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[Jean-Pierre NIEUDAN]

Pour la première fois depuis son installation en 1994, David Genty, un viticulteur gardois qui connaît des difficultés depuis cinq ans, se demande si ses vendanges 2009, catastrophiques, ne seront pas les dernières.

"Aujourd'hui se pose clairement la question de la poursuite de l'exploitation", assure ce vigneron de 40 ans, qui devrait se joindre vendredi au cortège de viticulteurs, arboriculteurs, maraîchers et éleveurs qui défilera à Avignon pour la défense de l'agriculture. Ses vignes s'étalent autour du village de Vénéjan, près de Bagnols-sur-Cèze. Au total: une cinquantaine d'hectares, dont quarante en fermage et une dizaine en propriété, à 95% en AOC Côtes-du-Rhône et Côtes-du-Rhône Village.

Dans sa mémoire une date reste gravée: le 16 avril. Ce jour-là, un orage gronde à quatre reprises, détruisant certaines de ses parcelles à 100%. Celles qui ne seront pas touchées par l'orage le seront plus tard par la sécheresse. Résultat: une récolte de 900 hectolitres pour 50 ha alors qu'en 2003, il avait vendangé 1.900 hl sur seulement 36 ha. Soit, cette année, "un rendement de 18 hl par ha, alors qu'en AOC l'objectif est de 45". "Avec 100% de la récolte, on n'arrive pas à couvrir nos frais, alors avec 30%...", soupire ce père de trois enfants, viticulteur de père en fils.

Cette catastrophe intervient alors qu'une crise frappe la viticulture en Languedoc-Roussillon, le plus grand vignoble de France, depuis quelques années. Une crise marquée par une chute des cours, une baisse des ventes en France non compensée par les exportations, des produits phytosanitaires dont le prix ne cesse d'augmenter, et une concurrence avec les vins produits par certains voisins européens, où le coût de la main-d'oeuvre est largement inférieur à celui en vigueur dans l'Hexagone.

Dans le Gard, la récolte 2008 s'est par ailleurs avérée très faible en quantité, grévant des trésoreries déjà délicates. Enfin, le contexte économique mondial a lui aussi eu des répercussions, notamment sur "le marché anglais qui s'est effondré", explique David Genty.
Aujourd'hui "un viticulteur perd en moyenne 1.000 euros à l'hectare par an", assure le président des Jeunes Agriculteurs du Gard, Xavier Fabre, lui-même viticulteur.

Les deux hommes partagent aussi le même sentiment de colère face à la grande distribution, coupable à leurs yeux de tirer les prix vers le bas et de réaliser des marges "sur le dos" des viticulteurs. "On n'est pas régi par la loi de l'offre et de la demande, mais par la loi du plus fort", analyse David Genty. Et le plus fort, "c'est ce cartel de la grande distribution qui s'entend pour acheter moins cher et nous imposer leurs prix", tempête Xavier Fabre.

Malgré cette situation, David Genty refuse de se dire "désespéré". "Je veux simplement vivre de mon métier, de mon exploitation", comme autrefois ses grands-parents, dit-il. Vendredi, les viticulteurs réclameront des mesures immédiates: année blanche fiscale, exonération des charges et taxes, année blanche sur les remboursements d'emprunts.

Mais au-delà, viticulteurs, maraîchers, arboriculteurs et éleveurs réclameront "une vraie vision pour l'agriculture", dit Xavier Fabre, notamment "de nouvelles règles au niveau de la commercialisation", "en particulier avec la grande distribution". "Ca veut dire aussi une harmonisation des charges sociales au niveau européen" pour combattre la distorsion de concurrence. Et surtout "une réflexion sur la place de l'agriculture dans la société".

http://www.midilibre.com/articles/2009/ ... 58297.php5