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Au vin mauvais

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Ven 21 Août 2009 11:28

Le marché vinicole français se porte mal. Parmi les vins industriels, loin d’être les plus fins en bouche, on s’ingénie à repenser leur trait et habit. A vos marques !

Les hommes sont comme les mouches, on ne les attire pas avec du vinaigre. Le (mauvais) vin, lui, se vend maquillé comme une voiture volée. Finies donc les piquettes de grand-mère qui vous calcinent les papilles. Il n’y en aurait plus. Parole d’experts. L’éthique est à l’étiquette. Aux bouteilles industrielles qui font l’objet d’une stratégie marketing bien définie. Prix, produit, communication et distribution. Les quatre piliers pour tenter d’échapper à la crise viticole française. Qui n’épargne pourtant pas les négociants français, dont le jaja à l’export a baissé de 8,4% entre août 2008 et mars 2009 et de 14,6% en valeur.

Crime de lèse papauté
Un sondage Ipsos de 2003 révélait qu’en notoriété la marque la plus connue des Français était à 57% le Vieux Pape, vinasse à mois de deux euros. Jouant de la confusion avec son frère de notoriété, le Châteauneuf du Pape. Par des ventes 2008 en hyper et supermarché qui feraient rougir comme une pivoine le moindre poivrot assoiffé : 18 millions de bouteilles écoulées. De rouge, il se fait maintenant blanc, rosé, à vis… et même en pack de 6. Relookée comme un mannequin, la bouteille printemps-été 2009 veut faire moderne : collerette et étiquette retouchées, habillage « léger et dynamique », indique le marketing. On conserve le sceau avec la devise en latin pour se donner un peu d’antique spiritualité, bétonnée d’une campagne de soutien dans les hypermarchés et de pub à la télé.

Ces vins sont en réalité le résultat d’assemblages élaborés dans les chais (lieu ou s’effectue la vinification) des grands négociants. La Société des Vins de France, 1er distributeur depuis 1990, gère le business des trois marques les plus vendues. Rien de moins que 55 millions de bouteilles en rayon. Pas de quoi franchement s’étonner que le nombre de vins « markétés » n’a cessé de s’accroître ces dernières années. Une étude en 2002 de Jean-Noël Kapferer, expert français des marques, affirmait que sur 100 bouteilles de Bordeaux vendues en France, 65 étaient des marques et 35 des châteaux, alors que six ans auparavant ce rapport était strictement inversé.

Nous c’est l’égout
Cette tendance renvoie en réalité à la concurrence de vins étrangers qui ont intégré cette logique des marques fortes. « Les vins du Nouveau Monde » (Australie, Chili, Espagne) ont fait de l’identification au produit, notamment au cépage, leur succès commercial mondial. Merlot, Cabernet-Sauvignon, Chardonnay, autant d’exemples qui montrent que c’est la cave plutôt que la vigne qui est mise en avant. Habile manière de tromper sur le goût qui varie en fonction de la situation géographique.

Chez nous, si le cépage est indiqué sur l’étiquette, le vin est alors composé à 100% de ce type de vignes. Mais comme l’explique Damien Gateau, sommelier, « méfiez-vous des mentions « Grande cuvée », « Cuvée prestige » ou encore « Grand vin de… ». « Tout dépend des pratiques. Certains producteurs apposeront la mention ‘Vieilles vignes’ alors qu’elles n’auront qu’une quinzaine d’années ». Car la mode est à l’esthétique. En déchargeant au maximum les mentions obligatoires sur l’étiquette frontale, les négociants et viticulteurs leur préfère la contre étiquette pour afficher ce qui fâche. C’est-à-dire la contenance et la teneur en alcool.

A coup sucre
La « contenance », c’est l’arbre qui cache la forêt. Pour faire passer l’amertume d’un vin sec comme un coup de trique, on le « sucre » en coulisses, pendant la phase de vinification (transformation du jus en raisin). C’est ce qu’on appelle la chaptalisation. Comme l’explique Jean-Moise Breitberg, spécialiste vinicole, « le vigneron qui ne sucre pas son vin perd la moitié du volume, vous aurez compris que chaptaliser est un moyen de « gagner plus ».

Et de faire une pierre deux coups : embouteiller en plus grand nombre et s’adapter au goût des consommateurs des pays émergents. Breitberg d’ajouter : « il ne faut se faire aucune illusion. Tant que l’on ne verra pas inscrit sur les étiquettes « vin non chaptalisé », on ne pourra qu’en déduire que la betterave demeure pour l’immense majorité des producteurs le meilleur complément de la vigne »… Surtout quand le sucre permet en plus de relever le degré.

Autant se réfugier vers les appellations contrôlées (AOC) qui répondent en théorie à un strict cahier des charges. Garant pour autant de qualité ou de terroir ? L’association Que Choisir avait dans une enquête menée en 2007 auprès de 75 professionnels révélé « qu’un tiers du volume du vin français produit en AOC ne mérite pas cette appellation du fait de son faible niveau qualitatif et du manque de lien au terroir. » Avec une quasi absence de vin recalé : « en 2004 et 2005, 98% et 99% respectivement des productions présentées à l’agrément ont été reçues ». Une réforme de la réglementation et d’attribution des appellations est dans les cartons du ministère de l’Agriculture.

Reste qu’actuellement, on peut toujours boire du Saint-Chinian à 1,49 euros avec le label de qualité en hypermarché. Santé !

Louis Cabanes
http://www.bakchich.info/Au-vin-mauvais,08491.html
La vérité est dans la bouteille ..( Lao Tseu )
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Jean-Pierre NIEUDAN
 
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