LAVAUX | Profitant du beau temps, de nombreux promeneurs traquent les grappes oubliées dans les vignes. Adopté par le public, le grappillage était autrefois le fait des vignerons.
«On ne va pas laisser perdre tous ces raisins, ils sont plus beaux qu’au supermarché», s’exclame un promeneur croisé dans le vignoble de Lavaux. En famille, sac en plastique à la main, il fait partie d’une population difficile à chiffrer: celle des grappilleurs qui parcourent les vignes après les récoltes à la recherche du raisin oublié par les vendangeurs.
Cette année, les conditions climatiques exceptionnelles permettent de grappiller du raisin de qualité. Car si les grappes oubliées aux vendanges commencent à perdre de leur superbe, les agrès – petites grappes qui poussent plus tard que les autres et ne mûrissent normalement pas –, dans la partie supérieure de la vigne, peuvent se révéler assez sucrés.
A moins de se comporter comme un vandale, le grappilleur ne risque pas d’affronter la colère des vignerons. Une fois leur récolte encavée, ils ne s’opposent en principe pas à cette cueillette sur leurs terres. «C’est toujours mieux de demander l’autorisation aux propriétaires, mais de toute façon, les vignerons ne vont pas aller chercher les grappes oubliées», indique Gilles Cornut, président de la Communauté interprofessionnelle de la vigne et du vin. «Par contre, je n’aime pas trop voir des battues organisées où un groupe scanne méthodiquement les parcelles», précise François Rousseil, viticulteur à Lutry.
Des tonneaux parallèles
En Suisse, le grappillage n’est pas institutionnalisé. En France voisine, par contre, cette coutume a été codifiée au XIXe siècle en spécifiant qu’il était autorisé d’entrer dans les vignes vingt-quatre heures après la vendange pour grappiller.
Un texte va pourtant à l’encontre de la coutume. Les instructions pour les vendanges, édictées par l’Office cantonal de la viticulture, précisent que, après le contrôle officiel des vendanges, «toute récolte ou grappillage est interdit». L’interdiction vaut évidemment pour les vignerons, mais aussi pour le public. «Depuis l’introduction des quotas de production, on veut garder le contrôle sur l’ensemble de la récolte, explique Dominique Favre, chef de l’office cantonal. On veut donc éviter tout encavage parallèle.»
Avant l’introduction de quotas, les vignerons eux-mêmes grappillaient, à une époque où il s’agissait de produire un maximum. Aujourd’hui, des petits malins se sont approprié la méthode. «On a vu des gens grappiller assez pour se faire un tonneau de vin dans leur cave», s’offusque Dominique Favre, qui ne voit toutefois pas d’un mauvais œil la récolte d’un peu de raisin de table.
Alain Détraz
http://www.24heures.ch/vaud-regions/act ... 2009-10-29