Claire et François Ouzoulias représentent la cinquième génération
Elle se dit encore « marchande de vin » ; lui « vigneron ». Le frère et la soeur y tiennent. Parce qu'ils portent encore sous la semelle de leurs chaussures cette terre corrézienne que quatre générations d'Ouzoulias avant eux n'ont pas réussi à décrotter.
Claire, 32 ans, et François, 31 ans, incarnent aujourd'hui la cinquième génération de cette famille qui fête cette année les 120 ans de la naissance de la maison de négoce du côté de Meymac. Au pied du plateau des Millevaches d'où migrèrent également vers Libourne, au début du siècle dernier, les familles Moueix, Janoueix et Audy qui font encore aujourd'hui la notoriété des vins du Libournais.
C'est la fille de leur ancêtre, François Gratadour, qui épousa un Ouzoulias lequel vint s'installer à Saint-Émilion où il acheta, en 1908, clos Chante L'Alouette, propriété viticole de trois hectares, d'ailleurs toujours dans la famille cent ans plus tard. Ce qui fait la singularité de cette souche corrézienne, c'est d'avoir traversé le siècle et ne posséder qu'un patrimoine somme toute modeste comparé à celui de ses compatriotes libournais.
Saint-émilion grand cru
Ainsi François Ouzoulias, le jeune fils de Pierre, 58 ans - dans cette famille les hommes portent alternativement ces deux prénoms - est à la tête d'un domaine de 12 hectares seulement réparti sur trois propriétés (saint-émilion grand cru) : clos Chante L'Alouette, Franc Pourret (5 ha) et domaine du Haut-Patarabet (4 ha).
Claire Ouzoulias l'explique par le fait que les Ouzoulias se sont longtemps contentés d'un seul enfant. Un garçon. « Mes parents ont fait exploser les statistiques », note l'aînée qui mit le temps de la réflexion avant de devenir PDG - « puisqu'il faut un titre » - de la maison de négoce, située à proximité du parc de l'Épinette à Libourne qui forme, avec les domaines viticoles, les établissements Ouzoulias.
Vin biologique
Après un BTS de tourisme, un emploi à British Airways puis d'assistante de direction dans une société franco-américaine de fabrication de logiciels d'images de synthèse, Claire acceptait de succéder à son père, en 2005.
Son frère, lui, fut moins « indiscipliné » puisqu'après un BEP viticulture-oenologie à La Tour Blanche aux Églisottes, il s'investit rapidement dans l'exploitation avec le sentiment de prolonger son enfance.
Autre singularité, depuis vingt ans, la famille produit un vin certifié biologique. « Bien avant qu'on en parle vraiment. C'est notre signature. Nos clients ne boivent pas du vin mais de l'Ouzoulias. »
Comme tous les Corréziens, arpenteurs infatigables de l'Hexagone, leurs aïeux ont bâti leur succès sur le démarchage, le contact, « yeux dans les yeux ». Il y a peu, Pierre Ouzoulias partait encore seul, un mois durant, sur les routes de France et de Belgique vendre son vin et celui des autres appellations (une dizaine de gammes) de Bordeaux. Aujourd'hui, le père et la fille se partagent la clientèle.
Les pieds sur terre
Depuis son arrivée, celle-ci a élargi les frontières du négoce : États-Unis, Canada, Japon. « Pour répondre à la crise, on est obligés d'évoluer mais on ne le fera pas au détriment de notre clientèle de particuliers. On garde les pieds sur terre. Ça demande beaucoup d'énergie mais nous voulons rester maîtres de notre destin. »
Faire le vin qu'ils aiment, un vin qui leur ressemble, loin des effets de mode, quitte à passer pour « des petits épiciers de quartier. Notre manière de travailler colle avec notre éthique », déclare François Ouzoulias. Le vigneron et la marchande de vin sont sur la même longueur d'onde : « La tempête peut souffler, nous avons de bonnes racines. »
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