BIODYNAMIE. Caractère du terroir, respect de la terre, fraîcheur, précision dans l'expression du fruit, les vins de la biodynamie vont séduire les consommateurs
On a beau dire que les résultats obtenus ne sont pas toujours statistiquement représentatifs, le doute nous laboure un peu les joues lorsqu'une étude démontre que des 40 bouteilles analysées en laboratoire, toutes celles issues de la viticulture conventionnelle contiennent au moins quatre résidus de pesticide. Dans des proportions qui feraient très vite passer l'eau du robinet au tribunal des flagrants délits. Personne en agriculture et plus singulièrement en viticulture ne devrait porter ce fardeau (1). Tout le monde a plus ou moins compris que la chimie, qui attribue à la vigne un tiers des pesticides épandus en France, a atteint ses limites. 20 traitements en une petite année, selon le temps, ce n'est plus du domaine de la nature, mais du harcèlement. La biodynamie est l'une des réponses viables à la course aux armements. Si moins de 200 propriétés aujourd'hui en France ont franchi le pas (2), ce n'est pas pour autant un phénomène ésotérique. Les viticulteurs en parlent.
Souplesse et fraîcheur
Alain Moueix à Saint-Émilion est le premier des crus classés, avec Fonroque et Moulin du Cadet, à avoir produit des vins rouges certifiés en agriculture biologique et désormais en biodynamie dans le Bordelais.
Quatre années plus tard, le vigneron-oenologue de Saint-Émilion ne se lasse pas de dessiner les contours de cette nouvelle planète où il a engagé son équipe. Tout a changé en profondeur. Une relecture de la terre sous influence de la lune et des planètes, la dynamisation des sols avec des « préparats », tisanes de plantes vaporisées sur les cultures, l'amélioration de la structure des sols, plus souples et faciles à travailler, l'enrichissement de la biodiversité, une plus faible expression des viroses, un meilleur équilibre entre la végétation et les raisins, une plus grande précocité de la maturité des peaux.
Et, au bout du compte, une révolution culturale avec un travail plus dense et plus réactif, un matériel adapté, et des consommateurs éveillés qui associent le respect de l'environnement au goût lui-même. Hors nostalgie, qui n'aurait pas grand sens, la viticulture des décoctions de prêle et des purins de feuille de consoude vise à épurer le vin. C'est-à -dire à retrouver des breuvages souples, mais qui conservent la fraîcheur, l'une des caractéristiques des vins de Bordeaux.
Les vins d'avant
À l'opposé des vins bodybuildés tous logés à la même enseigne, ceux-ci donnent la racine de leur terroir. Pas d'apologie du gras, de tanins démonstratifs, ni de sucrosité excessive. Ils semblent gagner en précision dans l'expression du fruit, et favoriser une structure presque cristalline. Les recherches de Fonroque ne laissent personne indifférent. Faut-il s'étonner qu'un homme de la qualité d'Alfred Tesseron ait donné son accord, depuis 2005, à la conversion totale en biodynamie, des 80 hectares de Pontet-Canet, le célèbre grand cru classé de Pauillac ?
Au fond, il s'agirait de retrouver les vins d'avant la vigne mise sous perfusion, quand il y avait des millésimes mûrs. Non pas dans un goût supposé - le vin vit et évolue - mais en se réappropriant l'authenticité et le plaisir par une démarche naturelle. « Quand on a la chance de s'occuper d'un grand cru classé, explique Alain Moueix, il y a quelques devoirs. La moindre des choses est de le transmettre dans un état au moins aussi bon que celui dans lequel on vous l'a donné. La joie, c'est de fabriquer des vins avec plus de relief et de personnalité en manipulant des produits inoffensifs. J'ai beaucoup donné pour mettre ce travail en place et j'ai beaucoup reçu. Je ne me vois pas revenir en arrière. Si j'y étais obligé, je changerais de métier. »
(1) La France, deuxième utilisateur mondial de produits phytosanitaires, s'est engagée à diminuer les doses de moitié d'ici à 2018. (2) Labellisées par deux associations, Biodyvin et Demeter.
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