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[Patrick G]

Christophe Coupez est avant tout mon oenologue, un vrai ami, qui bosse sans arrière pensée de copinage et qui a eu dans ses verres au-moins 350 propriétés.....

Bonne lecture à tous

Patrick


Millésime 2009 : le millésime « Akira ».
Revenons un instant sur la « météo des plages » si chères à certains chroniqueurs.
Il est indéniable qu’en 2009, elle nous a gâtés. Tous les éléments favorables étaient réunis : chaleur
diurne, fraîcheur nocturne, soleil, juste ce qu’il faut d’eau et de stress hydrique.
Leur absence de conjonction n’est heureusement pas synonyme de mauvais millésime. Nous savons
aussi faire de bons vins quand la nature ne nous gratifie pas d’une météorologie parfaite.
En revanche, quand tous les paramètres sont au vert, nous pouvons rêver de l’exceptionnel.
Je me souviens de ces soirs d’été passés en terrasse. Alors que nous profitions de la fraicheur
nocturne, la divine liane se délectait de nous élaborer des fruits parfaits.
A l’approche de la maturité, plusieurs fois nous avons frémi. Des épisodes orageux, des matinées
embrumées nous ont fait craindre de ne pouvoir aller au bout de ce cycle, de devoir déclencher la
récolte avant le terme optimal. Déjà, nous tenions une qualité insensée, mais nous pouvions encore
aspirer à mieux.
Jamais les jus des contrôles de maturité n’ont été si colorés, et si tôt. Très vite, les premières
sensations végétales ont laissé place à des expressions fruitées de toute beauté.
Aussi rapidement, les tanins sont apparus puis se sont adoucis.
Sans être particulièrement précoce, 2009 a flirté avec les moyennes décennales en termes de date
de récolte.
Jamais nous n’avions dégusté des raisins de cette qualité. Nous étions donc certains que les vins qui
en découleraient seraient exceptionnels. 2009 s’annonçait comme un compromis entre 2003 et
2005. Forcément, il allait être meilleur que ces deux années remarquables. Il avait le fruit du premier
mais avec davantage de fraicheur. Il avait la puissance du second, mais avec moins d’austérité.
L’insolation cumulée de juin à septembre 2009 était supérieure à celle mesurée en 2005. Et les
contrastes thermiques diurnes/nocturnes étaient souvent très accentués. Tous ces éléments sont
bien connus comme étant des gages de qualité.
Les raisins blancs ont rapidement révélé leurs arômes complexes aux notes exotiques et persistantes.
En fermentation, les vins devenaient gras, puissants et charnus. Fruits blancs et jaunes se mariaient
merveilleusement à la fraicheur des vins nouveaux. Le travail sur lies a achevé l’explosion aromatique
et l’enrobage moelleux de l’acidité. L’équilibre était parfait, la longueur en bouche interminable.
En rouge, notre première surprise fut de constater que les premiers raisins encuvés ne libéraient pas
aussi facilement que nous l’attendions leur contenu pelliculaire de couleur et de tanins.
Le millésime s’annonçait donc prometteur mais…il allait falloir le mériter.
Très vite, nous avons adapté nos programmes de travail des cuves à cette matière fougueuse mais
rebelle. Très vite, nous en avons tiré une substantifique moelle à la hauteur de nos attentes.
Une des clés de la réussite a résidé dans la maîtrise des températures. La première phase des
vendanges s’est en effet déroulée dans une période chaude. Décaler la récolte tôt le matin, arrêter
aux premières chaleurs, refroidir les raisins à leur arrivée au chai ont été autant d’efforts
récompensés. Plus tard, ce fut au contraire le froid matinal naturel qui a permis d’encuver des raisins
frais sans la moindre dépense énergétique.
Les périodes de macération pré fermentaire à froid ont conduit à des résultats fabuleux. Les moûts
ont vite gagné en fruité, en structure et en couleur. La fermentation alcoolique n’avait pas
commencé que nous avions déjà des moûts noirs, aux tanins savoureux et se dégustant comme des
coulis de fruits rouges. Les meilleurs résultats ont bien entendu été obtenus avec des macérations
longues, maitrisées grâce à de véritablement basses températures.
Au cours des fermentations alcooliques, le contrôle des températures a également joué un rôle
fondamental. Sur le plan microbiologique d’abord, car les levures avaient besoin de températures
modérées pour parvenir à fermenter ces matières premières riches dans lesquelles il leur est difficile
de survivre. Pour la gestion des extractions ensuite, car une fermentation lente allonge la durée
potentielle de travail des marcs, en particulier en phase peu alcooleuse, qualitativement plus
favorable.
La pratique du délestage, en forte progression depuis quelques années, a gagné ses lettres de
noblesse en 2009. Des records sont tombés, certaines cuves ayant bénéficié d’un nombre élevé de
délestages (jusqu’à 50). Très nettement, les vins élaborés par cette technique se sont distingués par
leur gras, leur volume, leur puissance tannique douce. Malgré des analyses aux chiffres
astronomiques, les structures de ces vins sont restées harmonieuses et sans aspérité, tout en velouté
et en soyeux.
Vinrent alors les macérations post fermentaires. Les premières cuves ont progressé très vite vers un
aboutissement qui a justifié leur écoulage plutôt rapide. Ce phénomène reste inexpliqué car la
grande majorité des cuves suivantes est resté dans un équilibre légèrement réducteur permettant de
longues phases de macération. Elles sont d’abord passées par une phase de structuration tannique à
laquelle a succédé une période d’harmonisation et prise de gras.
C’est là que nous avons pris conscience de la puissance de 2009. Rien jusqu’alors ne l’avait égalée.
Sur le plan aromatique, nombreuses ont été les cuves à révéler des notes déjà repérées dans les plus
grands raisins de 2005 ou de 2007, que chacun identifie avec sa propre culture des odeurs. Il y a deux
ou quatre ans, ces expressions étaient certes perceptibles, mais peu fréquentes en comparaison à
2009. Des nez tantôt caractéristiques des grands vins doux naturels rouges ou des Portos vintages,
tantôt minéraux, mais toujours avec une élégance, une intensité inégalées.
Avec ces arômes sont venus de tanins d’une classe incroyable. Les plus belles cuves, et là encore elles
sont légions, nous ont donné une sensation crayeuse, granuleuse, tout en puissance et sans jamais
une once d’agressivité. LA maturité parfaite, si elle existe, a été atteinte dans ces cas. Nous
dégustons quotidiennement des monstres et jamais n’en sommes fatigués, ralentis.
Devant ces cuves, j’ai pris conscience que la matière avait dépassé les promesses que nous en
pressentions. Pour la première fois, je me suis senti sans repères sur cette échelle de qualité. J’ai eu
le sentiment impuissant de n’avoir pas prévu un tel résultat.
Alors, j’ai repensé à cet enfant, Akira, en apparence inoffensif, et pourtant doté d’une force
inimaginable. Les raisins de 2009 étaient cet enfant. Toute leur richesse, toute leur puissance
contenues se sont exprimées dans les vins de ce millésime, pour notre plus grand émerveillement.
Aujourd’hui, les écoulages sont en passe de se terminer. De tels fruits méritaient en effet que nous
en extrayons toute la sève au travers de vraies macérations. Les vins de presse sont eux aussi
remarquables. C’est l’adage des années exceptionnelles.
Les fermentations malo lactiques ont pris le relais et nous pourrons bientôt entamer un élevage qui
promet d’être passionnant si les vins nous donnent autant que les fruits avant eux.
Après une telle expérience, la première d’un tel niveau pour beaucoup d’entre nous, quel que soit
notre âge, il faudra sans doute un peu de temps avant que réapparaisse l’intérêt de découvrir le
prochain millésime.
Je souhaite aux jeunes vinificateurs de revivre ça un jour.
Christophe COUPEZ, Chambre d’Agriculture de la Gironde.
Le 23 novembre 2009, à Pauillac.

[Jean-Pierre NIEUDAN]

Superbe

merci à vous deux .... ce millésime on va le déguster avec quelque chose en plus ...

jpierre

[Winemega-Alain]

Christophe Coupez m'avait fait parvenir son analyse en direct.
Pour avoir (modestement) participé au début des vendanges chez Patrick, je peux témoigner de la qualité proprement exceptionnelle des grains! Une véritable gourmandise.. fruitée, juteuse et sucrée. Du vrai raisin de table.. en mieux!

Pour rappel, le délestage dont parle Christophe Coupez dans son analyse consiste à soutirer du vin dans la cuve en pleine fermentation ceci afin d'augmenter la concentration du moût restant. 50 délestages, c'est effectivement du jamais vu!!

[Vincent R.]

je vous livre mon impression brut de presse:

Toujours intéressant de lire l'avis d'un pro impliqué dans la production des vins. Au moins on a l'information à la source.
C'est sans doute un millésime superbe mais Christophe Coupez en fait trop!
Ras le bol du discours formaté des pros de Bordeaux qui clament sur tous les toits que ce coup ci, c'est la bonne, l'année qui ramène tous les millésimes précédents au rang de millésimes moyens.
Que ce soit clair pour tout le monde...Je ne dis pas que 2009 ne sera pas exceptionnel, la majorité des avis se rejoignent, mais à force de crier que tout il est beau, tout il est bon, tout il va vite, tout il est parfait, on en vient à douter de la crédibilité du truc.

maintenant, l'amateur que je suis espère que ce qui est dit reflète la réalité et que nous allons nous régaler. Pour avoir dégusté les 2007 sur cuve parfois et en primeur, voir 2009 comparé à 2007 me laisse dubitatif.
Que personne ne se monte le bourrichon, la crise est là, nos bourses sont vides et nos caves débordent de 2005, ce millésime décrit ici comme moins qualitatif sur lequel tous les superlatifs ont été employés il y a 4 ans dont il parle dans son texte.

[Christian Rausis]

Je prédis 2014 qui sera une synthèse du 2005 et du 2009, mais bien meilleur, cela va de soi.
Ceci dit en Valais 2009 est encore plus grandiose que dans le Bordelais et l'on va trouver de superbes vins à prix non exorbitants.
Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on aura le choix pour ce millésime.

[Patrick G]

je te laisse à tes impressions Vincent, dans un sens je les comprends mais si tu as le temps, passe et fais un petit tour avec lui, tu verras qu'il ne prend pas parti. Ceci bien entendu est fait pour apporter de l'info, mais concerne ceux qui font le travail comme il se doit d'être....

il ne nomme personne, ce n'est pas de son ressort, ton travail de fouineur des bonnes choses devrait t'apporter pleins de réponses cette année

amitiés

patrick

[Christian Rausis]

Certes Pat, mais tu avoueras quand même que chaque 2 ou 3 ans les Bordelais annoncent le millésime du siècle. On deviendrait méfiant pour moins et cela fait jaser plus d'un dans nos contrées.

PS Je ne doute guère de la qualité du 2009. Chez nous les vignerons sont très optimistes. Ils sont quand même plus prudents avant de déclarer que c'est un millésime d'anthologie. La vérité se jugera dans la bt !

[Didier]

Une fois de plus à Bordeaux ...
La marié est plus belle que les plus belles qui étaient déja plus belles que les anciennes très belles mariées ...
2009 sera nous l'espérons tous un beau millésime mais attendons pour juger et de grace, ne nous laissons pas refaire une fois de plus le coup du millésime du siècle, voire du millénaire ...
Et que le monde Bordelais doré et étincelant sache pour une fois dans un beau millésime respecter sa clientèle qui achète les millésimes moyens ...
En cela Vincent je te rejoins complètement.

[Patrick G]

mais mes loulous, vous avez raison, ne vous inquiétez pas, moi je suis au milieu de tout ça

2009 a tout pour être une belle réussite, il est vrai que depuis 2000, ça en fait 4 avec 2003 et 2005

on a vu que certains avaient préférés passer par la facilité, la vérité est dans la bouteille ça c'est sur, et elle n'est rien que là

mais la base est là, je me répète, pour ceux qui auront su faire le boulot au bon moment, va y avoir des surprises en dégustation

quand au pétage de plomb, il va avoir lieu quand même, c'est la différence entre vigneron et financier

bonnes soirées à tous

Patrick

[Vincent R.]

Patrick,

Tu as sans doute raison.
Je ne crache pas sur l'homme ni ne le dénigre. Je dis juste qu'il en fait un peu trop...
On croirait notre ministre de la santé nous vantant les bienfaits du vaccins A H1N1

Dès que je peux, je viens plonger dans tes barriques

Amitiés
Vincen

[Winemega-Alain]

Je comprends bien l'agacement de Vincent. Beaucoup d'amateurs ont fait des sacrifices financiers pour acquérir de belles références bordelaises en 2000, 2003 (pas partout..), 2005. Et voici maintenant qu'arrive 2009!
Les prix sont sensibles à la demande. Enfin.. surtout lorsqu'elle est forte

Ce que je reproche à la Place de Bordeaux, ce ne sont pas forcément les prix affolants des grandes années sus-mentionnées, la frénésie de la demande générale ayant fait crever les plafonds. Ce que je reproche, c'est de ne pas avoir baissé davantage encore, les prix de sortie des 2004, 2006, 2007. A cinq ans d'écart et un taux moyen d'inflation bien en dessous de 3%, comment justifier que 2007 soit 20% à 50% plus cher que 2002, millésime d'ailleurs jugé supérieur à 2007 sur la Rive Gauche? Et que dire des 2006, presque aux mêmes prix que 2005?

En toute logique, si 2009 est comparable en qualité à 2005, il sortira - à un chouia près - au prix marché actuel des 2005.
Cependant, la crise mondiale, l'Euro trop fort, le Dollar trop faible.. et un millésime mémorable presque partout en Europe, avec une pléthore de vins remarquables qui vont concurencer les crus bordelais, vont peut-être garder les prix de ces derniers à des niveaux relativement raisonnables.

[Vincent R.]

Comme tu le dis, avec le dollar où il est, la crise des importateurs US qui bradent leur stock, les caves qui débordent de vins invendables car payés trop cher chez les spécialistes de l'investissement, je leur souhaite bien du courage pour écouler le 2009 au prix des 2005 actuels.

2009 semble être somptueux en Bourgogne rouge et c'est là où ira ma priorité si les prix restent au niveau de ceux de 2005 là-bas. Je rentrerai bien quelques bordeaux des domaines raisonnables qui joueront le jeu pour ne pas être tout nu si le millésime est exceptionnel mais avec des 2003 qu'il faudra attendre 20 ans pour les meilleurs, des 2005 à attendre 25 ans au bas mot pour en découvrir la plénitude leurs moyens, à 40 ans passés, je vais finir par me poser la question de la pertinence d'achat de grands bordeaux de longue garde.

[Frédéric B.]

Vincent,

Si tu as quelques tuyaux pour les Bourgogne 2009, je suis preneur... J'irai aussi voir de ce côté, car je crains un peu une nouvelle envolée des prix pour Bordeaux.

[Patrick G]

à force d'envolées, peut-être vont-ils se bruler les ailes

je pense, j'espère que beaucoup resteront sages, le but premier de nos métiers, n'est-il pas que les vins soient bus

le prestige restera, mais en général, ce n'est pas ceux là qui finissent dans nos caves......
à ce rythme, combien auront-nous de vins du "siècle" d'ici une dizaine d'année...

d'un certain coté,que la qualité augmente, ce n'est que moindre mal

patrick

[Winemega-Alain]

Alors là Vincent.. je m'interroge comme toi! A l'approche de la cinquantaine, c'est une question totalement légitime.

Comme toi, j'ai fini par acheter du 2005 après la mise et après dégustation. Pour la première fois, je n'ai pas acheté de 1GCC et assimilés pour cause de prix ayant fait exploser mon seuil d'entendement pour une bouteille produite à 100'000 exemplaires. Mais lorsque je goûte ces 2005, je me dis que certains risquent d'atteindre leur apogée en simultané où moi je serai en petite chaise roulante en maison de retraite..

A prix égal, j'ai plutôt décidé de consacrer mon budget sur de belles et grandes bouteilles en approche de phase de maturité (1982, 86, 88, 89, 90..). Mais je me connais.. je ne résisterai probablement pas à acquérir quelques 2009 non plus!

Concernant la Bourgogne, n'oubliez pas que question prix, certains sont atteints du même virus qu'à Bordeaux . En dix ans, les prix des domaines phare (Clos de Tart, Clos des Lambrays, Rousseau.. etc..) ont doublé, voir même triplé! Ce qu'il nous faut en 2009, c'est de dénicher les pépites encore peu médiatiques. Et ça, c'est la grande force d'un forum comme BdE!

[Winemega-Alain]

d'un certain coté,que la qualité augmente, ce n'est que moindre mal

patrick

Sages paroles, Patrick!