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Des vins pour toute l'année

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Lun 5 Jan 2009 11:28

Les temps actuels sur fond d'économies à réaliser en tous les domaines n'empêchent pas certaines astuces pour faire bonne chère à moindre coût. Nombre de revues, et même des ouvrages, ne manquent pas de consacrer leurs dossiers spécialisés en la matière. Pour ceux qui, toutefois, n'aimeraient pas la cuisine ou les platées d'autrefois sont remplacées par de sophistiqués échantillons gastronomiques, il reste à consulter l'un de ces vieux livres oubliés. Concernant celui retenu pour l'occasion, ses recherches couvrent toute l'année 1806, jusqu'aux derniers jours de décembre, pour une parution au début 1807 par l'imprimerie de Cellot, à Paris. Son titre fait honneur à ceux des publications de notre époque : Almanach des gourmands servant de guide dans les moyens de faire excellente chère. Ajoutons que cela est complété d'un sous-titre imprimé en caractères gras : « Par un vieil amateur ». Si l'ouvrage couvre toutes les bonnes denrées de France ou d'ailleurs, l'Yonne y a évidemment sa part. Notons que cette série d'almanachs dura de 1803 à au moins 1812, mais que c'est bien la 5e édition, de 1807, que nous retenons ici.
Pas d'huîtres sans vin de l'Yonne
C'est juste après un passage en page 19 où on lit que « en général, les auberges de France sont mal tenues ; on y fait une chère mesquine et l'on semble y méconnaître la propreté », que se trouvent les compliments sur l'Yonne et principalement ses vins. D'entrée, l'auteur (en fait, un collectif sous forme de jury) n'accepte pas d'exception : « Compagnon inséparable des huîtres, dont il est l'excipient nécessaire, le vin de Chablis est l'un de ceux que les gourmands prisent le plus… » Non sans conclure la phrase par « … et dont ils font de plus fréquentes libations. » L'aveu provient bel et bien de connaisseurs.
Démonstration en est faite par la citation des vignobles de l'Yonne. On ne saurait rien y redire, sauf pour l'orthographe et que Vézelay n'y figure pas : « Parmi les vignobles les plus renommés de la Basse-Bourgogne, qui sont, comme l'on sait, Auxerre, Coulange, Créney, Avalon, Tonnerre et Joigny, Chablis tient incontestablement le premier rang. »
Puis, en écartant les crus du Clos Vougeot et de la Romanée (Conti comprise, même si une de baisse significative de qualité est dénoncée), ces vins de l'Yonne sont réputés tenir le parallèle avec les prestigieux autres crus de la Côte-d'Or (et même ceux de la Haute-Saône, sans précision).
Côte de Fontenay, de Vaudesir, du Clos de Valmure et de Grenouille sont ainsi classés parmi les meilleurs vins de Chablis. Tous ces vins étaient servis toute l'année à Paris, et même d'autres vins blancs jusqu'à ceux de Pouilly, sous l'appellation Chablis, parfois usurpée. Les connaisseurs qui auront goûté des crus de la tête des vins de Chablis sont réputés ne pas se faire berner et « n'en veulent plus boire d'autres ». Chablis et Petit-Chablis sont aujourd'hui préférés pour accompagner escargots et gougères fromagères, Bourgogne oblige, mais l'histoire retient que c'était bel et bien en une enseigne parisienne au nom évocateur, le Rocher de Cancale, que l'on dégustait les fameuses huîtres (nota : l'espèce de l'époque) provenant de cette cité d'Ille-et-Vilaine avec les vrais vins de Chablis. Remarquons aussi que la réputation des vins de l'Yonne s'est faite suite à la rencontre entre Louis XIV et un Jovinien, le fameux Pavillon, homme de grande taille. Le roi avait cru que le vigneron Pavillon lui manquait de respect en ne s'agenouillant pas lors de son passage au cours d'un office religieux. Or, Pavillon était tellement grand que, même à genoux, il passait pour un homme debout. La méprise se termina autour du vin apporté à Paris par Pavillon, et c'est ainsi que le champagne fut remplacé à la Cour du roi par le vin blanc de l'Yonne, Joigny en tête. Pour le vin rouge, c'était déjà celui de Nuits et de sa Côte, suite à une prescription du célèbre médecin parisien Fagon.
La part des pauvres
Ces apports des terroirs bourguignons auprès des plus grands de ce monde n'étaient pas sans retour. Outre le commerce des vins, ceux du bois, de la viande et d'autres denrées de l'Yonne assuraient à celle-ci une vie économique réputée, en relation quasi-exclusive avec Paris et ses environs. Cependant, l'annuaire statistique du département de l'Yonne, des éditeurs Reboul et Perriquet, année 1837, n'en dénonce pas moins en page 213, sous la plume de Verrollot-d'Ambly, que même si ce territoire est entré dans presque toutes ses parties dans la voie des améliorations agricoles, il reste bien des efforts à faire pour que les progrès puissent se poursuivre. Ainsi, il est clairement dénoncé que les vignobles qui abondent dans le département, en absorbant « les fumiers et la main-d'œuvre », ont une influence funeste sur l'agriculture. Quant à l'industrie, elle est déclarée quasi nulle.
Jusqu'à la fin du XIXe siècle et l'arrivée du phylloxéra, l'Yonne saura gagner son équilibre tout en continuant à produire plus de vins que de grains. On n'en attendait pas moins de ce département car malgré les changements politiques, les vins de l'Yonne restaient parmi les plus servis aux grandes tables comme dans les auberges. Aussi, lorsqu'un événement climatique malheureux se produisait, il n'était pas rare que des aides soient fournies pour que les populations puissent au moins faire leur pain et relancer leurs productions. Exemple en 1820 pour les habitants de Précy-le-Sec, victimes d'un ouragan printanier : une somme de 800 francs donnée par la duchesse d'Angoulême et la duchesse de Berri. Autre exemple en 1824, pour le secteur d'Auxerre. Et encore un autre exemple en 1827, suite à l'ouragan du 24 mai : dix communes de l'arrondissement d'Avallon et quelques autres de celui de Tonnerre reçurent du roi la somme de 2 000 francs, idem de la part du Dauphin, 500 francs de la part du duc de Bourbon, ainsi que 20 000 francs du ministre de l'Intérieur. Nul ne s'offusquait alors de ces contributions au renom de l'agriculture et encore moins de celui de la viticulture.

Source : http://www.bienpublic.com
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Jean-Pierre NIEUDAN
 
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