Les affaires ont commencé dans les minutes qui ont suivi l'ouverture du salon Vinexpo, qui s'est tenu du mardi 25 au jeudi 27 mai à Hongkong. Tous les exposants - ils sont près de mille - savent que l'avenir du vin passe désormais par l'Asie. Depuis le dernier salon, en 2008, le nombre d'exposants de la région Asie-Pacifique a augmenté de 30 %.
Les plus grands producteurs de vin chinois sont aussi au rendez-vous. La Chine est déjà le 10e producteur mondial et le 8e marché consommateur. "S'il y avait encore des hésitations en 2008, c'est clair pour tout le monde à présent que l'Asie est la locomotive du monde viticole", indique Jérôme Coureau, propriétaire et négociant de CGM Vins, qui propose des vins à partir de 1,59 euro la bouteille et se félicite de la grande curiosité des acheteurs potentiels. "On aime bien quand c'est assez fruité... On aime bien aussi les médailles d'or sur les bouteilles", déclare une acheteuse chinoise en prospection.
Face à l'énorme potentiel du marché chinois, les exposants affichent toutefois une certaine perplexité. Ils vendent parfois sans vraiment comprendre à qui ou pour quel marché. Leurs interlocuteurs tournent très vite. Tout le monde tente sa chance. "C'est un marché neuf, personne n'est capable de dire ce qui va se passer et la plupart des Chinois ne savent pas vraiment de quoi il s'agit", constate Philippe Castéja, PDG de Borie-Manoux, maison de négoce. "C'est étonnant, on boit de l'eau sur ce salon, observe Jean Moueix, du groupe Duclot de négociants en vin. Les acheteurs passent commande sans goûter. Ils ont des critères différents, on est un peu surpris..."
Les acheteurs eux aussi vont de surprise en surprise : certains ne comprennent pas qu'on ne puisse pas leur fournir un million de bouteilles de Lafite ou de Latour. "Un visiteur m'a demandé deux millions d'euros de vin, juste pour diversifier ses placements", indique un négociant de grands crus. "Plus c'est cher, mieux cela se vend, observe Michaël Hundeböl, de la maison de négoce Veyret-Latour. Depuis le millésime 2000, on ne parle plus de qualité pour les grands vins. C'est devenu une question d'image et de marque."
C'est aussi une question de symboles. Quelques vins ont fait des percées inattendues sur le marché chinois simplement grâce à leur étiquette. Ainsi, le dragon en figure de proue de la gabare du Château Beychevelle, et la cloche de carillon sur l'étiquette du Château Angélus, rebaptisé spontanément "la cloche" par les Chinois, ont eu plus d'impact que n'importe quelle campagne publicitaire. Parfois, ce sont les consonances des noms : "Moët et Chandon" sonne, paraît-il, comme "Mao Zedong"...
Cependant, au-delà des anecdotes, les consommateurs chinois font preuve d'une plus grande expertise qu'auparavant. "A leur façon de tenir leur verre, et aux questions qu'ils nous posent, on voit une différence énorme depuis le dernier Vinexpo en 2008", indique Alexander van Beek, directeur des Châteaux Giscours et du Tertre, pendant la dégustation de l'union des grands crus de Bordeaux, qui s'est jouée à guichets fermés avec 1 500 participants.
Les producteurs chinois profitent aussi de cet engouement. Dynasty, le groupe de vins et spiritueux issu d'une coentreprise remontant à 1980 entre Rémy Martin et une entreprise d'Etat chinoise, investit un peu partout dans le monde.
Au-dessus de leur stand trône une immense photo d'un château qui ressemble à un mélange de Chambord et de Versailles, enrichie d'une réplique de la pyramide du Louvre : c'est leur futur musée du vin. Son directeur, Gao Feng, prévoit une croissance de 20 % à 30 % de la consommation de rouge dans les années à venir.
Même si elle absorbe plus de la moitié du très haut de gamme, l'Asie ne pèse en fait encore que 4 % de la consommation mondiale de vins. Les caves sont vides ou à construire. Tout reste à faire...
Florence de Changy
http://www.lemonde.fr/economie/article/ ... _3234.html