Chaque détail est d'une élégance parfaite. La lumière bleutée qui éclaire le château, les 1 500 invités qui déambulent en smoking et robe longue, le feu d'artifice or et argent tiré au-dessus des douves. Le château d'Issan, prestigieux Margaux classé en 1855, a eu cependant le bon goût d'organiser, jeudi 25 juin, la traditionnelle Fête de la fleur qui clôt Vinexpo, le grand salon des vins de Bordeaux, sans aucune de ces marques d'ostentation qui auraient pu paraître choquantes ou vulgaires en ces temps de crise.
Autour des 150 tables fleuries de roses, les difficultés économiques alimentent cependant discrètement les conversations, malgré le très raffiné dîner signé du chef Michel Guérard accompagné d'un beau Haut Bailly 2003 et du célèbre Mouton Rothschild 1988.
Les Russes, qui détonnaient ces dernières années avec leurs hélicoptères et leurs mannequins, sont quasiment absents. En 2008, les importations de vin français se sont effondrées en Russie : - 45,6 % en volume. Moscou compte 2 000 restaurants italiens pour 50 français et la chute du nombre de ces ambassadeurs du vin venus de l'Hexagone se fait sentir. Quant à la crise financière, elle a cueilli de plein fouet bon nombre de ces nouveaux riches qui tenaient les grands crus français pour la marque de leur nouveau statut social.
Mais les Bordelais ont déjà anticipé la nouvelle tournure du marché. La commanderie du Bontemps a intronisé avant le dîner une série impressionnante d'acheteurs et grands amateurs asiatiques. De riches Chinois, des Japonaises en kimono, de puissants négociants coréens sont ainsi adoubés par ces grands propriétaires bordelais. Et c'est une curiosité que de les voir se presser, revêtus du manteau de velours qui marque leur intronisation, pour voir Sophie Marceau, la seule star internationale à avoir fait le déplacement.
Ce qui inquiète, cependant, les producteurs bordelais reste l'attitude de la grande distribution française. Huit bouteilles sur dix sont habituellement vendues en grande surface. Mais cette année, la grande distribution a réduit de façon drastique ses achats de vins primeurs 2008. Estimant avoir acheté au prix fort les primeurs 2006 et 2007, celle-ci veut d'abord écouler les stocks accumulés.
Raphaëlle Bacqué
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