Les prévisions établies par le cabinet International Wine and Spirit Record (IWSR) annoncent une bonne et une mauvaise nouvelle pour les viticulteurs français. La bonne nous dit que la consommation mondiale de vin va continuer d’augmenter à un rythme intéressant d’ici 2010 et probablement bien au-delà . La mauvaise confirme une tendance lourde du marché français qui continue de se contracter avec une baisse en volume de la consommation de l’ordre de 9,31 % entre 2005 et 2010. Les précédentes études de l’IWSR ayant été d’une grande fiabilité, on peut raisonnablement penser que les chiffres fournis en 2006 seront proche de la réalité en 2010. Second producteur de vin au monde derrière l’Italie, la France demeure encore le champion planétaire de la diversité et de la qualité. Ses grands crus prestigieux s’exportent facilement et se vendent de plus en plus cher. Cette tendance va se poursuivre, car les riches acheteurs sont de plus en plus nombreux à travers le monde et de plus en plus portés sur les achats de plaisir quel qu’en soit le prix. Les cours des plus grands crus du Bordelais et de la Bourgogne vont encore flamber.
Qu’en sera-t-il des autres vins ? Ils seront soumis à une rude concurrence mondiale dans un marché moyennement porteur pour les vins de 4 à 7 euros et nettement plus difficile pour les vins de table qui font chez nous le quotidien des consommateurs réguliers et vieillissants. L’étude citée ci-contre prévoit que la part des vins importés consommés par les Français restera modeste, de l’ordre de 2 %. Nos compatriotes préfèrent les vins de leurs vignerons et c’est une chance. Mais la chute continuelle de la consommation pèsera encore sur le marché intérieur. La crise n’est donc pas finie. Elle touchera inégalement les propriétés et les régions viticoles selon leur positionnement sur les différents segments du marché. Les causes de la chute de la consommation de vin en France sont multiples. Les campagnes contre l’alcool au volant y contribuent. Néanmoins, on se tromperait lourdement en considérant qu’il s’agit là de la cause unique ou essentielle. De même, il serait illusoire de croire que la promotion du vin par la publicité pourra faire exploser les ventes. Dans la vie quotidienne de chaque consommateur, les arbitrages budgétaires deviennent sévères avec le recul du pouvoir d’achat. Le vin entre en concurrence avec d’autres breuvages alcoolisés dont la bière et le whisky sont les plus courants. La bière aussi recule, tandis que les Français sont devenus les plus gros buveurs de whisky au monde. Peut-être s’agit-il là d’un effet de mode tardif et provisoire venu d’outre Manche et d’outre Atlantique ? D’autant que les Français boivent davantage de mauvais whiskies que de bons.
Mais les modes et les habitudes de consommation ne sont jamais figées. Dans la France du XXIe siècle, il faudra développer la culture du vin pour relancer la consommation. Le jour où nos compatriotes seront majoritairement convaincus qu’un vin blanc ou un rosé de cépage à petit prix accompagné d’olives noires, de tranches saucisson ou de cubes de fromage de chèvre est plus festif à l’apéritif qu’un assommant whisky accompagné de cacahuètes, le marché du vin reprendra des couleurs en France et la balance commerciale se portera mieux. Cette révolution culturelle ne se fera pas toute seule. Parce qu’ils connaissent leurs vins et savent généralement en parler, les vignerons peuvent en être les meilleurs pédagogues auprès des consommateurs. Là se situe le grand défi des années à venir pour la profession. A condition que le gouvernement et l’Europe l’aident vraiment dans la passe difficile qu’elle traverse actuellement pour ne pas commettre l’irréparable en termes d’arrachages.
par Gérard Le Puill
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