Couleurs chatoyantes, belles robes, goût affirmé et caractère, ils séduisent de plus en plus les femmes françaises, qui le leur rendent bien.
Les vins ont des charmes et des secrets de fabrication qui sont désormais l'apanage des femmes tout autant que des hommes, qu'il s'agisse de les déguster ou de les élaborer.
Jadis boisson qui leur était quasi interdite pour des motifs mystiques ou culturels, le vin connaît depuis quelques années une "révolution silencieuse", selon Marie-Laurence Saladin, copropriétaire du Château éponyme.
La créatrice de "Femmes de vin", un cercle de vigneronnes, préside à la production familiale de Côtes du Rhône et voit de plus en plus de femmes faire de même dans sa région.
L'élaboration du vin les attire, comme elles partagent désormais une soif de vin quasi égale à celles des hommes: selon une étude TNS-Sofres pour le courtier 1855 publiée il y a une semaine, 43% des consommateurs réguliers sont des femmes.
"Les femmes boivent plus de vin qu'autrefois, mais les hommes en boivent moins aussi", tempère Jean-Louis Escudier, chercheur à l'Institut national de recherche agronomique (Inra).
Cette tendance, et la prédominance démographique des femmes en France, expliquent en partie ce chiffre.
Mais une appétence nouvelle se manifeste, à en croire Florence Cathiard, copropriétaire du Château Smith-Haut-Lafitte, où l'on produit notamment de grands crus de Graves.
"Je le sens surtout sur les cinq à sept dernières années, dit-elle. Dans nos classes de dégustation, on les voit de plus en plus poser des questions pointues."
LA MOITIÉ DES JEUNES OENOLOGUES
Femmes et vin, l'histoire est récente. Ces observateurs privilégiés situent le tournant il y a une trentaine d'années et l'accélération de cette tendance est encore plus jeune.
Dans la production, "la grande rupture, c'est l'accession des femmes à des savoirs viticoles et vinicoles. C'est une évolution qui est arrivée par le haut", observe Jean-Louis Escudier.
Autrefois chassées des chais pour des questions de prestige ou de croyances sur la physiologie - il s'est longtemps dit que le cycle menstruel était incompatible avec la noble élaboration du vin, note le chercheur - les femmes trouvent une juste place.
La crise agricole et l'évolution des mentalités ont favorisé leur émergence aux commandes des exploitations et l'oenologie en est le symbole, à laquelle sont désormais formés autant de filles que de garçons.
"Dans la promotion de mon père, en 1968, il y avait à peine une femme. J'ai eu mon diplôme en 2003 et on était à 50/50", relève Vanessa Aubert, 31 ans, copropriétaire et oenologue d'Aubert Vignobles, d'où sortent un million de colis par an, dont un grand cru de Saint-Emilion et un grand cru classé.
Plus nombreuses, elles sont aussi plus reconnues: en 2001, le trophée Ruinart du meilleur jeune sommelier sacrait Giovanna Rapali au terme d'une finale dominée pour la première fois par les femmes, quatre contre deux hommes.
"DOUÉES POUR ÇA"
Sur les domaines, les femmes prennent peu à peu le pouvoir et on compte environ 30% de vigneronnes en France.
"Il y a des profils différents: héritières, femmes de, et personnes qui s'installent seules, qui réalisent un rêve, se font plaisir. Au-delà du vin, on peut parler d'une philosophie, d'un choix de vie", affirme Marie-Laurence Saladin.
"S'il y a un avenir dans le vin, ce sera par les femmes parce que c'est elles qui transmettent cela par la culture, par la cuisine, par l'éducation", ajoute-t-elle.
De fait, le vin arrive d'abord à la table des Français par les femmes. En 2007, selon une étude Ipsos pour Les Domaines Baron de Rotschild, 46% des femmes disaient acheter du vin plus souvent que leur conjoint, et 25% au moins aussi souvent.
Un parallèle peut être fait avec une consommation qui se réduit, mais s'affirme en termes de qualité: 81% des Français disent consommer de meilleurs vins, et 76% sont prêts à payer davantage pour boire mieux.
Or, "les femmes sont venues au vin par la dégustation. C'est un monde complexe, sophistiqué, fait de détails, de saveurs, de mémoire, de culture, et les femmes sont douées pour ça", estime Florence Cathiard
La science les dit même dotées d'un don: elles auraient un sens olfactif plus fin que les hommes. En matière de goût, en revanche, rien ne tend à les différencier, contrairement aux idées reçues.
"Souvent, on dit que les hommes préfèrent les choses plus boisées et les femmes les plus élégantes, mais de plus en plus de femmes aiment le vin rouge. Quand il s'agit de bon vin, tout le monde s'y retrouve", dit Vanessa Aubert.
De fait, le vin n'est pas ou plus un produit sexué, quand bien même les caciques du marketing tentent d'exploiter ce terreau. Les femmes se distingueraient plutôt par la curiosité.
"J'observe qu'elles sont moins arc-boutées sur des références bien établies, elles ont moins d'idées préconçues", éclaire Sophie Pallas, créatrice du salon "Autrement Vin"
Lorsqu'elle a créé un club d'oenologie durant ses études, Marie-Laurence Saladin a constaté, elle, "l'engouement de filles qui n'y connaissaient rien".
Et qui finiront peut-être par initier des hommes, comme au Japon, où, relève Florence Cathiard, "les grands crus sont arrivés par les femmes, très raffinées".
Par Reuters
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