La loi en discussion au parlement veut renforcer la législation sur l'alcool. La filière viticole se mobilise
Ça partait d’une bonne idée : mettre fin aux soirées "open bars" où l’on se saoule très vite et pour pas cher. Cette bonne idée, c'est l’article 24 de la loi "Hôpital, patients, santé, territoire" actuellement en discussion au parlement : interdiction d’offrir à volonté et gratuitement des boissons alcooliques.
Sauf que cette bonne idée s’applique aussi à un tout autre champ d’activités : les dégustations de vin. Toutes ces manifestations qui remplissent les carnets de commande des producteurs de la région.
De quoi mettre en colère Jean-Claude Pellegrin, président de l'association Vignerons13 : "Derrière cet article, il y a, pour nous l'interdiction d'organiser des dégustations. Cela nous condamne aussi bien sur les foires, les salons que les manifestations". Et d'ajouter : "Si les choses passent en l'état, il y aura vraiment le feu. C'est clair que les viticulteurs descendront dans la rue".
Du côté des acteurs en prévention de l'alcoolisme, on se félicite de ce type de mesures. "L'exemple des autres pays est frappant : quand on restreint l'offre, on diminue l'addictologie. Il faut utiliser tous les leviers possibles. Alors oui, interdire les open bars est une bonne initiative mais il n'y a pas de solution miraculeuse pour autant", analyse Pierre, formateur à l’Anpaa 13 (Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie). Et même s'il dit comprendre les problématiques économiques des viticulteurs, Pierre a aussi remarqué que les jeunes utilisaient de plus en plus le vin pour se saouler.
Dans toutes les régions viticoles, les regroupements de producteurs sont montés au créneau, dénonçant "un amalgame ridicule entre la prévention de l’alcoolisme chez les jeunes et la démonstration d’un produit, qui est culturel" (Jean-Marc Grussaute de la Route des vins dans Sud-Ouest).
En période de crise, l’appel a été entendu par les députés. Un amendement vient d'être adopté en commission : il restreint l'interdiction aux "manifestations destinées principalement aux personnes de 25 ans et moins". Ce qui vise clairement les soirées étudiantes sponsorisées par de grandes marques d’alcool, et un peu moins les visites à la cave pour découvrir les rosés de Provence.
La commission a refusé d’aller plus loin et suivre le député UMP du Rhône, Bernard Perrut qui voulait carrément permettre les dégustations d'alcool dans les universités. Des dégustations dites "à visée pédagogique (…) ce qui permet notamment de développer l’apprentissage du fonctionnement des éthylotests"...
Un peu gros quand même pour le président UMP de la commission, Pierre Méhaignerie qui a rappelé ses troupes à l’ordre : "Nous devons faire ici abstraction de nos amitiés et des problèmes du secteur viticole. (…) Notre commission doit veiller à ne pas être prisonnière d’une image si elle veut éviter d’être emportée par la tourmente médiatique... "
Le terrain est très glissant et le dosage santé publique / intérêts commerciaux difficile à trouver. La bataille ne fait que commencer.
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