Attendu depuis deux ans, le changement de nom des Coteaux du Tricastin marque seulement le début de l'embellie pour cette appellation viticole du sud de la Drôme, fragilisée par la proximité de la centrale nucléaire mais également par sa petite taille.
"La confusion avec la centrale, c'est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Mais ce n'était pas le seul problème de l'appellation", estime Brice Eymard, responsable des études chez Inter-Rhône, la structure chargée de promouvoir les vins des Côtes-du-Rhône.
Avec 50.000 à 60.000 hectolitres de vin par an, les 6 appellations d'origine contrôlée (AOC) du Tricastin (blanc, rouge et rosé, primeurs et vins de garde) pointent loin derrière les vins de Bordeaux (5 millions d'hectolitres) ou les Côtes-du-Rhône (3 millions), souligne l'économiste.
"Dans la grande distribution, ils n'ont pas les volumes suffisants pour rivaliser. Dès que les prix des grosses appellations baissent, les petites, comme le Tricastin, le Ventoux ou le Languedoc, souffrent si elles ne peuvent pas miser sur leur image", explique-t-il.
Or, avec une AOC décrochée en 1973, les Coteaux du Tricastin "sont arrivés presque trop tard pour construire une notoriété" qui leur permettrait d'échapper à cette guerre des prix, ajoute Françoise Brugière, chef de l'unité prospective de l'observatoire France Agri Mer.
Vulnérable, l'appellation a particulièrement souffert de la défiance liée à la centrale nucléaire voisine, "qui a fait fuir des clients pourtant solides", raconte Brice Eymard, évoquant notamment des Néerlandais soucieux de questions environnementales et connaisseurs de la région.
Le prochain changement de nom de l'AOC - rebaptisée "Grignan-Les Adhémar" au plus tard pour la cuvée 2011 - "permettra de tourner la page des années difficiles", se réjouit le président de l'appellation, Henri Bour, annonçant un "positionnement plus élitiste" à l'avenir.
Sur fond de réforme générale des appellations en Europe, les vignerons drômois comptent présenter "un nouveau cahier des charges avec un rendement abaissé, un encépagement déterminé, une interdiction de pratiquer le désherbage total et une incitation au développement de la culture bio", précise M. Bour.
Restera à promouvoir ce "nouveau produit" auprès de ses clients traditionnels - grandes surfaces, cavistes et restaurateurs - et de lui trouver de nouveaux débouchés, une tâche ardue pour une appellation dont le budget annuel "ne dépassera jamais 300.000 euros", souligne le viticulteur.
"On s'efforcera de développer l'oenotourisme et l'aura de Grignan (où résidait la marquise de Sévigné, ndlr). Mais pour l'étranger, qui représente actuellement 10% des ventes, ce n'est pas évident. Le nom est neuf et pas très facile à prononcer", prévient-il.
Plus optimiste, évoquant une campagne de promotion lancée en 2009 par les Côtes-du-Rhône à l'étranger, Brice Eymard juge qu'"avec la crise, les marchés étrangers se sont mis à chercher des alternatives au +tout Bordeaux+, trop cher, pour élargir leur offre".
"Derrière Grignan, il y a un patrimoine, quelque chose à raconter. C'est cohérent. D'après une étude que nous avons menée aux Etats-Unis, dès qu'on monte en gamme, les gens ont envie qu'on leur raconte une histoire", souligne l'économiste.
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