A l'aube de ce nouveau siècle, l'idéologie la plus développée est sans aucun doute celle du moutonnisme, que Rabelais appelait jadis le panurgisme. En résumé, il s'agit de se trouver un ennemi et de crier haro sur lui. Toujours le même, bien sûr, jusqu'au suivant, car il faut aussi savoir changer d'ennemi. Ces temps-ci, l'ennemi, c'est le vin. Cité (et souvent célébré) 141 fois dans l'Ancien Testament, il est pourtant le meilleur ami de l'homme et de la femme. Un livre merveilleux le rappelle avec éclat, ces jours-ci : « Le désir du vin à la conquête du monde », de Jean-Robert Pitte (1). Or il ne se passe pas une semaine sans que le pouvoir n'annonce de nouvelles mesures censées faire reculer l'alcoolisme, celui des jeunes notamment. Cette croisade est justifiée et loin de moi l'idée de la critiquer. Mais le moutonnisme a ceci de débile qu'obnubilé par un seul ennemi il passe tous les autres à l'as. Par exemple, les drogues prétendues douces, comme le shit. Pourquoi cette lâche permissivité ? Pourquoi accepter qu'elles continuent d'abîmer la jeunesse ? Jusqu'à nouvel ordre, elles ne font pas moins de dégâts que le vin, tant s'en faut.
Franz-Olivier Giesbert
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