Les vignerons du pays nantais ne veulent pas des nouvelles règles oenologiques européennes.
Les vins rosés ont la cote. Souples, faciles à boire, économiquement abordables, ils s'imposent de plus en plus sur les tables à l'heure de l'apéro ou des grillades. Leur consommation augmente. Celles de leurs cousins rouges ou blancs stagnent. Voire même baissent.
Au nom de la concurrence
Pas une raison pour « céder à l'effet de mode opportuniste ». Ni « galvauder un savoir-faire à part entière ». Les vignerons du pays nantais n'y vont pas avec le dos de la cuiller quand ils évoquent l'autorisation de fabriquer du rosé en mélangeant du vin rouge et du vin blanc. Une pratique que l'Union européenne pourrait adopter le 19 ou le 26 juin. Au nom de la sacro-sainte concurrence : le mélange est déjà en vogue en Australie ou en Afrique du Sud. « C'est tout simplement aberrant, dénonce Joël Hérissé, le président des vins de pays du Val de Loire. Le vin rosé se vinifie.
Il ne se fabrique pas. Une telle mesure remet en cause tout le travail de recherche et les efforts de qualité développés depuis une quinzaine d'années par les producteurs. »
En Loire-Atlantique, un peu plus de 500 vignerons produisent près de 172 000 hl de vins de pays dont un tiers de rosés. Des vins « de plaisir » issus de cépages gamay, cabernet ou grolleau qui reflètent « la typicité de leur terroir ». « Le caractère, c'est ce que recherche le consommateur. Le coupage va dans le sens inverse : il uniformise et industrialise les goûts, regrette Christian Gauthier, viticulteur à Saint-Hilaire-de-Clisson.
En perdant ainsi l'identité de nos vins, nous n'avons rien à gagner. »
Pas les plus touchés en France - « pensez aux AOC comme le rosé de Provence » -, les vignerons nantais n'en restent pas moins mobilisés contre la réforme. « Un coup des industriels du vin et des grandes surfaces qui flairent le bon filon en profitant de la bonne santé du marché, critique Joël Hérissé. Seulement, ils pipent les dés et bluffent les consommateurs. »
Étiquette spécifique
Des intentions que Rodolphe Lefort, directeur du géant Castel à La Chapelle-Heulin dément. Lui se dit « absolument contre la réforme », s'inquiète de « la qualité du rosé coupé » et des effets négatifs sur le consommateur. « Notre métier, c'est de répondre à la demande. Si elle va dans ce sens, on y répondra, pas de problème. Seulement je ne vois pas l'utilité aujourd'hui de déstabiliser un marché porteur et sa filière. Ceux que cela intéresse ce sont les pays qui n'ont pas la tradition du rosé, qui ne savent pas faire. Mais ils vont casser les AOC françaises. »
Et ce ne sont pas de nouvelles règles d'étiquetage qui régleront le problème. « On parle d'étiquette spécifique «vin traditionnel» pour distinguer le rosé français des produits issus de mélanges, explique Christian Gauthier. Cela n'évitera pas les confusions. Le mal sera fait. »
Rémi Certain
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