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Le panache des grands vins d'Espagne !

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Jeu 26 FĂ©v 2009 08:46

Les grands producteurs de vins d'Espagne se sont réunis à l'ambassade de France, à Madrid. Pour répondre à l'invitation de Didier Depond, PDG des champagnes Delamotte et Salon.

Inviter tous les grands producteurs espagnols autour d'un champagne est un vrai paradoxe. Avec son cava, l'Espagne est devenue le plus grand producteur mondial d'effervescents, et elle concurrence sans vergogne son aîné sur nombre de marchés, comme l'Allemagne. La technique champenoise a été importée en Catalogne dès 1862 par Antoni Gili et perfectionnée, quelques années plus tard, dans le vieux domaine de Can Cordoniu. La technique est donc la même, seuls les cépages changent, et encore. Le cépage champenois chardonnay a largement effectué sa percée et le pinot noir pointe son nez.

Au plus haut niveau, les meilleurs champagnes gardent leur primauté, ce qui explique que les grands producteurs espagnols sont accourus à l'invitation de Didier Depond : «Je les ai invités parce que j'aime les grands vins d'Espagne.» L'inverse est vrai aussi, car à ce niveau, l'œcuménisme est roi.

Très vieux pays vinicole, plus vieux que la France car la vigne est présente depuis deux fois plus longtemps, l'Espagne possède la plus grande surface du monde plantée en vignes. Avec la défaite des Maures en 1492, la vigne s'est insinuée partout, sur les coteaux et les plateaux, beaucoup en altitude, colonisant des régions entières comme la Mancha qui est la plus grande région vinicole de la planète.

Depuis une vingtaine d'années, à l'instar de ses sportifs, de sa gastronomie ou de sa littérature, le vin a le vent en poupe et le pays n'a pas hésité à l'inscrire dans sa Constitution comme patrimoine national, ce qui contraste fortement avec la France où il est de plus en plus mis au ban de la nation. «Du haut de leur tour d'ivoire, les Français n'ont aucune conscience des progrès foudroyants de la viticulture espagnole», souligne Victor de La Serna, journaliste polyglotte, producteur et membre du Grand Jury européen.

Les vins rouges mènent la danse des vins de la péninsule Ibérique, à commencer par le premier d'entre eux, Vega Sicilia, qui appartient à la famille Alvarez. Formé à Bordeaux, l'œnologue Xavier Ausás en explique le caractère singulier : «Le 1995 est passé 22 mois en barriques de madère, puis 22 mois en barriques neuves, suivi de 28 mois en barriques plus âgées avant d'être mis en foudre pendant vingt-quatre mois.» Composé de tempranillo avec 15 % de cabernet-sauvignon, le vin possède une incroyable complexité qui défie les décennies. Les fabuleux 1970, 1962 ou encore 1942 montrent que Vega Sicilia joue dans la cour des grands de ce monde.

Vega Sicilia est inséré dans l'appellation Ribeiro del Duero dans la Castille-Léon qui compose, avec Le Priorat en Catalogne, le nouveau paysage de l'Espagne. Des producteurs sans complexes comme Alvaro Palacios avec son Ermita en pur grenache ou le danois Peter Sisseck avec Pingus, un autre vin culte, ont fait leur entrée dans le cercle très restreint des vins qui s'arrachent à plusieurs centaines d'euros le flacon.

Joli coup de chapeau

Quelle est la force de ces producteurs ? «Je déguste tous les grands vins et je n'hésite pas à traverser l'Espagne et la France pour lamper le chambertin de Rousseau», précise Paco Rodero de Pago de los Capellanes, un des vins qui montent dans Ribera del Duero. Œnologue, auteur de guide, éditrice de revue, Maria-Isabel Mijares y Garcia-Pelayo, qui est une des femmes les plus en vue du pays, ajoute : «Nous sommes soutenus par toutes les personnalités et par toute la classe politique. Le roi d'Espagne n'hésite jamais à venir nous prêter main-forte et préside très volontiers nos grands événements.» Pour la petite histoire, le roi avait inauguré en personne le dernier Vinexpo à Bordeaux.

Pendant longtemps en pointe, les régions traditionnelles comme Rioja se sont un peu fait distancer en notoriété par les jeunes trublions du Priorat et du Ribera del Duero. La facture des longs élevages sous bois qui donne des vins faiblement colorés et largement évolués était passée de mode chez les critiques, mais continuait à bien se vendre. Sous l'instigation des grandes bodegas comme Marqués de Riscal, la Rioja est bien décidée à jouer le premier rôle qui est le sien.

Avec la complicité du grand architecte Frank O. Gehry, Marqués de Riscal s'est lancée dans la construction d'une cité du vin dont l'architecture audacieuse montre la formidable reprise en main de la région et l'ambition du pays. La cave historique d'Elciego a pris un sacré coup de jeune. Ce qui n'empêche pas l'œnologue maison de vous sortir un incroyable 1929, le millésime qui a convaincu Frank O. Gehry pour le projet.

Autre région à la peine, Xérès. Ses vins blancs très évolués comme les manzillas symbolisent l'âme espagnole, ou du moins la symbolisaient. Pendant longtemps, il était hors de question de grappiller un tapas dans un bar de Madrid sans l'accompagner d'un verre de fino. Mais la jeune génération, celle qui fréquente les bars, ne se reconnaît plus dans les vins de leur père. Les vins sont toujours aussi parfaits, mais la clientèle ne suit plus.

Comme partout en Espagne, le Sud se réveille lui aussi. Bénéficiant de vignobles en altitude avec des maturations lentes, il s'est lancé avec beaucoup de bonheur dans les vins rouges de monastrell (le mourvèdre pour les Français) aux côtés de syrah, cabernet et petit-verdot. Ils n'ont pas fini de faire parler d'eux !

Il est vrai que la connaissance du vin ne date pas d'hier en Espagne. En témoigne, dans Cervantès, la réponse de Sancho à Don Quichotte, écrite il y a plus de 400 ans : «Croyez-vous que la connaissance de votre vin me passe par-dessus la tête ? Eh bien ! sachez, seigneur écuyer, que j'ai un instinct si grand et si naturel pour connaître les vins, qu'il me suffit d'en sentir un du nez pour dire son pays, sa naissance, son âge, son goût, toutes ses circonstances et dépendances.»

Il s'agit donc d'un joli coup de chapeau des champagnes Salon et Delamotte à cette histoire séculaire et à ce formidable renouveau.

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Jean-Pierre NIEUDAN
 
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