Nouvelle tempête à Saint Emilion
Comme on pouvait s’y attendre, la cour d’appel de Bordeaux a annulé à son tour le classement 2006 des vins de Saint Emilion.
L’année dernier, le tribunal administratif avait jugé de la même façon, entraînant une multitude d’actions juridiques et parlementaires. Mais toutes ces procédures n’ont pas abouti à quelque chose de satisfaisant, et les producteurs se retrouvent au même point.
On notera d’ailleurs que c’est bien pour la même raison que ce classement à été annulé deux fois: c’est la méthode de travail du jury qui a été déclarée incompatible avec «l’égalité de traitement entre les candidats».
Privés d’un classement auquel ils tiennent beaucoup pour des raisons économiques, les viticulteurs de Saint Emilion sont dans une sorte d’impasse juridique, mais aussi commerciale. Pendant trois ans environ, c’est-à -dire jusqu’à la livraison du millésime 2009, c’est le classement de 1996 qui fait officiellement référence. Il s’appliquera donc, faute de mieux, aux millésimes 2008 et 2009, non encore vendus. Mais après? Il faudra trouver un système crédible qui établisse un palmarès fiable pour le consommateur et serein pour les producteurs. On vois mal la méthode actuelle reconduite.
Le ministère de l’agriculture, l’INAO et le syndicat viticole, devront donc inventer autre chose, et surtout s’acharner à instaurer un climat apaisé dans les vignes de Saint Emilion.
Une des pistes proposées est de se pourvoir en cassation, ce que le syndicat viticole verrait d’un bon œil. Mais la procédure est longue, et les chances de gagner sont minces, au regard des jugements déjà rendus.
Une autre est d’organiser un nouveau classement. Mais avec quel jury? On se doute que les candidats pour y participer ne seront pas légion, ce qui est bien compréhensible. A quoi s’ajoute cette éternelle question: comment juger en termes de droit une dégustation qui est par définition subjective? Quel texte de loi peut-on opposer à une perception organoleptique?
Les meilleurs œnologues du monde jugent un vin selon des analyses sensorielles et intellectuelles. C’est à prendre ou à laisser. Et c’est sans doute là le fond de la question.
Depuis 1986, le classement décennal des vins de Saint Emilion n’en finit pas de faire des vagues, et on se demande s’il ne fait pas plus de mal que de bien à un vignoble, certes très renommé, mais qui se pose aussi des questions sur sa rentabilité, son avenir proche, et ses méthodes de commercialisation. Un immense chantier attend donc les producteurs de vins de Saint Emilion.
http://www.lejournalduvin.com