Le village valaisan de Visperterminen est connu pour son vin, le «Heida», ou «Païen», tiré d'un cépage qui pousse entre 650 et 1150 mètres d'altitude. Planté sur des terrasses en murs de pierres, le vignoble grimpe sur une pente escarpée de 500 mètres.
La tradition vinicole de Visperterminen est presque vieille comme le monde. Des vestiges archéologiques ont montré que les Celtes y faisaient déjà du vin. De plus, le cépage cultivé, le «Heida» ou «Païen» est originaire de France.
«On ne sait pas exactement comment le cépage est arrivé ici», explique Pirmin Heinzmann. Agé de 64 ans, l'homme est chef de cave de la maison St-Jodern qui travaille sur le vignoble «le plus haut d'Europe», selon son slogan.
Un simple fruit
A l'origine, le raisin était cultivé pour l'usage privé. «Une famille se devait d'avoir en réserves du vin, du lait, du fromage et des pommes de terre. L'agriculture était donc une activité essentielle», rappelle Pirmin Heinzmann.
La vallée est l'une des régions les plus sèches d'Europe. Le vin abreuvait les paysans assoiffés, au même titre que l'eau et le lait.
Objet de prestige
«Mon père travaillait en dehors du village comme maçon ou ouvrier», poursuit l'encaveur. Dans la plaine, l'usine chimique Lonza attirait aussi les ouvriers, mais là -bas, les travailleurs ne pouvaient plus prendre leur ration de vin avec eux, comme cela se faisait dans l'agriculture.
Même aux champs, selon Pirmin Heinzmann, le vin a peu à peu cédé la place à l'eau et à la bière. Les habitudes ont changé, et la consommation de vin a diminué. Après la Deuxième Guerre mondiale, le jus de la treille est passé du statut d'aliment à celui est devenu de produit de luxe.
Comme son père, Pirmin Heinzmann a travaillé dans la construction. «Mais la vigne m'a toujours attiré. Mon père aussi avait été un peu vigneron. J'ai eu l'idée de transformer mon domaine, où j'avais du bétail, en vignoble, et de changer de métier.»
Une coopérative a alors vu le jour, en 1979, pour sauvegarder le vignoble de Visperterminen. En 1980, la cave St-Jodern était créée. «J'en ai été le chef de cave dès le premier jour», sourit Pirmin Heinzmann.
Une corporation
Avant 1979, de nombreuses parcelles du «plus haut vignoble d'Europe» étaient à l'abandon. Surtout les plus haut perchées, qui sont tout juste atteignables.
«Le Fonds suisse pour le paysage nous a aidés, en versant 150'000 francs en 1997, pour rénover les murets et réhabiliter les parcelles.» Mais certains propriétaires n'étaient pas d'accord, leurs parcelles restaient trop difficiles d'accès.
«Finalement, avec six compagnons – un touriste, un juriste, un banquier et trois vignerons – nous avons créé en 1999 une corporation, nommée Heida, du nom du vin blanc de Visperterminen, aussi nommé «la perle des Alpes». Et nous avons exproprié les propriétaires.»
Tous les coopérateurs payent 1000 francs. Ils reçoivent un bâton de vigneron à leur nom et une bouteille avec étiquette personnelle chaque année.
Héritage culturel
Roland Zimmermann a été maire de Visperterminen de 2000 à 2008. «La commune a toujours soutenu ce projet. Pour moi, il s'agissait d'un paysage culturel à sauvegarder absolument.»
Pirmin Heinzmann est aujourd'hui très fier du fait que la corporation Heida compte des membres de toute la Suisse et de toutes les couches sociales. «Parmi nous figurent deux prêtres, des jeunes, des vieux, des hommes, des femmes.»
Chacun d'entre eux doit travailler au moins une fois par an à la vigne, «sous peine d'amende de 100 francs», précise l'encaveur. Avec ses 250 membres, la corporation place désormais les candidats sur liste d'attente.
Un vin réputé
Le vin fabriqué avec le cépage «Païen» s'est taillé une réputation prestigieuse. «Le cépage s'est bien acclimaté. Il est très fruité, aromatique et riche en alcool et en sucre», explique Pirmin Heinzmann.
La haute teneur en alcool (jusqu'à 14%) avait déjà fait sensation au début du 20e siècle. En 1901, G.F. Stebler, enseignant à l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich, l'avait nommé «le vin qui coupe dangereusement les jambes» dans un livre sur les Alpes suisses.
Aujourd'hui encore, on dit, comme cette habitante de Visperterminen, que «les autochtones supportent mieux le vin d'ici que les étrangers». Elle est – comme il se doit – membre de la corporation du vin «païen».
Jean-Michel Berthoud, Visperterminen, swissinfo.ch
(Traduction de l'allemand: Ariane Gigon)