Le Guide Hachette des Vins 2011 sera disponible à partir du 1er septembre 2010. 35 000 vins ont été dégustés à l'aveugle et 10 000 nouveaux vins ont été retenus. Le directeur du Guide, François Bachelot, revient sur les tendances observées au vignoble.
Comment créez-vous chaque année le Guide Hachette des Vins ?
François Bachelot : "Votre question me permet de m’attaquer à une idée reçue : contrairement à d’autres guides, nous refaisons le guide Hachette intégralement chaque année et ne nous contentons pas de mettre à jour une partie du guide à chaque nouvelle édition. En effet, en ce qui concerne le Guide Hachette, nous ne suivons pas des domaines : nous dégustons et notons des vins qui changent à chaque nouveau millésime. Nous nous devons donc de les regoûter tous (ils sont près de 36 000), chaque année.
Nos commissions de dégustation sont présentes dans toutes les régions viticoles de France. Elles sont composées de plusieurs jurys de trois professionnels ou plus. Chaque jury déguste une quinzaine de vins : nous limitons le nombre d’échantillons pour que les jurés puissent se consacrer à leur commentaire du vin, car ce dernier est aussi important, à nos yeux, dans notre conseil au consommateur, que le nombre d’étoiles.
Nos jurys sont composés de professionnels du vin : producteurs (qui ne goûtent évidemment pas leurs propres vins), négociants, œnologues, sommeliers… Nous faisons appel à des professionnels car nous demandons à nos jurés d’évaluer chaque vin dans son appellation et dans son millésime ; ce sont les seuls éléments dont disposent nos dégustateurs, qui dégustent donc à l’aveugle, mais dans un cadre défini. Cela signifie que nous nous adressons à des dégustateurs qui savent évaluer un Chinon en tant que Chinon et pas en tant que Touraine ; en tant que professionnels, ils disposent aussi du recul suffisant pour s’exprimer sur le potentiel de garde des vins. En outre, les professionnels disposent d’un vocabulaire consacré et éloquent pour tous nos lecteurs,. Enfin, entre l’approche technique de l’oenologue, l’approche marché du négociant, l’approche terroir du vigneron, l’approche gastronomique du sommelier, on arrive à un point de vue complet sur un vin donné.
Cette collégialité nous permet d’aborder sereinement la dégustation, qui, comme chacun sait, n’est pas une science exacte. Nous croyons donc davantage à cette addition de sensibilités qu’au parti pris d’un dégustateur seul. D’autres guides ont fait ce choix, qui est respectable ; le principal est de dire clairement ce que l’on fait, et de faire ce que l’on dit. En matière de dégustation, il importe de rester très humble !"
Quelles tendances observez-vous au vignoble et comment les avez-vous transcrites dans le guide ?
François Bachelot : "Nous avons fait ressortir deux tendances, qui sont à la fois marquantes et très positives pour le vignoble. L’une concerne l’offre de vins élaborés à partir de raisins issus de l’agriculture biologique. Nous en avons sélectionné 300, ils étaient moins de 200 l’an dernier, quand nous avons commencé à mettre cette catégorie en avant. Nous savons que ces effectifs sont appelés à croître dans les années qui viennent, au vu du nombre de domaines actuellement en conversion.
Le phénomène touche notamment les vignobles du sud, plus aptes pour le bio, grâce à des conditions climatiques favorables. Mais un vignoble comme l’Alsace fait figure de pionnier en la matière : les vins bio représentent 10 % des références que nous avons retenues pour le vignoble alsacien.
La seconde tendance sur laquelle nous avons tenu à insister concerne l’arrivée de nouveaux producteurs. Qu’il s’agissent de reconversions de salariés (architectes, cadres industriels ou même psychologues) qui s’ s’installent, ou de viticulteurs qui sortent de la coopérative pour prendre vendre leur vin à leur nom, tous sont des gens qui prennent ce risque parce qu’ils croient en la vigne et au vin. On observe aussi cela dans les maisons de négoce qui achètent des vignes pour s’approprier leurs approvisionnements ou chez les vignerons qui se mettent au négoce pour compléter leur gamme. En tout, ils sont une centaine dans le guide cette année : beaucoup de ces créateurs se trouvent dans le Bordelais ou en Bourgogne, dans le dynamique Languedoc-Roussillon, où le prix des vignes reste très attractif, mais aussi en Champagne… où le ticket d’entrée est beaucoup plus élevé : entre le prix des vignes et la gestion des stocks, investir dans le vin en Champagne représente une immobilisation de capitaux considérable, mais des gens y vont. C’est selon moi un message très positif pour le vignoble français : il inspire toujours la passion.
Avez-vous pu vérifier les éloges faits au millésime 2009 ?
François Bachelot: "C’est un peu la troisième tendance qui se dégage de notre guide 2011 et c’est là encore une très bonne nouvelle : avec 2009 on est clairement sur un très joli millésime. Il n’est pas dans mes habitudes de mettre en avant telle ou telle région, mais je vais faire exception à ce principe. En effet, les 2009 qui étaient prêts à être dégustés nous ont réellement charmés, notamment en Beaujolais, où nous avons décerné 18 Coups de Cœur. Ce n’était pas arrivé depuis quelques années et on a là de très beaux vins à des prix défiant toute concurrence. En Muscadet aussi, le millésime est superbe et les prix sont au plus bas, c’est le moment d’en profiter !"
On reproche aux guides du vin de créer des stars qui vendent leurs vins à des prix indécents, qu’en pensez-vous ?
François Bachelot : "La starification des vignerons existe partout mais je pense qu’il est très bien que chaque région vinicole puisse compter sur des locomotives. Pour autant, une locomotive n’en est vraiment une qu’avec des wagons accrochés derrière. Ceux qui induisent ou qui profitent d’une mise en avant dans les média ne doivent pas oublier qu’ils appartiennent à un ensemble. Produire une cuvée en quantité microscopique, très soignée, à 100 € la bouteille, tout le monde peut le faire. Des gens en vue qui reprennent un domaine et font profiter une région de leur notoriété sont quant à eux porteurs d’un message autrement plus positif. C’est le cas de quelqu’un comme Olivier Decelle à Maury : son nom n’est pas très connu du grand public, mais quand on dit « Picard Surgelés », ça parle et c’est une histoire à raconter. Or le vin c’est avant tout des histoires à raconter. Gérard Depardieu en Val de Loire et dans le Bordelais, c’est parfait pour mettre sur le devant de la scène l’Anjou ou les satellites de Saint-Emilion.
Parmi nos nouveaux venus au vignoble, nous n’en avons pas vu qui faisaient exploser les prix : d’une manière générale, quand on est face à des prix déconnectés du prix moyen de l’appellation, je ne pense pas qu’on puisse parler de locomotive."
Comment le guide Hachette s’adapte-t-il aux nouvelles technologies ?
(Rires) Nous avons lancé le site Internet http://www.hachette-vins.com voici deux ans. C’est un complément du guide : nous avons mis dix ans de notes, de références en ligne, avec les deux ou trois dernières éditions en accès gratuit. A cette base de donnée en accès libre s’ajouteun blog, un forum, une encyclopédie du vin, ainsi qu’une partie plus magazine autour du vin : il y est question de recettes de cuisine, de routes et de fêtes des vins. Notre site reçoit 100 000 visiteurs uniques par mois. Nous avons en outre développé deux applications pour les Smartphone : la première en décembre dernier, Vins et Millésimes, un dictionnaire gratuit des appellations de France, qui a fait l’objet de 500 000 téléchargements. Nous avons récidivé avec une application payante consacrée aux accords mets-vin qui est très vite devenue numéro un dans sa catégorie. Nous croyons en l’enclenchement d’un cercle vertueux entre le guide et le site et nous comptons sur ce nouvel outil pour donner envie d’acheter le guide et développer la marque Guide Hachette des Vins.
Les Foires aux Vins sont-elles toujours l’occasion de bonnes affaires ou sont-elles devenues un simple rendez-vous saisonnier ?
François Bachelot : "A mon sens, les Foires aux Vins ne se sont pas banalisées, même si le phénomène s’est installé. Nous constatons des pics de consultation du site en septembre : les gens recherchent de l’information sur les vins. C’est une belle occasion, trop rare en France, de parler de vin, de voir des reportages sur le vin aux journaux télévisés de vingt heures… Tout cela fait beaucoup de bien au vin.
L’offre est immense, pendant trois à quatre semaines, il faut bien préparer ses listes, comparer les enseignes et les références, savoir si on achète pour boire ou pour garder, fixer un budget… Pour le consommateur, c’est un moment à part, où les grands crus sont disponibles dans les rayons de leur supermarché, hors primeurs, hors allocation, hors tabous. Je trouve que c’est un très très beau phénomène : on frôle le rêve sans s’interdire la découverte, en sortant des sentiers battus du côté du Beaujolais, du Languedoc, du Jura ou de la Savoie."
Vous faites une place à part aux restaurants et bars à vin dans l’édition 2011, l’oenotourisme entre-t-il au Guide Hachette ?
François Bachelot : "Revenons aux sources : le Guide Hachette est né dans le giron des Guides Bleus, les guides touristiques des éditions Hachette. Il a été conçu comme un guide touristique : « le Guide Bleu de la France du Vin ». Nous n’allions pas renier cette approche touristique au moment où l’oenotourisme se développe, comme le tourisme en général, et où les vignerons ont bien compris que l’accueil était l’occasion de générer une supplément de chiffre d’affaires.
Nous indiquions depuis quelques années déjà les domaines qui proposaient gîtes ruraux et chambres d’hôtes ; nous avons souhaité ajouter des notices sur des restaurants et bars à vins qui offrent de belles sélections. Le nombre d’établissements qui jouent la carte du vin s’est en effet beaucoup développé, dans les régions viticoles, mais aussi en Bretagne ou dans le Nord. Nous avions lancé une première sélection d’adresses, Les bonnes adresses du Guide Hachette, vendue en coffret avec le Guide des Vins pour Noël 2009. Pour l’édition 2011, nous avons étoffé notre sélection, qui contient 131 adresses et qui permet à nos lecteurs de trouver une vaste sélection de vins, souvent proposés au verre, pour boire moins tout en goûtant plus.
Promouvoir cette consommation, qui s’intéresse au goût du vin, au vin à table, au vin abordable et près de chez soi, correspond à notre philosophie du vin. Nous n’en resterons donc pas là et comptons enrichir cette sélection lors de nos prochaines éditions !"
Avec l'aimable autorisation de http://www.vitisphere.com