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"In Muteaud veritas" : le vin en ébullition

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Mer 21 Oct 2009 21:04

Vendanges plus précoces, stress hydrique, baisse de rendement, degrés d’alcool à la hausse… Depuis une dizaine d’années, la hausse moyenne des températures menace la typicité des vins.

Les derniers raisins à peine rentrés dans les cuves, les vignerons font un peu partout le même constat. Depuis trente ans, les vendanges ne cessent de gagner en précocité : entre trois à quatre semaines suivant les régions. Dans le sud, les cépages comme le grenache ou le mourvèdre affichent des degrés alcooliques record de 16%. Presque autant que les vins mutés comme le Porto ou le Banyuls.
En faisant poser nu les vignerons dans les vignes, Pascal Husting de Greenpeace France, a tenté d’alerter l’opinion et les pouvoirs publics avant conférence internationale sur le climat qui se tiendra au mois de décembre à Copenhague. « Si rien n’est fait pour réduite les émissions de gaz à effet de serre […], écrivent les signataires du manifeste, la viticulture sera confrontée à une remise en cause radicale. Les terroirs ne survivront pas ».

La France n’est pas seule concernée. A l’échelle mondiale, les vignobles d’Australie, de Californie et d’Afrique du Sud risque d’être rayés de la carte. « Un degré d’élévation de la température, explique Joël Rochard, responsable du développement durable à l’Institut Français de la Vigne et du Vin, équivaut à une précocité de dix à vingt jours de la date des vendanges et à un déplacement de la limite traditionnelle de la culture de la vigne de 180 kilomètres. Si le réchauffement climatique n’excède pas 2° d’ici à la fin de siècle, les vignerons s’adapteront. Mais si une hausse des températures supérieure à 4° se confirmait, ce serait un véritable bouleversement. »
Le scénario la plus crédible, celui qui inquiète le plus les professionnels en France comme en Espagne et en Italie, est celui d’un changement radical de la typicité des vins. « A la fin de sa vie, se souvient Marcel Richaud, vigneron bio à Cairanne, mon grand-père, habitué à boire un côtes-du-rhône à 12°, n’aimait déjà plus nos vins qu’il trouvait trop fort alcool. Depuis les années soixante-dix, tous les techniques viticoles visaient à récolter le plus fort degré alcoolique. Il faut se dépêcher de faire le chemin inverse et de changer nos pratiques culturales. »

Les solutions ?
Elles existent mais sont loin de faire l’unanimité dans le monde viticole. Confronté à la sécheresse, Australiens et Californiens ont recours à l’irrigation quand ils ne mettent pas d’eau dans leur vin. De nombreuses appellations dont les Côtes du Rhône, Vaqueyras et Chateauneuf-du-Pape ont cette année encore obtenu une dérogation les autorisant à recourir à cette pratique interdite aux appellations d’origine contrôlée (AOC). Certains réclament pourtant sa généralisation. Une hérésie pour les spécialistes. « Si on irrigue, explique Jean-Pierre Chabin, du centre de recherche de climatologie à l’Université de Bourgogne à Dijon, on ne fait qu’aggraver le problème. Car très rapidement, l’eau risque de devenir aussi rare que le bon vin ». Et puis ce qui peut-être une solution pour les vins industriels l’est moins pour les vins de terroir. « Avec l’arrosage, observe Marcel Richaud, on préserve les rendements mais certainement pas la qualité. Sur un bon terroir, une vigne bien travaillée n’a pas besoin d’être arrosée. Son système racinaire s’enfonce en profondeur dans le sol et lui permet de résister. Il vaut mieux agir sur la conduite de la vigne et sur l’utilisation de cépages plus tardifs et moins producteurs d’alcool comme le cinsault ou la cougnoise ».

Dans les labos, chercheurs et œnologues planchent sur des levures exogènes moins productrices d’alcool. Un peu comme si l’on administrait un doliprane au moût de raisin pour faire baisser la température. Il existe donc des solutions pour diminuer la teneur en alcool. Au XIXe siècle, les grands Bordeaux ne dépassaient pas 11% et les vins ordinaires 9%. Depuis, sous la double influence de l’oenologie moderne à la recherche de la maturité phoenolique idéale et des dégustateurs américains habitués au zinfandel haut en degré, les vins ont gagné en concentration mais perdu de leur digestibilité.
A court terme cependant, le réchauffement climatique n’a pas que des inconvénients pour les vignobles septentrionaux. Le Val de Loire, le Beaujolais, la Bourgogne et la Champagne enchaînent les bons millésimes. Mais en Champagne, le renforcement de la teneur en CO2 de l’atmosphère entraîne une croissance et une productivité accrue de la plante. « La photosynthèse s’accentuant, la vigne produit plus de sucre, observe Anselme Selosse. La nuit, les plantes respirent. Mais quand il fait chaud, au lieu de brûler du sucre, elles brûlent des acides organiques. Au final, les caractéristiques organoleptiques des vins sont modifiées. Ils perdent de leur sapidité. » La typicité des vins français repose sur leur finesse et leur aptitude au vieillissement. Faudra-t-il pour préserver l’équilibre des vins de Bourgogne remplacer le pinot noir, cépage précoce particulièrement sensible aux conditions climatiques, par la syrah, cépage plus endurant de la vallée du Rhône ? Après tout, le merlot, qui représente 65% de l’encépagement actuel du Bordelais, était inconnu en Gironde il y a cent-cinquante ans. « Dans un demi-siècle, prédit Joël Rochard, beaucoup de grandes appellations viticoles auront changé d’encépagement et de porte-greffes. Il faut donc s’attendre à ce que les vins changent de goût. »
De quoi bousculer les certitudes et la segmentation pointilleuse de l’Institut National des Appellations d’Origine.

Gérard Muteaud
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Jean-Pierre NIEUDAN
 
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