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Des bordeaux Ă  la conquĂȘte du monde

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Jeu 4 Juin 2009 18:52

Situées en Gironde, les Caves de Rauzan produisent des vins dont les typicités aromatiques répondent aux goûts du plus grand nombre. Elles en ont fait un atout marketing, dans une région plutÎt conservatrice.

L’Union de producteurs de Rauzan, dite « Caves de Rauzan », a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©e dĂšs 1933 pour prendre en charge la collecte du raisin, la vinification et la vente des vins. Depuis la fusion avec la Cave de Grangeneuve, en fĂ©vrier 2008, elle regroupe quelque 300 viticulteurs coopĂ©rateurs et reprĂ©sente 3 000 hectares de vignes au cƓur du vignoble bordelais pour une production annuelle de 160 000 hectolitres de vins d’Appellation d’origine contrĂŽlĂ©e (AOC) : bordeaux supĂ©rieur, bordeaux (blanc, crĂ©mant, rosĂ©, clairet et rouge) et entre-deux-mers. 83 % de l’encĂ©pagement concerne les rouges (merlot, cabernet sauvignon, cabernet franc), et 17 % les blancs (sauvignon, semillon).

Avec 450 000 hectolitres de cuverie, cette cave coopĂ©rative est la premiĂšre unitĂ© de vinification de France, et mĂȘme d’Europe, en vins d’AOC. Le complexe de vinification est Ă  la pointe de la technologie, avec de cuves en inox thermorĂ©gulĂ©es et autovidantes, 600 fĂ»ts de chĂȘne pour la vinification et l’élevage des blancs et 5 200 barriques pour l’élevage des rouges. Et l’implication des vignerons dans les dĂ©marches environnementales est complĂšte : conduite raisonnĂ©e du vignoble, lutte biologique et intĂ©grĂ©e, recyclage des dĂ©chets
 Preuve du soin apportĂ© au contrĂŽle de la qualitĂ© de leurs vins, les Caves de Rauzan sont certifiĂ©es ISO 9001 et 14001 pour l’environnement.
« Notre taille se justifie par l’évolution du marchĂ© du vin, dĂ©veloppe Philippe Hebrard, directeur des Caves de Rauzan. Aujourd’hui, il est indispensable de disposer d’outils industriels, mĂȘme si l’on parle toujours de terroir, de tradition et de savoir-faire, afin de produire des vins sur mesure, de style moderne et international. Car pour Ă©couler la production de Bordeaux, il n’est plus possible de ne jouer que sur l’authenticitĂ© ; nous sommes sur un marchĂ© global et il faut rĂ©pondre Ă  la demande. Pendant longtemps, le producteur bordelais a considĂ©rĂ© que son vin devait se vendre tout seul – et tout se vendait, en effet. Mais, depuis 1997, le marchĂ© est en rĂ©cession : d’une part, l’offre est supĂ©rieure Ă  la demande avec l’arrivĂ©e de la concurrence du “Nouveau Monde”, le dĂ©veloppement des surfaces viticoles dans le Bordelais et la diminution de la consommation française ; d’autre part, il faut bien reconnaĂźtre que la qualitĂ© de certains vins de Bordeaux n’a pas Ă©tĂ© Ă  la hauteur. »

À l’origine de cette mini-rĂ©volution, un simple constat : « Nous nous sommes aperçus que les goĂ»ts avaient Ă©voluĂ© et qu’il fallait produire des vins qui plaisent aux consommateurs, poursuit Philippe Hebrard. Aujourd’hui, le modĂšle anglo-saxon de consommation alimentaire se gĂ©nĂ©ralise avec des aliments sucrĂ©s, gras et acides – jamais amers. Or, historiquement, les vins de Bordeaux sont des vins structurĂ©s, tanniques, donc parfois perçus comme amers, austĂšres. Plus prĂ©cisĂ©ment, le vin qui plaĂźt au plus grand nombre doit stimuler la vue – les rouges doivent ĂȘtre colorĂ©s –, avoir un nez expressif – fruitĂ© ou boisĂ©, pas seulement Ă©lĂ©gant et fin –, et une bouche qui fait preuve de rondeur et de sucrositĂ©. Or, si les Californiens ont le droit d’édulcorer leurs vins, en Gironde nous ne sommes pas autorisĂ©s Ă  ajouter du sucre
 »

Tout l’enjeu a donc Ă©tĂ© de trouver un compromis entre l’authenticitĂ© du produit et un profil de vin qui plaise au plus grand nombre. Dans ce cadre, l’identification et la sĂ©lection des terroirs de la cave ont permis de faire des vinifications sĂ©parĂ©es et d’obtenir des vins aux typicitĂ©s aromatiques diffĂ©rentes. « Nous avons multipliĂ© les produits de grande consommation – fruitĂ©s – et d’autres plus authentiques – Ă©levĂ©s en barriques, avec une macĂ©ration plus longue – pour les marchĂ©s matures, confie le directeur des Caves de Rauzan. Nous essayons, par ailleurs, de bĂątir ces produits tout en respectant les rĂšgles de l’AOC. Car c’est une aubaine d’ĂȘtre Ă  Bordeaux ; s’il y a des contraintes au niveau des rĂšgles de production – densitĂ© de plantation des vignes et limite des rendements autorisĂ©s –, nous bĂ©nĂ©ficions d’une marque mondialement connue. »
Mais cette approche n’est pas toujours partagĂ©e dans la rĂ©gion. « Face Ă  nous, certains producteurs de Bordeaux n’ont pas la mĂȘme stratĂ©gie et pĂ©nalisent le reste de la production, estime Philippe Hebrard. Sans compter qu’en raison de contrĂŽles limitĂ©s, les rĂšgles de production ne sont pas respectĂ©es par tous. C’est pourquoi le nouveau cahier des charges de l’AOC, plus strict, aura un impact qualitatif. Ceux qui ne peuvent plus suivre devront faire d’autres choix que l’AOC Bordeaux et cette rĂ©forme de l’agrĂ©ment se traduira par un plus grand sĂ©rieux dans la filiĂšre et une plus grande assurance apportĂ©e au consommateur de trouver le bon produit. Et si le produit est bon, toute la filiĂšre en bĂ©nĂ©ficiera. »

Les Caves de Rauzan ont dĂ©gagĂ© en 2008 un chiffre d’affaires de 20 millions d’euros. Preuve de leur succĂšs, leurs produits sont « vendus en moyenne 15 % plus cher que la moyenne de la production de Bordeaux », selon leur directeur. Pour ce qui est de la commercialisation des vins, 75 % sont vendus en vrac et 25 % en bouteilles, soit environ 5 millions d’unitĂ©s. La moitiĂ© de celles-ci sont Ă©coulĂ©es auprĂšs d’importateurs Ă  l’étranger – le Japon, suivi des États-Unis, puis des Pays-Bas, de la Russie et de la Chine –, 30 % dans le rĂ©seau traditionnel en France (des grossistes pour les restaurateurs) et 20 % auprĂšs de la grande distribution.
« Le dĂ©veloppement de l’activitĂ© bouteilles est une de nos prioritĂ©s, car nous voulons rĂ©partir nos risques, indique Philippe Hebrard. La partie en vrac ne concerne, en effet, qu’une vingtaine de nĂ©gociants alors que nous avons un plus grand nombre de clients pour les bouteilles. L’export, qui offre une valorisation supĂ©rieure en terme de prix, a encore des marges de progression. Cela nĂ©cessite certes un niveau qualitatif supĂ©rieur, mais nous sommes adaptĂ©s et avons de trĂšs bons retours sur nos vins. Et mĂȘme si nous ne sommes pas compĂ©titifs en termes de prix par rapport aux vins du “Nouveau Monde”, nous bĂ©nĂ©ficions de la notoriĂ©tĂ© de l’appellation. »

Charles Delaere
http://www.actu-cci.com/article/2844/
La vérité est dans la bouteille ..( Lao Tseu )
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Jean-Pierre NIEUDAN
 
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