde. C’est drôle : le critique qui ne veut pas être critiqué. (…) Il est devenu lui-même, avec Rolland, l’expression du pouvoir bordelais qu’il avait critiqué au début de sa carrière. Il réécrit l’histoire.»
Critiques du goût - Anti-Parker primaire (4)«Ce livre, en un sens, est une charge polémique contre tous les critiques et les arbitres du goût, qui à vouloir imposer leurs opinions gâchent tout le plaisir du vin et en détruisent la culture.»
(Réd: Ce point de vue est aberrant.. jamais plus qu'aujourd'hui, il n'y a eu autant de vins du monde entier, aux caractères différents et surtout, d'un tel niveau qualitatif. Les avis critiques sur ces vins sont d'ailleurs souvent très divergents - j'en sais quelque chose pour collecter depuis 10 ans les notes primeurs pour Winemega).Défauts du vinCe modèle (réd.: d’industrie efficace) laisse peu de place, aux
plaisirs accidentels et aux affinités historiques qui, du moins pour moi, sont essentiels au bonheur.»
Défauts du vin (2) «5-6 euros, pour des vins parfois exquis, parfois
étranges ou ratés, mais toujours
vrais, vivants, intrigants.»
(réd: voir mon post précédent.. je m'insurge totalement contre de telles approches!)
Notes (Un cas « d’école » classique)«Le système numérique à points (sur 20 ou sur 100, peu importe) implique par définition une forme de certitude mathématique. Pour absurde qu’elle soit, cette scientificité de pacotille correspond parfaitement à une culture ayant du mal à accepter que le jugement critique averti puisse faire bon ménage avec l’ambigüité et la complexité. (…) Assigner des chiffres à un vin, alors que le vin est vivant et change constamment selon son environnement, est pour moi aussi répugnant que d’assigner des chiffres ou une valeur numérique aux êtres humains.»
(réd: le contraire m'eut étonné..)Vignerons espagnols (Olé, traîtres à la patrie! ou la politique du complot de droite..)«Leurs paramètres de goût sont dictés par le goût international et par les champions de ce goût, Robert Parker, le Wine Spectator et certain critiques espagnols comme José Penin. Ils sont ensuite mis en œuvre par les fonctionnaires de ce goût comme Michel Rolland et des centaines d’œnologues autochtones comme Telmo Rodriguez. Il faut construire instantanément un vin qui puisse se vendre instantanément, ce qui signifie des vins au goût instantanément reconnaissable. (…) Le vin espagnol représente le triomphe de la vision busho-aznaro-blairo-berluscono-sarkozienne du marché mondial.»
(réd: ça c'est du grand n'importe quoi..! une visite en Espagne en compagnie d'un ami résident et connaisseur, m'a permis de constater qu'il y a, en Espagne, nombre de "vins d'auteurs"!)Alain