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"Pour que vive l'Oenotourisme" par Pierre Chevallet

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Jeu 26 FĂ©v 2009 19:27

A travers son Secrétaire Général, Pierre Chevallet, l'Institut de Coopération avec l'Europe Orientale (ICEO) publie un manifeste de sa Commission Vin et Culture, pour que vive l'oenotourisme. Une réflexion à méditer sur les enjeux de communication d'une autre façon de voir la vigne et le vin.

Introduction : l'oenotourisme, un retour aux sources du vin

Que le centre de conférence du Palais des Expositions de Montpellier ait été archicomble le jeudi 29 janvier dernier montre tout l’intérêt que les professionnels de la vigne et du vin du Languedoc-Roussillon portent aujourd’hui à l’œnotourisme.

C’est probablement dû à la nouvelle crise que la profession traverse, l’œnotourisme apparaissant comme un des moyens d’amortir le choc économique. C’est plus heureusement le signe que la profession redécouvre les fondamentaux de la culture du vin, qui lie étroitement le vin au sol, au climat et aux hommes qui l’ont produit. Tous les vins mêmes ceux que l’on ne qualifient pas traditionnellement de vins de terroir sont « nés » quelque part, c’est pourquoi les consommateurs avertis se méfient des vins « nés » sous X.

L’œnotourisme est une sorte de retour aux sources. Il y a une trentaine d’années, du temps où la culture du vin était encore une évidence, les vignerons traditionnels qui faisaient déguster leurs vins dans leur caveau faisaient de l’œnotourisme sans le savoir.

Mais depuis la situation a notablement changé. Alors que les visiteurs de l’époque étaient presque tous des consommateurs réguliers de vin, ceux d’aujourd’hui sont de plus en plus souvent des amateurs de vin néophytes voire de simples curieux qui n’ont presque jamais bu de vin.

Pour ne rien arranger, un rapport de l’Institut National du Cancer*, vient aujourd’hui relancer la polémique sur les méfaits de l’alcool. Prétendant que même à faible dose l’alcool est très mauvais pour la santé, le rapport ruine en un instant les espoirs et le travail des vignerons qui s’efforcent de faire la promotion de la consommation modérée mais régulière de vin.

La promotion œnotouristique devient donc de plus en plus complexe et délicate sous peine d’être peu efficace voire inaudible. Elle doit surtout s’effectuer dans le cadre d’une politique spécifique, originale, globale et cohérente.
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Re: "Pour que vive l'Oenotourisme" par Pierre Chevallet

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Jeu 26 FĂ©v 2009 19:28

Une communication originale pour l'origine et l'originalité du vin

Le vin n’est pas une boisson comme les autres. Depuis plusieurs millénaires il accompagne l’humanité judéo-chrétienne. La viticulture a façonné nos paysages, la culture du vin a façonné notre mode de vie et nos façons de penser pendant des siècles.

De ce passé faire table rase serait une absurdité et surtout une erreur commerciale. Le vin ne se découvre pas au supermarché, on apprend à le connaître et à l’apprécier en famille ou en société.
Quelles que soient les prouesses en marketing, en packaging, etc, que réussiraient à effectuer les metteurs en marché et les producteurs indépendants, il restera toujours aussi illusoire d’espérer vendre de bonnes bouteilles à ceux qui n’ont pas soif de vin, que d’essayer de vendre des livres à des gens qui ne savent pas lire.

Aujourd’hui plus que jamais, étant donné la campagne de diabolisation dont le vin est victime, un formidable travail d’information et de formation doit être entrepris en direction de tous ceux qui n’ont pu acquérir dans leur famille ou avec leurs relations les bases œnologiques qui permettent d’avoir un réel plaisir à consommer régulièrement et modérément du vin.

Le vin est un produit qui se singularise par la grande variété de ses caractéristiques organoléptiques ; sa commercialisation pour être efficace et pérenne se doit d’être originale, c’est-à-dire qu’elle doit mettre en valeur l’origine et l’originalité du produit.
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Re: "Pour que vive l'Oenotourisme" par Pierre Chevallet

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Jeu 26 FĂ©v 2009 19:29

Une communication qui représente le vin dans toute sa globalité

A force de diaboliser la consommation de vin et de repousser l’âge du premier verre, on réduit la culture du vin, ramené à sa seule composante alcoolique, à un rite satanique qui ne peut s’accomplir que dans la transgression.

Nombreux sont donc aujourd’hui les jeunes qui ne font l’expérience des boissons alcoolisées qu’avec leurs copains qui les poussent, dans un rite initiatique, non pas à goûter mais à se « shooter ». Les soirées étudiantes sponsorisées par les alcooliers tendent malheureusement à banaliser et normaliser ces comportements..

Les excès de boissons alcoolisées étant nocifs, de plus en plus de directeurs de mauvaise conscience prônent la prohibition et de nombreux alcooliques repentis envahissent les media pour expliquer combien l’alcool est dangereux et combien la sagesse serait d’en rendre la consommation quasiment impossible.

Dans toutes les civilisations les hommes ont fait et font usage de produits ayant des propriétés anxiolytiques ou euphorisantes. Chacun de ces composés présente des inconvénients et parfois quelques avantages. Chaque civilisation a appris à gérer les inconvénients des substances utilisées. Cet apprentissage, bien qu’imparfait, a permis de définir des savoir-vivre qui sont en l’occurrence des savoir-boire.

La meilleure façon de transmettre ce savoir-boire est probablement comme pour la conduite automobile la conduite accompagnée. Les adultes responsables savent qu’il est plus efficace pour lutter contre l’alcoolisme de donner l’exemple de la tempérance et de la mesure que de prôner des interdits absolus.

Certains hygiénistes intégristes préconisent, au nom du sacro saint principe de précaution, une consommation zéro de vin. Contester ces recommandations pour défendre la seule culture du vin s’avère contre-productif. Les ennemis du vin ne voient en effet dans ces protestations que la preuve de la puissance du lobby viticole.

Comme toute activité humaine, la consommation régulière et modérée de vin présente certainement dans certains cas quelques inconvénients. En s’interdisant tout ce qui statistiquement risque ou est supposé risquer réduire notre espérance de vie, nous prenons le plus grave des risques, celui de mourir d’ennui. Est-ce que vivre c’est durer ?

« De combien augmenterait l’espérance de vie des Français si par un hasard heureux plus personne ne mourrait de cancer ? La réponse est donc douze mois. Les cancéreux meurent plus jeunes que les autres (en moyenne cinq ans), 20% de la population meurt du cancer donc : douze mois » *

Le cancer du larynx représente environ 10% des cancers. La suppression totale de ce cancer représenterait donc une augmentation statistique de l’espérance de vie des Français de 36 jours. L’ensemble des cancers du larynx n’étant pas dû à la consommation régulière et modérée de vin, l’augmentation espérée est bien moindre.

Ainsi pour espérer une augmentation hypothétique de l’espérance de vie de Français de moins d’un mois on terrorise toute une population et on mène à la ruine une des filières les plus importantes de l’économie française.

Rony BRAUMAN, ancien président de Médecin Sans Frontières, rappelait tout ce que la médecine humanitaire devait à la Médecine militaire, notamment dans la hiérarchie des urgences et du tri des malades. Si l’on appliquait plus souvent ce fameux tri à la Santé Publique on éviterait de distraire des sommes très importantes pour des résultats seconds voire aléatoires. Alors qu’en 1961 la consommation d’alcool pur par an par habitant, 26 litres, était essentiellement due au vin (80%), elle n’est plus aujourd’hui que d’une douzaine de litres dont près de 50% dus à la bière et aux spiritueux. Chacun sait que ces boissons sont les plus prisées chez les jeunes et sont le vecteur essentiels des ivrogneries de fin de semaine. Il est donc regrettable et curieux que les campagnes antialcooliques se traduisent toujours par la condamnation de la consommation régulière de vin, fut-elle modérée.

Comme le souligne Jean de KERVASDOUÉ ; la vision catastrophiste du monde entretenue par le discours dominant se nourrit d’approximations, voire de contre-vérités. Il n’est que temps de démythifier et de dénoncer le discours « médicalement correct » ambiant qui veut nous faire oublier que « la vie est une maladie sexuellement transmissible, 100% mortelle ».

Seule une réfutation scientifique et culturelle globale du « médicalement correct » est à même de ramener les media, les responsables politiques et les consommateurs à la raison.

* Les prêcheurs de l’apocalypse, collection Pluriel, Hachette, 2007, Jean de KERVASDOUÉ
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Re: "Pour que vive l'Oenotourisme" par Pierre Chevallet

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Jeu 26 FĂ©v 2009 19:30

Une communication cohérente, en harmonie avec la valeur de modération

Régulièrement et modérément sont certainement les mots clés d’une bonne et pérenne commercialisation du vin. L’excès de consommation tue la consommation. Les metteurs en marché qui n’ont pas la vue courte doivent comprendre qu’ils n’ont aucun intérêt à favoriser la consommation excessive de vin. Il faut donc qu’ils en tirent toutes les conséquences, dans leur message publicitaire et dans le conditionnement de leurs produits.

Toutes les études confirment depuis de nombreuses années que la consommation d’un verre de vin par repas est plutôt bonne pour l’hygiène alimentaire et la santé. Mais comment peut-on dans la société d’aujourd’hui, avec les habitudes de la restauration, boire un verre de vin par repas ?

On peut constater avec tristesse que très peu est fait actuellement pour aller dans cette direction. Dans la logique des supermarchés le conditionnement du toujours plus pour toujours moins cher s’adresse essentiellement aux grands buveurs, qui font, comme nous l’avons vu, une contre publicité vivante pour le vin.

Dans les restaurants d’entreprises le vin est devenu « potus non gratus » (boisson non bienvenue) et ceux qui s’obstinent à boire un verre de vin à tous les repas (lorsque cela n’est pas encore interdit) sont regardés comme de mauvais sujets et de mauvais exemples.

« Solum dosis facit venenum » (seule la dose fait le poison) proclamait PARACELSE. Il en est de même pour tous les produits alimentaires et pour toutes les activités humaines. Ainsi les excès de sucres, de graisses et de vitesse peuvent conduire à la mort. Doit-on pour cela interdire les pâtisseries, les frites et l’automobile ?

Les media, pour faire de l’audience, recherchent le sensationnel et le dramatique. L’alcoolisme chronique et la grippe aviaire rodent au-dessus de nos têtes, des mesures radicales s’imposent. Sans discernement, on nous explique que personne n’est à l’abri, alors que les hommes et les femmes ont des fragilités et des sensibilités individuelles tout à fait personnalisées.

Bien que les allergies alimentaires (fructose, lactose etc) soient de mieux en mieux connues, il ne viendrait à l’idée de personne de déconseiller à tout un chacun de manger des fruits ou du fromage.

Pour l’assuétude à l’alcool, on part du présupposé que tout le monde peut être concerné. On sait pourtant aujourd’hui que les individus sont physiologiquement très inégaux selon leur héritage génétique, notamment à cause de la présence ou l’absence de certaines aldéhyde–deshydrogénases dans le système enzymatique.

Alors que le vin a été considéré comme un aliment et un élément essentiel de la nourriture française jusqu’à la moitié du XXème siècle, il est considéré actuellement, de plus en plus confondu aux alcools forts, comme une drogue hautement toxique.

Seule la dose définit la toxicité. On considère généralement comme hautement toxiques, les substances dont une très faible absorption répétée ou une forte absorption occasionnelle provoque des troubles de la santé irréversibles.

Consommé régulièrement et modérément, le vin n’est en rien toxique chez le commun des mortels. On devrait plutôt l’assimiler à un élixir de longévité * puisque, jusqu’à ce jour, toutes les études effectuées montrent que les régions françaises où la mort est la plus tardive sont celles où les habitants boivent traditionnellement du vin, toute leur vie, avec mesure.


*Lazare PONTICELLI, le dernier ancien combattant français de la Première Guerre Mondiale est mort à 110 ans en mars 2008. La liste des anciens combattants de la première guerre mondiale qui sont morts plus que centenaires est impressionnante. Comme la plupart des poilus ils ont très probablement consommé régulièrement du vin et pas toujours modérément. On ne peut en déduire que leur exceptionnelle longévité est due au vin. On peut seulement constater que le vin tue lentement. Cela tombe bien puisque personne ne semble être très pressé.
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Re: "Pour que vive l'Oenotourisme" par Pierre Chevallet

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Jeu 26 FĂ©v 2009 19:32

L'oenotourisme, un terreau culturel fertile pour une culture du vin Ă  faire vivre ou revivre

Le temps où la culture du vin était une évidence est fini. La réduction massive du monde paysan, la mécanisation du travail manuel, la concurrence de la bière et du whisky, les séries télévisées américaines, la restauration rapide, la prévention routière et les campagnes de ridiculisation systématique du Français, « beauf » grand buveur, ont contribué à dévaloriser l’image du vin.

Le vin ne peut être réduit à une simple solution hydro-alcoolique d’un mélange de molécules chimiques plus ou moins variées, ce qui en ferait un produit industriel ordinaire dont l’élaboration peut être délocalisée partout où sa fabrication peut être effectuée aux moindres coûts.

Le vin est un produit culturel dont la valeur n’est pas liée au seul prix des matières premières qu’il a fallu utiliser pour le produire.

Les vins, même les plus simples et les plus modestes sont rattachés au sol et aux hommes du terroir où ils ont vu le jour.

On choisit un vin comme on choisit une destination touristique, pour le plaisir de se déplacer dans l’espace (géographie) et dans le temps (histoire).

On ne reboit jamais un vin par hasard. Lorsque l’on reboit un vin, on cherche à retrouver les impressions émotionnelles et gustatives qu’on a déjà connues. Pour toutes ces raisons, le vin doit pouvoir être associé positivement à la région de production et aux habitudes culturelles de ceux qui l’ont élaboré.

Que ce soit dans sa présentation, que ce soit dans son conditionnement, le vin doit faire savoir d’où il vient et qui il est .

Les étiquettes et les contre-étiquettes (quand elles existent) sont malheureusement encore trop souvent incompréhensibles pour des consommateurs non avertis. Les conditionnements doivent être adaptés au message utilisé pour la commercialisation. Volume et disponibilité doivent être en adéquation avec les habitudes de consommation que l’on prône.

Il est actuellement extrêmement difficile, sinon impossible, de boire un verre de vin à tous les repas lorsqu’on n’est pas chez soi. Ainsi les 70 000 000 de touristes qui visitent la France chaque année ne voient pratiquement jamais les fameux Français du « french paradoxe » qui sont sensés boire « régulièrement et modérément » du vin.

Disponibilité et conditionnements adaptés sont indispensables à une promotion du vin raisonnable et raisonnée.

Certains viticulteurs n’ont pris conscience de l’importance de la chute massive de la consommation de vin en France chez les jeunes que très récemment. Ceci n’était malheureusement que trop prévisible étant donné l’évolution du travail, des modes de vie et des comportements alimentaires.

La stigmatisation et la ringardisation dans les media des buveurs de vin depuis plusieurs décennies n’ont fait qu’accélérer le processus.

Dans les cafés des villages viticoles et dans les fêtes votives du Languedoc le pastis supplante encore souvent le vin. Il y a plus de trente ans, l’occitaniste Robert LAFFONT faisait remarquer que lorsque les viticulteurs du midi recevaient des visiteurs, ils ne leur proposaient pratiquement jamais de goûter leurs vins, montrant par là le peu de valeur qu’ils attribuaient au fruit de leur travail. Heureusement ces comportements ont, en grande majorité, évolué.

Les travaux de Patrick MAC LEOD ont parfaitement expliqué l’importance de la première impression en dégustation , c’est pourquoi une politique de promotion de la culture du vin doit être avant tout cohérente en évitant le « Faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais ».

Pour que vive l’œnotourisme, en amont de toute commercialisation, un terreau culturel et scientifique fertile doit être constitué ou malheureusement reconstitué.


Pour la commission Vin et culture d’ICEO
Le Secrétaire Général,
Pierre CHEVALLET
pierre.chevallet@association-iceo.fr
http://www.association-iceo.fr/
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