Dernier jour de récolte hier au château La Tour Blanche. À Sauternes, appellation aux coûts de production très élevés et aux rendements bas, le 2009 s'annonce de qualité superbe
«Pourquoi les vins de Sauternes ont-ils le plus souvent des prix élevés ? Parce que dans la famille des liquoreux presque tout est fait à la main et que les volumes produits sont trois fois inférieurs à ceux des rouges. » Voilà ce que la directrice Corinne Reulet explique aux visiteurs du château La Tour Blanche.
À 50 km de Bordeaux, près de Langon, cette propriété de 40 hectares de vigne (dont 3 de rouge) est un des 27 crus classés (classement de 1855) de Sauternes. Cette AOC de 2 200 hectares étant la plus importante du petit monde des moelleux et liquoreux bordelais (4 000 ha sur les 120 000 du vignoble). Famille où l'on trouve aussi Loupiac, Sainte-Croix-du Mont ou Cadillac.
Hier, sous le soleil, c'était donc le dernier jour d'une récolte débutée le 14 septembre. « La durée des vendanges a été ramassée cette année. Habituellement, nous sommes plutôt sur 7 à 8 semaines », explique Alex Barrau, directeur d'exploitation de cette propriété ayant la particularité d'appartenir à un lycée. Il y a un siècle, elle a en effet fait l'objet d'un legs par un châtelain.
Avec internat et cantine, 140 élèves et apprentis se forment ici, de la 3e au BTS. Le tout sous l'autorité du ministère de l'Agriculture. Le château est une entité indépendante avec du personnel de droit privé alors que les enseignants sont bien sûr des fonctionnaires.
La pourriture noble, très attendue dans le monde des liquoreux, est donc vite arrivée en 2009. Avec le beau temps et des rendements au rendez-vous, les sourires sont sur les visages. Fait rare en Bordelais, rouge, blanc sec et liquoreux sont cette année sur la même longueur d'ondes d'une belle qualité.
Trois verres par cep
À La Tour Blanche, on a ramassé 20 hl/hectare, alors que la moyenne décennale (comme chez les autres crus classés de l'AOC) est plutôt à 13 hl/hectare. Cela donne 2 000 litres de vin pour un hectare ayant 6 000 pieds. Soit un tiers de litre produit par cep, autrement dit trois verres. À ce niveau, ce n'est presque plus de la viticulture mais du jardinage !
Quand on sait, concentration des baies oblige, qu'il faut environ 2 kg de raisin pour produire un litre de liquoreux (environ 1,3 kg pour du vin rouge), on comprend mieux le travail nécessaire pour l'obtenir. D'autant que le ramassage nécessite plusieurs passages dans le même rang, à plusieurs jours d'intervalle. Et ce au fur et à mesure de l'avancement du Botrytis cinerea, champignon bienfaiteur de la pourriture noble apparaissant souvent de façon décalée sur les baies d'une même grappe.
« Nous avons effectué cette année 3 passages dans les vignes contre 4 à 6 en moyenne », précise Corinne Reulet, à la tête de l'établissement depuis huit ans. Un autre paramètre venant renchérir les coûts de production... « Ils peuvent varier de 15 à 30 ? la bouteille suivant les aléas climatiques. Cela explique les 40 ? TTC environ de nos vins proposés ici à la vente. »
Pour équilibrer les comptes à Sauternes, mieux vaut donc partir sur une logique décennale... La Tour Blanche a par exemple produit zéro bouteille de son premier vin en 2000 (pluie catastrophique en septembre), autour de 25 000 cols en 2004 et 2006, près de 60 000 en 2001 et 2003. Et presque rien en 2008 à cause du gel.
Rappelons, à titre de comparaison, que les grands crus de vin rouge sont en moyenne autour de 50 hl/ha, soit trois fois plus. « Et nous ne sommes pas trois fois plus cher », ajoute-t-on à Sauternes.
César Compadre
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