Parent pauvre de la Champagne, le « bio » n'a pas eu droit à la parole lors de l'assemblée générale du Syndicat général des vignerons...
La crise… L'assemblée générale du SGV (Syndicat général des vignerons), qui s'est tenue vendredi, n'a pas pris le tour escompté. L'affaissement des ventes et son corollaire, le spectre d'un rendement en appellation en chute libre qui pénaliserait les exploitations, ont occulté le reste.
La table ronde sur la diabolisation du vin qui, il n'y a guère, aurait passionné le public, a pris l'eau. Celle qui précédait, sur le développement durable, n'a pas motivé grand monde. Et Bertrand Gautherot, président de l'AIVABC (Association interprofessionnelle des vins de l'agriculture biologique), n'était plus là pour intervenir : faute d'avoir pu le faire dans le débat, il avait quitté la salle. « J'avais demandé à parler au micro depuis l'estrade, comme le groupe des jeunes, les coopératives, les viticultrices. Patrick Le Brun (président du SGV, ndlr) a refusé. Il m'a proposé d'intervenir de la salle. » Le micro ayant été accaparé par un intervenant particulièrement remonté , Patrick Le Brun fut contraint de couper court, promettant qu'à l'avenir il veillerait à laisser plus de temps pour cet exercice… C'était trop tard pour Bertrand Gautherot.
Durer sans pesticides ou avec ?
Pourtant, lors de l'assemblée générale de l'AIVABC, il s'était félicité d'un changement à l'égard de cette tendance. « Nous sommes de mieux en mieux reconnus. » Il en voulait pour preuve le propos de Carol Duval, présidente de l'Association viticole champenoise (AVC), appelant de ses vœux une Champagne avec 20 % de ses surfaces en culture biologique d'ici à 2020. Aujourd'hui, c'est 0,6 %.
L'autre signe fort venait de Patrick Le Brun lui-même, qui soulignait dans La Champagne viticole l'effet d'entraînement de ces pratiques plus soucieuses d'environnement. Mieux : le SGV avait mis à disposition des locaux pour l'assemblée générale de l'AIVABC.
Bertrand Gautherot regrette : « On parle d'une baisse des phytosanitaires de 50 % en dix ans. Qu'est-ce que c'est, sinon un moyen pour conserver durablement l'usage des pesticides ? On peut s'en passer ! »
Selon Dominique Moncomble, directeur de l'AVC, le rendement potentiel ou agronomique est lié au rendement butoir (en appellation), qui devient ainsi une sorte de « pousse au crime » : avoir plus pour être sûr d'avoir assez. Mais la bonne volonté écologique comporte un redoutable danger : l'explosion des coûts de contrôle aux dépens des activités de conseil. Cela « dans l'indifférence générale ».
Repères et verbatim
- Les domaines certifiés sont au nombre de 35. D'autres sont en conversion : il faut trois ans pour se déclarer en viticulture « bio ».
- Le champagne « bio » n'existe pas. N'existe pour l'instant que du vin issu de la viticulture biologique, ou biodynamique.
- Le « bio » connaît une croissance à deux chiffres depuis cinq ans. Ce qui représente un million de bouteilles.
- « Certains viennent à la viticulture bio parce qu'elle permet de mieux valoriser les bouteilles. Puis ils changent d'attitude quand ils découvrent les vins. »
- Difficile pour un vendeur au kilo de rejoindre les rangs des « bio » : « Ils ne peuvent pas atteindre des 15 500 kg/ha. »
- « Un viticulteur bio peut se trouver déclassé parce qu'on a trouvé du désherbant dans sa vigne ou des traces de traitement par hélico. Que l'on trouve de la tisane d'orties dans des vignes voisines des nôtres, elles ne sont pas déclassées. »
Sylviane MOREAU
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