Avec la crise, beaucoup délaissent les restaurants et préfèrent consommer chez eux des bouteilles dont le prix ne dépasse 10 euros .
Au pays du vin, la consommation a été divisée par trois en 50 ans. Dans les années soixante, les Français buvaient en moyenne 120 litres par an, soit l'équivalent de trois ballons par jour. Aujourd'hui, ils ne dépassent pas 43 litres.
La faute aux « ayatollahs anti-alcooliques » ? Assurément, si l'on écoute Robert Beynat, le directeur général de Vinexpo. Les campagnes de pub contre l'abus d'alcool au volant ( personne n'a oublié « un verre ça va, deux verres bonjour les dégâts ») ont certes fait leur chemin dans les esprits, La politique en matière de sécurité routière, avec des lois plus répressives, aussi. Mais pas seulement.
Les mentalités ont changé. Les jeunes délaissent volontiers le vin au profit d'autres types d'alcool. Et puis la crise… la crise est venue chambouler un peu plus le comportement des consommateurs.
Chez Geoffray Deloupy, caviste indépendant de la place Tabareau, à Lyon, les premiers effets se sont fait sentir il y a maintenant six mois, mais pas de façon totalement négative. « Je n'ai jamais vendu autant de champagne... ni de vins à petits prix. Chez moi, le client peut acheter une bouteille de champagne à 200 euros, comme il peut ressortir avec 6 bouteilles. D'autres, par contre, chercheront des tarifs plus abordables pour des vins qui tiennent la route » explique le professionnel pour qui « en matière de tarif, le milieu n'existe presque plus en ce moment. »
Chez Nicolas, avenue général de Gaulle à Caluire, Grégory Mon affiche un large sourire. Difficile pour lui de parler crise : « Le groupe a progressé de 3 %. Ici, je suis à +11 % en juillet 2009, par rapport à juillet 2008. Je crois que les gens se font toujours plaisir, dans la qualité plus que dans la quantité. »
Et les femmes sont toujours plus nombreuses à franchir le pas de la porte : « C'est même impressionnant, s'exclame Grégory Mon, il y a 15 ans, la proportion était de 90/10, aujourd'hui c'est 60/40 et peut-être même 50/50. Les femmes ont des palais souvent plus développés que certains hommes. »
« La clientèle progresse en nombre, peut-être parce que les gens vont moins au restaurant et invitent davantage chez eux », confie encore le caviste. Tendance confirmée par Bruno Lafon, propriétaire du domaine Magellan à Magalas, près de Pézenas : « Globalement, et pas uniquement en France, tous les circuits qui vendent aux particuliers vendent bien mieux que ceux qui s'adressent à la restauration. Ce qui marche bien, ce sont les vins en dessous de 10 euros. Il y a une demande de prix bas qui est réel. Les Français recherchent moins les grandes étiquettes pour se tourner vers des petites choses sympas. »
A Beaune, la maison Champy a une grosse clientèle de particuliers, marché sur lequel elle a renforcé sa position en faisant un gros effort d'investissement en 2008. « Pour nous, le marché se tient bien. Les Français ont tendance à consommer autant, peut-être moins cher. A l'export, en revanche, on a plus de mal avec les grands vins. L'exemple de la Grande Bretagne est significatif : les Anglais reviennent à des produits comme la bière » explique Pierre Meurgey, le patron de la société.
Lui aussi estime que les restaurateurs portent une part de responsabilité dans la désaffection des consommateurs, en pratiquant sur table des prix trop élevés.
Et si ces derniers favorisaient la vente de vin au verre en offrant une gamme plus large suggèrent certains viticulteurs ? Voilà peut-être une voie à explorer pour redévelopper la vente dans les restaurants.
Christine Morandi
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