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Usage du bois neuf au XVIIIème siècle

Messagepar EricB » Mar 18 Déc 2007 19:32

Je fais en ce moment des recherches sur l'histoire du Médoc, et j'ai appris certaines choses qui vont à l'encontre des idées reçues. Entre autres, dans les domaines qui visaient la qualité (les "new french clarets"), l'usage du bois neuf était alors systématique. Pas parce qu'ils aimaient le bois neuf, ni parce qu'il permettait la micro-oxygénation du vin. Tout simplement parce qu'ils ne maîtrisaient pas encore très bien le nettoyage des barriques (mais utilisaient déjà le soufre) et ne prenaient donc pas le risque de mettre un bon vin dans une barrique "à risques".

Les cépages dominants étaient alors le malbec et le petit verdot. Peu de cabernet et pas du tout de merlot (qui n'arrivera que fin XIXème). Il y a eu des essais de plantation de syrah à Latour et Lafite au XIXème siècle, mais cela ne fut guère concluant. Ils ont donc vite laissé tombé ... Ce qui n'empêchait pas les négociants d'hermitager les vins quasi-sytématiquement :shock:

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Re: Usage du bois neuf au XVIIIème siècle

Messagepar Stéphane VILLETTE » Mar 18 Déc 2007 21:01

Eric,

Intéressante recherches que tu entreprends là. Te connaissant tu as déjà du lire le livre de Hugh Johnson"Une histoire mondiale du vin" ! Une mine d'informations.

Pour ce qui est des coutumes, il n'y a pas si longtemps (10 ans tout de même), je passais les WE à Puisserguier, à côté de Saint-Chinian et les camions citernes immatriculés dans le 33 se succédaient à la cave coopérative. Je ne fais aucune conclusion, mais je me posais quelques questions à l'époque.

J'ai goûté un 100% Malbec récemment et j'avoue avoir été séduit. Par contre nous parlons bien de Malbec à maturité. Quand au "petit verre d'eau" les voisins historiques Bergeracois en possèdent encore pas mal ? Enfin, je crois ?

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Re: Usage du bois neuf au XVIIIème siècle

Messagepar EricB » Mar 18 Déc 2007 21:48

Je ne pense pas qu'il y ait tant de petit verdot que ça dans le bergeracois. Les sols sont beaucoup plus froids (argileux) que dans le Médoc (sol de graves) et donc peu propices à ce cépage. C'est dans le Languedoc qu'il trouve son meilleur épanouissement.

Par contre, le malbec doit pouvoir arriver à maturité sans problème dans le Médoc. Il est devenu maintenant rare (<1%).

En ce qui concerne le bois, le Tronçais n'était pas encore tendance. C'était le bois de l'Allemagne du Nord et des Pays baltiques qui était préféré (mais déjà du chêne).

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Re: Usage du bois neuf au XVIIIème siècle

Messagepar Stéphane VILLETTE » Mar 18 Déc 2007 23:59

Pour ce qui est du "Petit Verdot", je le voyais plus présent que cela dans la région, alors que c'est le malbec qui est le 4ème homme !? ;)

En revanche pour le terroir j'ai revérifié et voici ce que nous dit le syndicat des vins de Bergerac :

"Le vignoble de Bergerac est traversé d'Est en Ouest par la Dordogne et arrosé par bon nombre de ses affluents. Géologiquement, les formations affleurantes de la région sont essentiellement liées au Tertiaire et au Quaternaire. Le vignoble s'étend sur des paysages de coteaux (boulbènes et terreforts calcaires des coteaux de Monbazillac) et de plateaux (plateaux calcaires du tertiaire et graves du quaternaires) largement ensoleillés, sur les deux rives de la Dordogne."

Avec il me semble quelques particularités géographiques de roches calcaire affleurantes mais de fine épaisseurs avec des molasse en sous-sol. Avec par endroit des veines d'argile en coteaux qu'il faut penser à drainer.

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Re: Usage du bois neuf au XVIIIème siècle

Messagepar EricB » Mer 19 Déc 2007 09:11

Je ne nie pas l'ensoleillement du Bergeracois. Mais ce que tu me décris me renforce dans l'idée que les terres du Bergeracois sont plutôt à tendance argileuse (boulbènes, plateaux calcaires), donc plutôt imperméables, d'où une difficulté à se réchauffer. Ce n'est pas pour rien que les raisins se trouvent à un mètre du sol dans le Bergeracois, alors qu'il sont souvent à 20 cm dans le Médoc. Si le Médoc n'avait pas des sols de graves très filtrants (jusqu'à 70% de graves et seulement 10% d'argile), il ne pourrait pas produire de bons, voire d'excellents vins. Les cabernets ne pourraient pas arriver à maturité (et je ne parle même pas du petit verdot). Il faut d'ailleurs noter que le cabernet n'est majoritaire que dans les grands crus classés. Dans les terres moins bien exposées, moins bien drainées, le merlot domine. Parce que plus précoce.

En août prochain, je t'incite à aller dans le Médoc pour goûter les raisins dans un GCC, puis d'aller les goûter dans un domaine du Bergeracois. Tu seras vraiment surpris de la différence de maturité. Le premier sera presque mûr, alors qu'il sera acide dans le deuxième.

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Re: Usage du bois neuf au XVIIIème siècle

Messagepar Winemega-Alain » Mer 19 Déc 2007 13:12

Merci Eric de partager cette information sur les fûts neufs que je ne connaissais pas..

Au niveau des maturités, ça devait quand même pas être coton chaque année! J'imagine qu'avec une proportion majoritaire de Petit Verdot et de Malbec dans du fût neuf, ça devait parfois fouetter le sang lorsque c'était pas mûr..! :roll:


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Re: Usage du bois neuf au XVIIIème siècle

Messagepar EricB » Mer 19 Déc 2007 13:54

Les rendements étaient beaucoup plus faibles: environ 15hl/ha. Cela permettait certainement des meilleures maturité. Contrairement à ce que l'on peut croire, les vendanges n'étaient pas plus tardives qu'aujourd'hui il y a un siècle ou deux. En 1822, les vendanges étaient achevées le 2 septembre!!! Et l'on disait à l'époque que les vendanges d'octobre ne donnaient rien de bon...
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Re: Usage du bois neuf au XVIIIème siècle

Messagepar Stéphane VILLETTE » Mer 19 Déc 2007 14:37

Eric,
Sais-tu quelles étaient les densités de plantation de l'époque ?
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Re: Usage du bois neuf au XVIIIème siècle

Messagepar EricB » Mer 19 Déc 2007 15:14

Pour l'instant, je n'ai pas trouvé la réponse, mais je pense qu'ils laissaient juste la place de faire passer un cheval et une charrue. Donc pas très loin de la densité actuelle. Je sais par contre qu'au début XIXème, ils ont "réparé" une parcelle de 5ha à Latour et qu'ils ont utilisé 20.000 plants pour cela. Si l'on se dit qu'il manquait un pied sur deux, ça ferait 8.000 pieds par ha!
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Re: Usage du bois neuf au XVIIIème siècle

Messagepar winaddict33 » Mer 19 Déc 2007 15:35

Statistiques de 1877 pour le département de la Gironde :

133 200 ha de vignes produisent en année moyenne 2 280 000 hl de vins.

Le Médoc comprend 20 000 ha et produit 40 000 tonneaux (pour info 1 tonneau = 900 litres) dont seulement 9 000 de vins fins.
Dernière édition par winaddict33 le Jeu 20 Déc 2007 12:42, édité 1 fois au total.
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Re: Usage du bois neuf au XVIIIème siècle

Messagepar Winemega-Alain » Mer 19 Déc 2007 17:22

EricB a écrit:Les rendements étaient beaucoup plus faibles: environ 15hl/ha. Cela permettait certainement des meilleures maturité. Contrairement à ce que l'on peut croire, les vendanges n'étaient pas plus tardives qu'aujourd'hui il y a un siècle ou deux. En 1822, les vendanges étaient achevées le 2 septembre!!! Et l'on disait à l'époque que les vendanges d'octobre ne donnaient rien de bon...


J'ai quelque part dans ma bibliothèque.. les chiffres de rendement et de dates de vendanges pour La Mission Ht Brion, mais ils ne remontent pas plus loin que la fin du 19ème siècle (ce qui est déjà pas mal..!). De par mes souvenirs, les rendements d'une année sur l'autre sont d'une variabilité extrême.. Je suis curieux de remettre la main dessus ce soir.

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Re: Usage du bois neuf au XVIIIème siècle

Messagepar EricB » Jeu 20 Déc 2007 10:03

A partir de 1852, il y a eu des hauts et des bas au niveau des rendements, car successivement plusieurs fléaux se sont abattus sur la vigne: d'abord l'oïdium, puis le mildiou, et enfin le phylloxera. Les moyens de lutte ont été trouvés assez rapidement, mais beaucoup de propriétaires de grands crus hésitaient à les utiliser de peur de donner mauvais goût au vin. Ils attendaient donc que d'autres aient "essuyé les plâtres" pour le faire à leur tour.

Mais avant cette date, les maladies étaient rares. La plus grosse cause de variabilité des rendements était la météo du mois de juin. S'il était pluvieux, il y avait de la coulure, et donc une chute des rendements.
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Re: Usage du bois neuf au XVIIIème siècle

Messagepar Winemega-Alain » Jeu 20 Déc 2007 13:34

Merci Eric.. Ton explication concernant l'apparition de maladies à la moitié du 19ème est particulièrement intéressante!
Il semble également que le vignoble était plus frequemment touché par le gel que actuellement. Peut-être un effet du rayonnement urbain et des hausses des températures?

Rentré tard hier soir, j'ai oublié de regarder les données de Mission comme promis.. J'essaie de me rattraper aujourd'hui.

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Re: Usage du bois neuf au XVIIIème siècle

Messagepar EricB » Jeu 20 Déc 2007 14:05

Au niveau des gelées, il n'y en a pas eu plus que ça.

1708-1709: catastrophique particulièrement dans les Graves. Une bonne partie du vignoble fut détruit. Il est probable que cette situation ait permis alors au médoc de se développer à leur profit.

1788 - 1789: les vignes des bas de pente en terrain froid meurent l'été qui suit

1829-1830: il y a de la glace sur la GIronde. Le vin gèle à la bonde. La récolte qui suivit fut réduite: 1/6 des vendanges normales, soit 2.6hl/ha.

1870-1871: les 3/4 des vignes des palus (bas de côteaux anciennement marécageux) sont improductives.

Puis on arrive à 1956: les vignobles de l'ouest du Médoc sont durement touchés, ainsi que Lamarque, Arcins, Cussac. Les grands crus sont en majorité épargnés. Ceci dit, la récolte fut 2 fois plus faible qu'en 1955, avec des contre-performances presque identiques en 1957 et 1958...
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Re: Usage du bois neuf au XVIIIème siècle

Messagepar Winemega-Alain » Jeu 20 Déc 2007 14:34

Il est vrai que les évènements que tu relates font partie de l'histoire des grandes gelées dévastatrices qui détruisirent des pans entiers du vignoble.

Je pensais plutôt aux "petites" gelées apparaissant lors de la floraison (généralement autour du mois de mai). Il y a quelques années, j'avais lu un article, je crois écrit par un enseignant de la Faculté d'Oenologie de Bordeaux que, jusqu'à la moitié du 20ème siècle, de telles gelées survenaient environ une fois par décennie. Je ne sais pas quand à eu lieu la dernière, mais ça doit remonter à pas mal d'années maintenant..

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Re: Usage du bois neuf au XVIIIème siècle

Messagepar Winemega-Alain » Jeu 20 Déc 2007 14:46

Oui.. merci pour la rectification .. Tu as tout à fait raison!

C'est plutôt le risque de gel pendant le débourrage que la floraison qui elle, survient généralement fin mai-début juin.

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Re: Usage du bois neuf au XVIIIème siècle

Messagepar EricB » Jeu 20 Déc 2007 14:58

Il y a des petites gelées miraculeuses comme 1929 et 1945: une partie des récoltes fut perdue mais ce qui resta est devenu légendaire.

Sinon sur 50 récoltes entre 1775 et 1825, il y a eu 7 fois des dégats plus ou moins importants.

Après, il y a 1822, 1861, 1873, 1892,1957 ... et 1991. C'est arrivé quelques autres fois, mais sans de trop grosses conséquences.

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Re: Usage du bois neuf au XVIIIème siècle

Messagepar Winemega-Alain » Jeu 20 Déc 2007 17:20

'ffectivement Eric.. c'est des décennies plutôt.. élastiques! :mrgreen:

Donc, pas de réels changements par rapport à la perspective historique!

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