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[Jean-Pierre NIEUDAN]

La haute silhouette du château du milieu du XIXe siècle se dresse dans la pénombre. Dans le ciel, une demi-lune va bientôt disparaître derrière une masse nuageuse. La nuit tombe sur Pape-Clément. Le grand portail d'acier est ouvert et laisse entrer les visiteurs.

Ce soir, ils sont accueillis par Vanessa tandis que, dans le parc, le long des allées de graviers ou de pavés, en bordure des pelouses tondues ras, autour du cèdre du Liban planté après la Révolution, Guillaume s'efforce d'allumer les flambeaux et les lampions. Mais ce jour-là, le vent qui fait flotter les drapeaux du domaine, a décidé de contrarier la vivacité des flammes.

Comme chaque mercredi d'été, une soixantaine de personnes, de tout âge, en famille ou entre amis, sont groupées dans la douceur de la boutique créée en 2007. La quiétude des boiseries, les sages alignements de bouteilles invitent à la lente dégustation d'un château Pape-Clément, en l'occurrence un cru 2004, « un classique », que, selon les conseils de Vanessa, les visiteurs découvrent progressivement par le regard, le nez et la bouche.

Grain après grain

Bienvenue dans un univers de cérémonial et d'exception. Au fil de leur avancée nocturne du cuvier au chai de vieillissement, de l'orangerie au caveau, les visiteurs découvrent le soin apporté à la vigne et au vin. La cueillette manuelle, le tri à la main de chaque grain de raisin, la macération en cuves de bois, le vieillissement en fûts de chêne, les humidificateurs qui limitent l'évaporation de l'alcool.

Des investissements ont été réalisés en 2001 et en 2007 dans cet objectif qualitatif. Une volonté de l'actuel propriétaire des lieux, Bernard Magrez, présent chaque jour à son bureau dans une des ailes du château. Une implication personnelle qu'il est difficile d'oublier. Pas une salle sans une photo du médiatique viticulteur, ici avec Gérard Depardieu, là avec Charles Aznavour, ailleurs lors d'une cérémonie d'intronisation au Ritz. Le livre d'or témoigne dans toutes les langues de l'aura de celui qui possède aujourd'hui 35 vignobles, de Pessac-Léognan à l'Amérique latine, aux États-Unis et au Japon.

Un Christ sur la pelouse

De même, en progressant entre les flambeaux, le visiteur ne peut ignorer qu'il est sur le domaine d'un « pape vigneron ». Né en Gironde en 1264, Bertrand de Goth, évêque de Comminges puis archevêque de Bordeaux, a reçu ce « vignoble de la Mothe » peu avant d'être élu pape sous le nom de Clément V. Son souvenir imprègne toujours les lieux. Outre une copie du gisant, l'art religieux est omniprésent : une statue de Christ en croix sur une pelouse ; un chai à barriques décoré de vitraux, copies de vitraux de la collégiale d'Uzeste ; du mobilier d'église ; des oeuvres en bois sculpté...

Il est un peu plus de 23 heures. Le vent a eu raison de la flamme de la plupart des flambeaux. La mise en route automatique du système d'irrigation éteint les derniers. Dans la nuit noire, émerge encore le pavillon du Prélat, bâtiment Eiffel en acier et en verre avec une coupole centrale colorée. Amateur d'art, Bernard Magrez l'a acheté en 2005 à Annecy et l'a fait restaurer. En sortant du caveau, les visiteurs de l'été ont un dernier regard pour le château dont la façade de pierre blanche se dresse éclairée par la lumière des projecteurs.

Visite chaque mercredi soir d'août. Début de la visite à 21 h 30. Compte tenu du nombre de places limitées, s'inscrire au 05 57 26 38 34.

Auteur : Michel Monteil
http://www.sudouest.com/gironde/actuali ... 45230.html