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[Jean-Pierre NIEUDAN]

Le vendredi 13 délie les langues et fait l'objet des croyances populaires les plus diverses… L'occasion de revenir sur les superstitions liées plus ou moins directement à l'univers du vin.

L'image avait provoqué un mini-scandale en Italie, au moment de la Coupe du monde de football 2002 : une caméra avait filmé le sélectionneur de l'équipe nationale, Giovanni Trapattoni, en train de verser discrètement de l'eau bénite sur le terrain… C'est sa sœur, religieuse dans un couvent, qui lui aurait offert une petite fiole remplie du liquide divin, censé chasser les esprits maléfiques. L'aventure italienne s'était arrêtée en 8e de finale.
En 2006, le successeur de Trapattoni à la tête de la Squadra Azzurra, Marcello Lippi, confessait ne pas avoir emmené d'eau bénite en Allemagne, mais une bouteille de vin français offerte pour lui porter chance : il confesse l'avoir bue entièrement avant de remporter son quatrième titre mondial…
Au-delà de l'anecdote, des superstitions et croyances ancrées dans l'histoire font du vin tantôt une source de troubles, tantôt de bonheur…

Vin et nouveau-nés

La naissance est le domaine dans lequel le plus de croyances et pratiques affluent. Si on connaissait celle selon laquelle une femme pouvait connaître le sexe de son enfant en manipulant du sel (s'il fond : c'est une fille, sinon, c'est un garçon…) on saura également que pour protéger le nouveau-né des mauvais esprits, il faut également tremper l'anneau de la mère dans du vin et lui en faire boire quelques gouttes.
D'autre part, une femme enceinte qui reçoit au visage du vin rouge, des cerises ou des fraises donnerait naissance à un enfant portant des taches de vin !
D'une manière générale, les femmes ont subi dans l'histoire le poids de croyances plus profondes, selon lesquelles le vin et leur fonction reproductrice seraient incompatibles, que leur sang menstruel risquerait de souiller le vin, breuvage pur et divin, ou que d'en boire serait l'apanage de celles dénuées de moralité (prostituées, femmes légères, concubines, femmes adultères etc.)

Quelques coutumes ancestrales…

Une superstition relative à la façon de servir le vin est encore vivace dans les pays producteurs. Elle veut que la bouteille soit toujours tournée dans la direction du soleil : l'ignorer, dit-on, affecte sérieusement la qualité du vin.
Par ailleurs, porter un toast est aujourd'hui symbole de fête ou d'hommage. Ce n'était pas le cas en des temps plus reculés ! Chez les Grecs du VIe siècle avant notre ère, boire à la santé de quelqu'un avait une fonction pratique : assurer le convive que le vin qu'il allait boire n'était pas empoisonné. L'hôte se versait donc à boire en premier, les convives apaisaient leur soif ensuite. Paradoxalement donc, cette coutume en vint à symboliser un gage d'amitié et de respect. Les Romains, eux, laissaient tomber un petit morceau de pain grillé dans le vin (toast vient du latin tostus qui veut dire brûlé, rôti). Ce morceau de pain ajouté à un vin médiocre le rendait plus agréable au palais. Au début du XVIIIe siècle, la coutume du toast prit une nouvelle tournure : on commença à boire en l'honneur d'un invité de marque, en particulier d'une jolie femme…
Au Japon également, qui aujourd'hui témoigne d'un intérêt croissant pour la vigne française (voir les plusieurs tomes des Gouttes de dieu par exemple, manga dont l'intrigue tourne autour de vins hexagonaux), des proverbes s'amusent autour du nectar : « A la première coupe, l'homme boit le vin ; à la deuxième coupe, le vin boit le vin ; à la troisième coupe, le vin boit l'homme ».
Ce à quoi la médecine empirique médiévale aurait répondu que pour corriger les ivrognes de la passion du vin, il faudrait verser dans une petite quantité du liquide… du foie d'anguille. Dès ce moment, l'ivrogne aurait horreur de toute sorte de vin !
Toute une science, ces croyances…

Benjamin Hutter http://www.bienpublic.com