Jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale, la vendange débutait le lundi suivant la Saint Barthélémy. Elle occasionne la force aux paniers. Si cette tradition perdurait en 2009, les Pescalunes se seraient rendus lundi 24 août sur l'Esplanade Roger Damour pour faire ample provision de seaux, cornues, corbeilles, serpettes ou encore d'aliments faciles à préparer tels les chapelets d'ails ou d'oignons, les tomates ou les melons.
Suivait le recrutement des saisonniers. Il s'agissait souvent de chemineaux occupés pour un salaire modique et du vin à suffisance au treuillage ou au charriage des comportes. La récolte rentrée, ils continuaient leurs existences vagabondes vers les Cévennes où les attendait le ramassage des châtaignes. Peut-être empruntaient-ils alors les mêmes "drailles"
millénaires que ces Ardéchois ou Lozériens venus louer leurs services aux agriculteurs de la plaine.
Ces autres travailleurs itinérants repartaient dans leurs villages avec, en poche, une somme constituant la majeure partie de leur revenu annuel. Mais qui, sans doute, leur suffisait amplement : il fallait attendre septembre 1919 pour que cinq cents vendangeurs se mettent en grève dans la commune de Lunel. Coupeurs ou porteurs obtenaient rapidement 20 francs pour les hommes, 10 francs pour les femmes... Et le vin pour les travailleurs des deux sexes, en quantité égale.
Les premières vendanges d'après-guerre occasionnaient une petite révolution. Aux chemineaux, aux "gavachs" s'unissaient les gens du Vaucluse et des Pays de Loire, puis des convois entiers d'Espagnols que les patrons venaient accueillir à la gare avant de les amener à pied d'oeuvre. A un salaire aussi modique que cinquante ans auparavant (300 francs pour les porteurs, 288 francs pour les coupeurs) s'ajoutait la perspective pour certains de rapporter à la maison quelques litres d'un vin alors rationné.
L'afflux de personnel saisonnier, la récolte, les travaux de vinification causaient une grande animation en ville. Et certains désagréments. Si, au seuil du XX e siècle, les propriétaires viticulteurs du centre de Lunel disposaient de l'installation nécessaire à leur exploitation (caves, cuves, tonnellerie...), ils n'avaient aucun moyen d'assainissement. Les marcs des pressoirs s'amoncelaient dans les rues et le cas de ce négociant du Cours Gabriel Péri qui rinçait ses futailles puis vidait l'eau dans le ruisseau, descendant jusqu'au port du canal, ne semblait pas isolé.
L'ouverture en août 1913 de la cave coopérative amenait peu à peu la disparition des caves particulières. D'où davantage de calme et de salubrité en centre-ville, mais depuis le Pont de Vesse, de longues processions de charrettes tirées par des chevaux. Lesquels, victimes du progrès, céderont bientôt la place aux tracteurs.
Max Brunel
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