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Crozes-hermitage : L'adieu aux abricots

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Mar 28 Oct 2008 07:13

L'appellation ne cesse de croître en qualité et en surface. Les jeunes producteurs abandonnent l'arboriculture au profit du vin et surtout de la vigne, qui les passionne plus que le chai et les barriques...

La dernière grande dégustation de l'appellation organisée par Le Point date de 2001. A l'époque, en pleine croissance, crozes-hermitage couvrait 1 300 hectares ; elle en affiche aujourd'hui 1 550... Pourtant, 2001 marquait le début d'une crise viticole qui ne cesse toujours pas de faire des dégâts partout ailleurs. On arrache dans le Languedoc mais aussi à Bordeaux, vitrine du vignoble hexagonal. En 2001, ici, on ignorait les maux d'ailleurs. Bien au contraire, on se plaignait des restrictions que l'Union européenne fait peser sur le droit de planter de la vigne. La demande, l'engouement pour les vins de syrah récoltés sur ces terroirs de la vallée du Rhône nord-cornas, saint-joseph, hermitage, côte-rôtie et crozes, bien sûr-ne s'est pas démentie depuis, et de nombreux jeunes producteurs se sont installés. Fils de coopérateurs qui deviennent indépendants ou fils d'arboriculteurs, parfois les deux. C'était le cas de Luc Tardy, un des jeunes sélectionnés en 2001, qui travaillait 12,5 hectares de vignes et 4 hectares d'abricotiers, et nous disait : « Je diminue chaque année les arbres pour mieux me consacrer à la vigne. » Ou de Yann Chave, qui raconte aujourd'hui en plaisantant : « Moi, j'ai un petit cerveau, je ne pouvais m'occuper que du vin ! » Florent Viale, lui, s'est installé en 1991 : « Mon père n'était pas coopérateur, il vinifiait et vendait en vrac au négoce. C'était surtout un producteur de fruits. Au début, je me faisais engueuler quand je faisais tomber du raisin [des éclaircissages]. » Les parents de Denis Basset, un nouveau chez les « indépendants », portaient les raisins à la coop. Ils étaient surtout connus dans la région pour leurs serres. « La grosse décision fut d'arrêter la partie horticole. On a dû fermer la porte à 1 000 clients particuliers et, pour mes parents, c'était dur. Mais je ne pouvais mener les deux de front. J'utilise les serres pour faire du chêne truffier. »

Si l'appellation connaît aujourd'hui un grand succès en rouge (le blanc demeure marginal), jusque dans les années 80, crozes-hermitage n'attirait personne. Sauf les fous comme Alain Graillot, qui avait quitté son job de directeur marketing d'une importante société pour devenir vigneron à part entière. Maxime, son fils, a pris le même chemin et racheté 5 hectares en 2003 à Beaumont-Monteux, éloignés de 2 kilomètres du domaine familial : « Ce sont des vignes de 20 ans, qui étaient travaillées au désherbant, les racines remontaient à la surface. Les deux premiers hivers, j'ai planté des céréales partout, puis un rang sur deux l'année d'après. En troisième année, j'ai enfin pu les labourer sans arracher ; les racines, en concurrence avec les céréales, avaient plongé. Et les sols s'étaient décompactés... » Cette nouvelle génération de vignerons est davantage orientée vers la culture, la conduite de la vigne que vers l'oenologie ou le travail au chai. Beaucoup pensent à juste titre que l'essentiel n'est pas le secret des vinifications mais la qualité des raisins. « Ma région de référence, c'est la Bourgogne ! » dit encore Maxime Graillot. La Bourgogne où l'oenologie, la science de faire du rouge, s'efface devant la multiplicité des terroirs et l'influence de ceux-ci sur les caractères des vins. Maxime rêve d'un cheval pour travailler des vignes en saint-joseph, comme le font certains producteurs de Bourgogne !

Le succès a eu également des conséquences sur l'organisation de la production et des circuits de distribution. Traditionnellement, la cave coopérative de Tain-l'Hermitage vinifiait une grande partie des volumes, puis vendait le vin en vrac aux négociants des environs (Delas, Chapoutier, Jaboulet...). Depuis quelques années et le départ de nombreux adhérents (les jeunes évoqués plus haut), elle a changé de stratégie et préfère écouler l'essentiel de sa production en bouteilles, à un prix plus rémunérateur. Par contrecoup, le négoce a lui aussi modifié son mode d'approvisionnement. Désormais, les achats se font beaucoup plus dans les propriétés et en raisins. Delas, par exemple, n'achète plus de crozes en vrac mais vinifie « à la maison » les vendanges acquises chez les particuliers. Cela risque de faire monter les prix du raisin et disparaître davantage les vergers d'abricotiers en fleurs au printemps...

Jacques Dupont http://www.lepoint.fr
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Re: Crozes-hermitage : L'adieu aux abricots

Messagepar Didier » Mar 28 Oct 2008 10:18

Il est intéressant de constater que si certains vignobles plus ou moins qualitatifs arrachent actuellement en masse, certains autres mettent en valeur des terres historiquement consacées à d'autres cultures ; le bon vieux système des vases communiquants finalement. ;)
Didier

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