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La bulle spéculative des grands vins explose

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Lun 2 Mars 2009 15:02

Le monde des grands vins girondins est au bord de la crise de nerfs. À Pauillac et à Saint-Émilion, à Pomerol et à Margaux, à Pessac-Léognan et à Saint-Julien, les neurones des propriétaires des grands châteaux faisant la renommée planétaire du Bordelais sont en effervescence. En effet, avec la crise économique mondiale, le modèle ayant contribué depuis des années à faire des fortunes s'effondre, marquant la fin d'un cycle.

Nous parlons ici des Rolls du vignoble, ces 100 à 250 étiquettes que les amateurs du monde entier veulent en priorité dans leur cave (1). Des vins proposés à la vente via le système des primeurs. Comme depuis vingt ans, fin mars, début avril, acheteurs et journalistes sont attendus pour découvrir le millésime 2008. Dans la foulée, les clients pourront réserver (et payer) des vins qui ne seront livrés que fin 2010. Un système construit sur la rareté, et unique dans le monde du vin, qui finance en amont la propriété productrice et le négoce commerçant, tout en rassurant en aval un client en peur de manquer.

Des vins de spéculation

Depuis le millésime 2000 (très médiatique) et surtout 2005 (très bon), la machine s'est emballée. L'intérêt planétaire pour les grands vins s'est accru et des milliers de nouveaux acheteurs se sont manifestés, attirés par des bouteilles qui sont aussi des marqueurs de réussite, comme une Ferrari ou un tableau de maître. À la City ou à Wall Street, c'est avec un Petrus ou un Lafite-Rothschild que l'on fêtait les bonus de fin d'année. La demande explosant, les prix se sont envolés . Car la production est peu extensible (les rendements au vignoble sont limités par la loi), même si des châteaux ont mené une course au foncier.

« Les bouteilles atteignant des sommets, la machine spéculative s'est mise en route », explique un professionnel. « Des fonds de pension aux particuliers, des clients n'ont acheté que pour espérer toucher des plus-values en revendant. Une bulle spéculative s'est formée et elle nous explose aujourd'hui en plein visage. » Les retraités aisés de Floride ou les nouveaux riches des Émirats ayant perdu beaucoup d'argent à la Bourse ou dans la pierre, il ne s'agit plus d'épater les amis avec un léoville-las-cases, mais de payer les crédits, parfois en revendant des caisses accumulées, pour récupérer du cash. La vapeur s'est renversée et la spirale haussière pique désormais du nez. Des milliers de bouteilles reviennent en boomerang sur les marchés en les désorganisant. Les prix dévissent et dévalorisent les stocks. Chez les professionnels, des millions d'euros sont en jeu. Au début des années 70, autre époque de crise, des opérateurs avaient ainsi fait faillite. En ce début 2009, des vendeurs, à l'affût de « coups » ou en recherche de clients, soldent : « Une caisse gratuite pour deux achetées »...

La stratégie des 2008

Les marchés n'étaient manifestement pas mûrs pour absorber de telles quantités de grands vins aux prix proposés et ce, sur plusieurs millésimes de suite. Du coup, quelle stratégie de sortie du 2008 dans quelques semaines ? Faut-il une campagne primeur ? La décaler ? D'un côté, des propriétaires de château, entrés dans la sphère du luxe, raisonnent par « paliers » et envisagent mal de revenir « au passé » en baissant considérablement les tarifs, même s'ils sont bien au-dessus des coûts de production. De l'autre, des metteurs en marché (et les intermédiaires que sont les courtiers) appellent à de vraies corrections de prix. Par exemple à hauteur du 2002, millésime le plus accessible de la décennie. Et ce, même si la qualité du 2008, sur une récolte plutôt faible, est prometteuse (2). De vrais bras de fer en perspective.

« Une chose est sûre. Partout, des opérateurs peinent (ou finalement rechignent ?) à payer le 2007, vendu cher et qui n'est livrable que fin 2009. Quand ce ne sont pas des annulations de commandes qui arrivent. Conditions de paiement, délais... tout devient négociable », explique un professionnel. « Et si le 2008 est vendu bien moins cher, il peut aussi ''couler'' son prédécesseur pour un bout de temps. Le secteur est pris dans la nasse. »

Si, à terme, l'avenir des grands bordeaux semble vraiment prometteur, des sueurs froides sont attendues ces prochains temps...

(1) Il y a plus de 11 000 noms de château en Bordelais.
(2) Le bilan de la récolte 2008 n'est pas encore connu.

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Re: La bulle spéculative des grands vins explose

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Lun 2 Mars 2009 15:05

Il faut baisser les prix

Quel est le marché des grands vins de Bordeaux aujourd'hui ?

Philippe Tapie. Je voyage toute l'année dans le monde entier pour rencontrer nos clients (importateurs, distributeurs...). Depuis septembre, nous ne vendons pratiquement plus une bouteille. Mais ne nous trompons pas sur les causes : la crise économique mondiale est peut-être un révélateur mais elle est loin d'être la seule responsable ! Dans le monde des grands vins de Bordeaux, nous en avons tous bien profité depuis des années. Mais des erreurs ont été commises et on pourrait les payer.

De quelles erreurs s'agit-il ?

Depuis le millésime 2000, et surtout le 2005, les prix de sortie des propriétés se sont emballés. Les prix des 2006 et des 2007 étaient globalement trop élevés. Nous avons maintenant une dette morale envers les clients ayant acheté ces millésimes. De plus, nous nous sommes tous tournés vers des marchés émergents avec des clients dépensant sans compter. Cette époque est révolue. Ces clients, touchés par la crise, réalisent que la valeur de leur vin peut, comme en Bourse, s'effondrer ! D'où un début de panique et de perte de confiance.

Nombre de ces vins n'ont donc pas été achetés pour être bus mais plutôt pour placer de l'argent et spéculer ?

Oui. Et c'est aujourd'hui un gros problème. Depuis le millésime 2000, des fonds d'investissements ont massivement acheté ces crus d'exception et principalement les premiers (NDLR : Latour, Margaux, Mouton-Rothschild). Pour placer des fonds et spéculer sur des hausses possibles dans le futur. Mais, avec la dégradation de la livre sterling, la prise de conscience des nouveaux clients et leur demande de retour sur investissement, nous observons des retours massifs de vins à Bordeaux avec des cours qui s'effritent un peu plus tous les jours. Cela désorganise la place bordelaise et tout le monde y perd, producteurs comme négociants. Cela dévalorise les stocks, notamment des millésimes 2006 et 2007.

Comment voyez-vous la campagne des ventes en primeurs du millésime 2008 ?

Comme les autres, les grands vins doivent être bus et détruits ! C'est l'objectif de notre métier de négociant. La campagne des primeurs doit se dérouler comme tous les ans ce printemps mais les prix du 2008 doivent être sérieusement revus à la baisse par les propriétaires. Les grands bordeaux doivent revenir à des prix de consommation. C'est la seule et unique solution pour conquérir à nouveau des clients que nous avons frustrés. La position des premiers crus classés sera déterminante car ils sont les locomotives de ce marché très spécifique à Bordeaux. Ils pourraient créer l'électrochoc en sortant leurs vins début mai, juste après les dégustations d'avril et la sortie des notes de certains critiques. Donnant aussi le « la » aux autres propriétés sortant en primeur. Ce timing est essentiel pour permettre au train de repartir, redonner confiance et aborder le salon Vinexpo, le 21 juin, plus sereinement.

Et si la campagne des primeurs 2008 est ratée ?

Si nous loupons cette campagne clef, nous irons vers une situation bien plus délicate et surtout durable. À l'inverse d'autres secteurs d'activité également dans le brouillard, nous connaissons la solution. À l'inverse d'autres types d'achats, dont on s'est aperçu qu'ils étaient fondés sur du vent, nos grands vins ne sont pas virtuels ! L'acheteur a une bouteille en face de son chèque. Acquise au bon prix, il aura plaisir à la boire. À nous de garder le système des primeurs où consommateur (achat moins cher), négociant et producteur (paiement anticipé) s'y retrouvent.


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Re: La bulle spéculative des grands vins explose

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Lun 2 Mars 2009 15:06

« Les Français exclus »

Depuis trente ans, Jean-Christophe Estève vend des grands vins de Bordeaux. Ancien président de la Fédération nationale des cavistes indépendants (FNCI) - du temps où il exerçait à Paris -, il est revenu en 2001 dans son Bordelais natal. Fondateur de la société Sovinat, il propose à un fichier de milliers de clients (particuliers, cavistes...) des catalogues complets de vin (1).

« Je ne compte plus les engueulades reçues par des clients historiques depuis le grand bond en avant des prix des primeurs ! La pillule ne passe pas. C'est sûr, nombre de Français ont été sortis par l'argent du marché des grands vins. »

Tableau à la main (voir ci-contre), l'homme analyse les évolutions. « Le bon millésime 1982 a tout lancé : le particulier s'est intéressé aux achats en primeur à une époque où les chais des grands noms avaient encore des trous aux toitures. À partir de 1995, la propriété a pris le pouvoir sur le négoce. Puis sont venus les pics des prix des 2000 et 2005 avec une demande mondiale forte. » Mais pour le professionnel, « l'erreur fatale » fut commise sur les 2006 et 2007 : « Deux millésimes de qualité comparables à 2001 ou 2002... mais deux à trois fois plus chers ! » Preuve que le critère qualitatif d'un millésime est loin de déterminer seul une demande et un prix. Pour les quelques dizaines d'étiquettes phares, la moyenne du prix du 2007 est même supérieure au 2000, pourtant mieux coté...

« À partir de début 2008, on trouvait sur le marché des millésimes anciens (et bons à boire) moins chers que le 2005 en primeur. Par exemple, des 1990, 1995 ou 2001 », affine Jean-Christophe Estève. C'est là le fond du sujet : est-il toujours intéressant d'acheter en primeur, en avançant l'argent qui financera propriété et négoce ? Ou est-il préférable d'attendre la disponibilité du vin ?

L'expert est catégorique : « Sur quinze ou vingt ans, l'acheteur en primeur a toujours fait une bonne affaire, et encore plus avec les grandes années. » Exemples : un château-margaux 1990 acquis 50 euros en primeur en vaut 910 aujourd'hui (prix TTC consommateur) ; un château-la-lagune 2001 acquis 24 euros en primeur en vaut 39 à ce jour ; ou un haut-marbuzet 1990 acquis 18 euros a une valeur de 99 euros. À noter que ces vins étaient bien plus chers en 2007 qu'en 2009. Autre preuve que les cours des grandes bouteilles fluctuent, comme à la Bourse. À court terme, l'effet peut être négatif. Exemple : un château-pichon-comtesse-de-lalande 2005 (Pauillac) vaut aujourd'hui moins cher qu'en primeur.

(1) http://www.lalettredejeanchristophe.com

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Re: La bulle spéculative des grands vins explose

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Lun 2 Mars 2009 15:08

Bon pour les foires aux vins

Depuis les pics de hausse sur les millésimes 2000 et surtout 2005, des quantités croissantes de grands vins bordelais partaient à l'étranger, là où les portefeuilles étaient mieux garnis : États-Unis, Londres ou nouveaux riches russes ou chinois. « Avec l'explosion de la bulle spéculative des vins prestigieux, les Français tiennent peut-être leur revanche », avance un professionnel. Déjà le 2007 (peu coté) fut surtout acheté par la grande distribution hexagonale. Avec les fonds d'investissements et autres opérateurs à la recherche d'argent frais, qui revendent depuis des mois leurs vins (parfois à prix cassés), nombre de caisses reviennent dans les circuits, notamment en France. Il est probable alors qu'il y aura de bonnes affaires à réaliser, y compris sur des 2005, lors des foires aux vins de l'automne prochain.


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Re: La bulle spéculative des grands vins explose

Messagepar Christian Rausis » Mer 4 Mars 2009 17:02

Je vais peut-être acheter de la Mondotte 2008 ! J'ai déjà eu de la chance avec les taux hypothécaires que j'ai dû renouveler début février.
Les ventes de voitures neuves en Suisse ont chuté de 17,5% en janvier par rapport à la même période de l'année 2008,a annoncé lundi Auto-Suisse, l'association suisse des importateurs d'automobiles (AISA).
Je viens de recevoir aujourd'hui une offre d'un marchand de vins qui octroyait des baisses allant de 30 jusqu'à 59 % sur les Bordeaux. http://www.hautprestigewines.ch/shop/fr ... 2722.22901 Grandes ventes mars 2009 Pdf



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Re: La bulle spéculative des grands vins explose

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Mer 4 Mars 2009 17:37

Et c'est le Pape Clément qui prend - 59% ........ rien ne va plus mon bon monsieur :(

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Re: La bulle spéculative des grands vins explose

Messagepar Laurent Saura » Jeu 5 Mars 2009 11:55

Même lorsque l'on voit les prix proposés par le site que nous a indiqué Christian,je trouve que c'est encore trop cher!
BAREME DE NOTATION 19+ À 20:VIN MYTHIQUE 18+ À 19:VIN EXCEPTIONNEL 17+ À 18:TRÈS GRAND VIN 16+ À 17:GRAND VIN 15+ À 16:TRÈS BON VIN 13+ À 15:BON VIN 11+À 13:VIN MOYEN 10 À 11:VIN FAIBLE MOINS DE 10:VIN DÉFECTUEUX
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Re: La bulle spéculative des grands vins explose

Messagepar BEN » Jeu 5 Mars 2009 12:10

C'est le problème du négoce dont la place de Bordeaux est l'otage consentent !

On peut gagner beaucoup d'argent grâce au négoce mais quand le marché est tendu, on perd beaucoup et vite, un peu comme en bourse ...

Je préfère l'approche des bourguignons qui misent sur une clientèle fidèle quitte à ne plus prendre de nouveaux clients quand ça va bien ... en ce moment, comme c'est tendu, et bien ils prennent des nouveaux clients et si l'on rentre et que l'on est fidèle, on sera servi, même les années très demandées.

Je suis d'ailleurs amusé de voir que de nombreux bourguignons sont revenus de l'export (toujours via des negociants) et privilégient maintenant des particuliers sur leur marché domestique.

Et si l'heure du renouveau était venur sur la distribution des grands bordeaux ?
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Re: La bulle spéculative des grands vins explose

Messagepar Torschutz » Jeu 5 Mars 2009 18:47

Je me répète : c'est vachement dur de devoir baisser son train de vie ! Mais on ne va pas trop plaindre ceux qui n'auront jamais de difficultés à subsister. Demandez donc aux chomeurs victimes de la crise leur avis sur la question.
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