Martin Bouygues, venu à Bordeaux présenter le millésime 2008 de son Château Montrose, pense que la crise altérera peu le marché des grands vins
« Sud Ouest ». Vous avez acheté le Château Montrose au printemps 2006. Quel est votre premier bilan de viticulteur médocain ?
Martin Bouygues. Vous savez, je ne suis qu'un néophyte en matière de vin ! C'est pour moi une expérience nouvelle. Je fais confiance aux équipes de qualité mises en place pour le travail au quotidien à Saint-Estèphe. J'appelle souvent Jean-Bernard Delmas pour suivre de près nos investissements et la naissance des millésimes. Je viens à Montrose une fois par mois en moyenne. Pour moi, cet achat se révèle encore meilleur que je ne l'imaginais.
Quels investissements menez-vous dans vos propriétés ?
Nous avons une grande ambition qualitative pour Montrose, où il existe encore de belles marges de progression. Pour cela, nous investissons plusieurs millions d'euros dans de nouveaux bâtiments. Et ce avec un objectif affiché de développement durable. Nous voudrions faire de Montrose une exploitation modèle en la matière (géothermie, cellules photovoltaïques pour la production électrique...). C'est un programme d'investissement sur quatre ans. Nous menons aussi des travaux lourds dans notre propriété voisine de Tronquoy-Lalande, toujours pour améliorer les conditions de travail et la qualité finale de nos vins.
Pourquoi être venu à Bordeaux cette semaine ?
Pour présenter notre troisième millésime, le 2008, qui est très réussi ! On doit le dire et le montrer au monde professionnel du vin. D'où notre invitation et un déjeuner au Grand Hôtel de Bordeaux.
Comment la crise économique mondiale affectera-t-elle selon vous le marché des grands vins ?
Je pense que les grands vins resteront toujours les grands vins, quelle que soit la situation économique. Crise ou pas, nous faisons plus de 700 repas par an, midi et soir. Autant d'occasions d'ouvrir des bouteilles, chez soi ou au restaurant. Certes, 2009 s'annonce problématique, mais nous ne sommes pas dans une situation catastrophique pour les grands crus. Je suis bien placé pour savoir que la vie économique est faite de cycles, et le vin vient d'en connaître un très bon. En 2009, il y aura probablement des phénomènes de déstoc-kage dans les circuits commerciaux et le négoce bordelais sera sous tension.
Les grands vins ont-ils atteint des prix trop élevés ?
Chaque cru mène la politique qu'il veut mais Montrose, contrairement à d'autres, a su rester sage sur ses prix. Un grand vin est fait pour être bu ! Une grande bouteille n'est pas un tableau accroché au mur pour montrer à ses amis. Elle est là pour finir dans un verre. Les grands vins ne doivent pas disparaître des tables des restaurants.
Quel amateur de vin êtes-vous ?
Ayant une cave, j'aime boire de bons vins le week-end et j'avoue préférer les vins français. De Bordeaux bien sûr, mais aussi de Bourgogne ou vallée du Rhône. Je ne bois pas que de mon vin car j'aime me comparer aux autres. Depuis que j'ai acheté Montrose, on m'en parle beaucoup dans le monde entier. Il faut dire que le vin est un univers magnifique. On déguste, c'est convivial et on partage. Son univers est plaisant et surtout ce n'est pas un sujet qui fâche !
Sur les bords de la Gironde, le long de la route menant de Pauillac à Saint-Estèphe, le château Montrose se détache dans le paysage. C'est ici, au coeur du vignoble médocain, que Martin Bouygues et son frère Olivier, directeur général du groupe, ont investi à titre personnel - avec leurs épouses - dans la viticulture. C'est d'ailleurs Mélissa Bouygues, épouse d'origine américaine de Martin, qui est présidente du Château Montrose. Acquise au printemps 2006, auprès de la famille Charmoulüe, cette propriété de 70 hectares de vignes figure en bonne place dans le classement de 1855. Ce vin rouge en AOC Saint-Estèphe est l'un des mieux cotés de son appellation. Les Bouygues ont également acheté sur la même commune le Château Tronquoy-Lalande (24 hectares de vigne). Jean-Bernard Delmas, ex-directeur de Haut-Brion, gère ces propriétés.
La venue de Martin Bouygues en Bordelais pour présenter son millésime 2008 correspond aussi à une période tendue pour les vins de Bordeaux. Avec la crise financière et économique mondiale, nombre de marchés se sont stoppés net, notamment ceux des grands vins. Ceux qui valent plusieurs dizaines d'euros la bouteille, comme c'est le cas du château-montrose. Des vins qui s'écoulent beaucoup à l'exportation, via les négociants de la place bordelaise.
Alors que la campagne des ventes en primeur débute habituellement au printemps, il s'agit de jauger dès aujourd'hui la qualité du millésime 2008 et l'intérêt éventuel des acheteurs dans le monde entier.
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