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Les trésors cachés du vin immergé

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Lun 8 Juin 2009 11:20

PAYS BASQUE. Emmanuel Poirmeur, 32 ans, vient de planter ses premiers plants de chardonnay à Urrugne. Son projet de vin immergé est inédit et sa démarche décalée

Emmanuel Poirmeur attendait ce moment depuis plus de vingt ans. Il y a quelques jours, ce jeune viticulteur d'origine luzienne a commencé à planter ses premiers pieds de vigne à Urrugne, au bord du littoral basque. Deux modestes hectares de Chardonnay voués à une aventure aux confins de l'oenologie traditionnelle.

Dans deux ou trois ans, après récolte et première fermentation, leur nectar sera immergé en baie de Saint-Jean-de-Luz pour une vinification hors norme. Là, à une douzaine de mètres de profondeur en moyenne, blotti au fond des cuves et bercé par le ressac des marées, ce vin d'un genre nouveau va discrètement s'épanouir à l'abri de l'oxygène.

Température stable

Un environnement idéal pour l'ingénieur agronome. « D'après mes premiers essais, il semblerait que, sous l'eau, l'évolution soit très différente. Plus lente pour certains vins, un peu plus rapide a priori pour les pétillants. La température y est extrêmement stable, la pression plus élevée et l'agitation constante, grâce aux courants et aux marées. Des conditions très intéressantes et que l'on ne pourrait pas reproduire à terre. »

Si l'immersion de vin est une pratique encore balbutiante, le procédé employé par le viticulteur luzien, lui, est inédit. Ici, pas de bouteilles cachetées à la cire ni de caisses en bois à claire-voie, mais des cuves en béton, sans glamour aucun pour le quidam et pourtant idéales dans le processus de prise de mousse voulu pour donner à un blanc sec un léger pétillant, un « perlant » dans le jargon oenologique.

« Le béton a la particularité d'être étanche à l'eau mais poreux au gaz et de ne laisser aucun goût au vin. J'utilise des cuves qui, selon leur forme (oeuf, cube...), font évoluer le vin différemment. L'avantage, contrairement aux bouteilles, c'est que cela me permet d'utiliser les conditions sous-marines sur un vin en cours d'élaboration. »

En clair, de se servir de l'immersion comme d'une simple étape de la vinification à un moment clé pour un pétillant : celui de la deuxième fermentation. Un procédé dont il a lui-même déposé le brevet et qu'il a étendu à toutes les techniques de vin immergé.

Un vin sur mesure

L'an dernier, un premier essai a eu lieu avec l'équivalent de 2 000 bouteilles conservées sous l'eau pendant six mois. Une partie a été remontée en mars dernier, un tiers poursuivant son vieillissement au creux de la baie luzienne. Une expérience concluante et qui ne demande qu'à être renouvelée une fois l'évolution à terre étudiée.

L'objectif, à terme, étant de produire un vin sur mesure, en parfait accord avec la demande locale et l'évolution des habitudes de consommation.

« Le vin dit '"assis", réfléchi, est en baisse au profit d'un produit dit "de comptoir", qui se boit dans un contexte moins formel et plus festif. Je ne prétends pas vouloir faire le meilleur vin du monde mais un produit adapté à ces nouveaux modes de vie. Je vise donc une petite production locale pour une consommation tout aussi locale, raisonnée, voire en bio (1) dès que possible. »

Un vin inspiré du Txakoli d'outre-Bidassoa mais sorti des entrailles de la baie luzienne, la touche Poirmeur en plus. « J'aime beaucoup ce vin mais je ne veux pas en faire une réplique. Dans la région, l'irouléguy compte essentiellement des rouges, un peu moins de blancs. Ma production, à terme, atteindra 6 hectares, c'est anecdotique par rapport à eux. Et quand on voit que, partout dans le monde, on est en train de revenir aux blancs, on se dit qu'il faut se bouger, et vite. »

Conservatoire des vignes

Un appel à toutes les bonnes volontés locales qui n'ont pas toujours unanimement suivi son projet (2). Travailler avec les pêcheurs, apporter un chiffre d'affaires à quelques bateaux et, d'ici quelques années, générer des emplois, voire inciter d'autres jeunes à se tourner vers des petites productions de ce type, le jeune viticulteur y compte bien. Mais sa démarche va bien au-delà.

« Ce qui peut sembler impertinent, c'est de créer une zone viticole ici. Sur toute la façade atlantique, du sud du Portugal à Nantes, dans les zones peuplées, il n'y a que là qu'on constate une interruption au niveau des vignes. Or, la viticulture est un atout extraordinaire pour une région et un moyen de contribuer à préserver le littoral par une agriculture responsable. »

Emmanuel Poirmeur envisage ainsi de créer, un jour, un conservatoire des vignes basques. Le jeune garçon qui se construisait des cabanes dans les barriques de ses arrière-grands-parents en se rêvant viticulteur est devenu un pro- fessionnel avisé et déterminé.

Aux sirènes de carrières plus prestigieuses et confortables, il a préféré l'horizon brumeux des montagnes de la Rhune. Un pari auquel il n'est pas près de renoncer.

(1) Le cahier des charges suivrait le référentiel national avec notamment : piquets en bois d'acacia, poches et attaches biodégradables, pas de pesticides. (2) Une polémique sur l'installation du siège d'EgiaTegia, l'entreprise d'Emmanuel Poirmeur, dans la Maison des blocs de Ciboure (désaffectée) a longtemps retardé son projet.

Auteur : sophie cicurel
http://www.sudouest.com/accueil/actuali ... 27465.html
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Jean-Pierre NIEUDAN
 
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