Index du forum Les rubriques Histoire du vin et de la vigne... découvrir le vin, l'aborder, s'informer Histoire de vin

De tout et de rien, du moment que ça parle de vin.

Vin et Histoire

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Lun 16 FĂ©v 2009 12:06

1- Félix Kir (1876-1968) en apéritif .

Nous inaugurons par cet article notre chronique “Vin & histoire”. Chaque semaine, la plume d’Alexis nous emmènera à la découverte d’un personnage historique ou d’un morceau d’histoire pour découvrir le vin.

Félix Kir

Félix Kir est une figure iconoclaste de la Bourgogne au XXe siècle, à la fois chanoine, homme politique et promoteur de la boisson qui porte son nom.
Après des études au séminaire, il fut ordonné prêtre en 1901 et fut notamment curé à Bèze de 1910 à 1924, puis chanoine à Dijon à partir de 1931. La Seconde Guerre mondiale permet au chanoine Kir d’exercer des responsabilités publiques. Le 16 juin 1940, alors que le maire de Dijon a quitté la ville, il est nommé membre de la délégation municipale de Dijon.

Il fait évader des milliers de prisonniers de guerre français du camp de Longvic. Arrêté par les Allemands, relâché, victime d’un attentat puis contraint à la fuite en 1944, il revient à Dijon à la Libération. Il est par la suite élu maire de Dijon en 1945, ainsi que député, et le reste jusqu’à sa mort en 1967. Il préside en tant que doyen d’âge la première séance parlementaire de la Ve République. Au delà de ses fonctions Kir était un personnage truculent connu pour ses réparties mordantes, qui en firent un personnage populaire.

Kir et le vin

Le titre résume à lui seul l’influence de ce personnage sur le vin. Afin de promouvoir le cépage aligoté et les liquoristes de sa ville, il fit servir à ses invités en apéritif du blanc-cassis et lui donna son nom. Ainsi était né le kir composé selon la recette originale de 1/3 de crème de cassis de Dijon à 20° et de 2/3 de bourgogne aligoté. Des variantes furent aussi inventées tel le communard (crème de cassis et vin rouge) ou le Kir Royal (crème de cassis et champagne). En 1952, le chanoine concéda l’exclusivité du nom à la maison Lejay-Lagoute. Néanmoins, pour ne pas peiner les autres liquoristes de Dijon, il leur permit également d’utiliser son nom.

Les appellations emblématiques de Kir

Bourgogne Aligoté
C’est bien sûr l’appellation typique du kir. Si le chanoine mettait autant de cassis, c’était pour calmer les ardeurs de l’Aligoté qui était alors très acide. Les proportions courantes aujourd’hui sont plus proche de 1/4 de crème de cassis de Dijon à 20° et 3/4 de Bourgogne Aligoté.

Bouzeron
Les vins de cette appellation de Saône-Et-Loire sont uniquement composés de cépage aligoté, ce qui en fait une exception en Bourgogne. Cela fait des vins de Bouzeron de parfaits candidats au kir!

Mercurey
Félix Kir avait paraît-il un goût prononcé pour le Mercurey ce qui n’était pas sans faire sourire, “Maire-Curé” résumant très bien le personnage.

http://www.findawine.com
La vérité est dans la bouteille ..( Lao Tseu )
Avatar de l’utilisateur
Jean-Pierre NIEUDAN
 
Messages: 9664
Inscrit le: Mer 24 Oct 2007 10:23
Localisation: Hautes Pyrénées

Re: Vin et Histoire

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Lun 16 FĂ©v 2009 12:14

2 - Charlemagne (742-814), au nez et à la barbe de l’empereur

Charles Le Grand ou Charlemagne peut être considéré comme le père de l’Europe. En effet, roi des Francs en 768, il devint par conquête roi des Lombards en 774 et fut couronné Empereur d’Occident en 800. Il a ainsi assuré le regroupement d’une partie notable de l’Europe occidentale, et posé les principes de gouvernement dont ont hérités les grands États européens. De plus, souverain réformateur, soucieux d’orthodoxie religieuse et de culture, il protège les arts et les lettres et est à l’origine, dans son vaste empire, du brillant mouvement ultérieurement qualifié de renaissance carolingienne.

Charlemagne et le vin

Qui n’a jamais entendu parler du Corton-Charlemagne ? Ces célèbres vins blancs de Bourgogne portent en effet le nom de l’Empereur car, selon la légende, il exigea que l’on plante cette parcelle de cépages blancs pour ne pas tacher sa barbe. Plus généralement, Charlemagne était un grand propriétaire terrien qui veillait à ses vignobles et ses celliers. L’Empereur exigeait ainsi d’être informé chaque année par ses quelque 600 intendants des ressources et des besoins de chaque exploitation. Il se faisait détailler les quantités mais aussi les qualités “de vin de mûres, de vin cuit, d’hydromel, de vinaigre, de vin nouveau et vin vieux - vin de plus d’une année “, comme expliqué dans son capitulaire De Villis. Ceci cachait de plus un enjeu économique car il faisait respecter son droit de banvin qui lui conférait, à chaque automne, priorité de vente sur les autres récoltants, à l’exception des moines de Saint-Denis.
Charlemagne buvait en outre beaucoup de vin mais veillait à ne jamais s’enivrer même si les vapeurs d’alcool chez cet athlète de près de deux mètres de haut - fait exceptionnel à l’époque - se dissipaient assez vite.

La cave de Charlemagne

Charlemagne a laissé un héritage pour les appellations suivantes :

Corton-Charlemagne Corton Blanc
Ce grand cru de Bourgogne au nom de l’Empereur est la trace la plus visible de son héritage. Charlemagne possédait en effet des terres à Corton dont il fit don à la Collégiale Saint-Andoche de Saulieu en 775. Il exigea qu’on y plante des vignes… de cépages blancs pour le soin de sa barbe et notre plus grand bonheur.

Johannisberg
L’Empereur est aussi à l’origine du vignoble allemand de Schloss Johannisberg. Il fit en effet don des terres aux environs de Geissenheim à l’abbaye de Fulda en 772 et incita à la plantation de vignes.

Anjou Rosé d’Anjou Cabernet d’Anjou
Charlemagne possédait des vignobles aux alentours d’Angers. Ces vignobles furent mis en valeurs lors des tentatives de conquête de la Bretagne en 784, 799 et 811.

Alsace Grand Cru Pfersigberg / Eichberg Alsace Rosenberg
Charlemagne possédait également des terres en Alsace autour du village d’Eguisheim qu’il pouvait surplomber de son château. A la fin de sa vie, en 810, il fit don d’une cour dimière avec les vignes du village au couvent d’Ebersmunster qui développa davantage le vignoble.

Cornas
Selon des sources archéologiques, il connaissait et appréciait ce vin de Côtes du Rhône.

http://www.findawine.com
La vérité est dans la bouteille ..( Lao Tseu )
Avatar de l’utilisateur
Jean-Pierre NIEUDAN
 
Messages: 9664
Inscrit le: Mer 24 Oct 2007 10:23
Localisation: Hautes Pyrénées

Re: Vin et Histoire

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Lun 16 FĂ©v 2009 16:36

3 - Michel de Montaigne (1533-1592), précurseur de l’oenophilie

Le philosophe Montaigne fut un des auteurs les plus passionné par le vin. Son approche du vin fût de plus, très moderne. Revenons d’abord rapidement sur son oeuvre. Michel Eyquem de Montaigne ou plus simplement Michel de Montaigne est un philosophe humaniste, moraliste et un homme politique français de la Renaissance. Il est l’auteur des Essais, premier ouvrage de ce genre de l’époque moderne.
Dans cet ouvrage qu’il entame à partir de 1571, il prend l’homme et en particulier lui-même comme objet d’étude. Il y annonce « Je veux qu’on m’y voie en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans contention et artifice : car c’est moi que je peins. » (« Avertissement au lecteur »). Le projet de Montaigne était de lever les masques, de dépasser les artifices pour se découvrir lui-même. Proche de Henri de Navarre, futur Henri IV, il eut une activité politique qui le conduisit à être maire de Bordeaux de 1581 à 1585.

Montaigne et le vin
Elevé au château de Montaigne dans le vignoble de Montravel Montaigne possédait des vignes et témoignait d’une passion pour le vin. Il condamnait en outre l’ivresse car elle nuit à la santé et à l’esprit dont elle « fait déborder les plus intimes secrets » (Les Essais Livre II, chap 2) et défendait alors une consommation modérée, basée sur le plaisir. Des principes que de nombreux amateurs de vins ont repris aujourd’hui.

La cave de Montaigne
Il fit référence dans ses œuvres aux vins qu’il affectionnait, notamment lors son voyage en Europe de 1580 à 1581, dont les principaux sont les suivants :

Montravel
Haut-Montravel

Il se retira à la fin de sa vie dans son domaine viticole au cœur de son domaine de Montravel pour se livrer à l’étude, à la méditation et rédiger ainsi les Essais. Il s’inspira alors du vignoble du Montravel dont il était originaire pour les passages consacrés à la vigne et au vin. Citons notamment le passage dans lequel il indique l’influence de ces dernières dans sa vie :« Les vignes qui sont des jardins et lieux de plaisir, de beauté singulière et là où j’ai appris combien l’art pouvait de servir bien à point d’un lieu bossu, monteux et inégal. » Les Essais, p 229

Alsace Grand Cru Rangen (Riesling / Pinot Gris / Gewurztraminer)
De passage à Thann en 1580, il fit l’éloge du vignoble de cette ville dont la totalité est aujourd’hui classée Grand Cru Rangen.
« Vinmes souper à Tane, quatre lieues, première ville d’Allemagne, sujette à l’empereur, tres belle. Lendemain au matin trouvâmes une belle et grande plene, flanquée à main gauche de coutaux pleins de vignes, les plus belles et les mieux cultivées, et en telle estendues que les Guascons qui estoient la disoint n’en avoir jamais veu tant de suite. » Journal de Voyage

Pauillac: Château Latour
Montaigne cite les vignes de la Tour dans Journal de Voyage sans toutefois faire de commentaires sur le vin.

Montecarlo
Colline Lucchesi
Dans la villa où il séjourna pour une cure, il critiqua les vins de la province de Lucques, Montecarlo et Coline Lucchesi.
« Le vin n’y est guère bon mais qui veut en fait porter ou de Pescia ou de Lucques. » Journal de Voyage, p 269

Colli di Luni
Près de Carrare, il fit une remarque d’une stupéfiante actualité au sujet du vin local.
« J’étais forcé de boire ici des vins nouveaux, car on n’en pas d’autres dans ce pays. Ils ont le secret de les éclaircir avec des copeaux de bois et des blancs d’oeufs de manière qu’ils sonnent la couleur du vin vieux mais ils sont je ne sais quel goût qui n’est pas naturel. » Journal de Voyage, p 354

http://www.findawine.com
La vérité est dans la bouteille ..( Lao Tseu )
Avatar de l’utilisateur
Jean-Pierre NIEUDAN
 
Messages: 9664
Inscrit le: Mer 24 Oct 2007 10:23
Localisation: Hautes Pyrénées

Re: Vin et Histoire

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Lun 16 FĂ©v 2009 16:38

4 - Childebert II (570-596), le roi vigneron

Nous allons évoquer aujourd’hui un roi mérovingien, Childebert II, ancêtre de Charlemagne et des rois de France, qui fut l’un des premiers à être propriétaire de vignes. Apprenons tout d’abord à connaitre ce roi.

Childebert II est un roi mérovingien qui régna sur l’Austrasie de 575 à 596 après l’assassinat de son père, Sigebert Ier, par deux esclaves de Frédégonde.
En réalité, sa mère, la reine Brunehilde assuma l’essentiel du pouvoir jusqu’à sa mort. La majorité de Childebert fut proclamée une première fois en 585, puis lors du pacte d’Andelot en 587. Grâce à ce pacte, il hérita de la Bourgogne et de l’Orléanais, après avoir été adopté par son oncle, le roi Gontran. Pratiquant une politique d’alliance avec les Byzantins contre les Lombards d’Italie, Childebert mena les dernières expéditions austrasiennes dans cette région. Il est aussi connu pour avoir complété la loi salique par un décret.
Childebert II mourut empoisonné avec son épouse, en 596, à 25 ans, probablement par sa tante Frédégonde.

Childebert II et le vin
Le roi Childebert décida de la construction d’un château à Kirchheim, situé à l’est de Strasbourg, qui devint une résidence royale des rois mérovingiens. Il acquit des terres aux alentours, dont certaines propices à la culture et au développement de la vigne. Il intia une tendance, encore aujourd’hui d’actualité qui pousse les puissants à posséder des vignes. Il est également connu pour son goût du vin, comme le mentionne Grégoire de Tours, évêque de Tours et principal historien des Mérovingiens et de l’Auvergne dans Les Vies des Saints.

Les vins de Childebert II
Certains sont encore imprégnés du passage de Childebert II.

Alsace Grand Cru Steinklotz (Riesling / Pinot Gris / Gewurztraminer)
Il possédait des vignes à Marlenheim, village à coté de Kirchheim, et plus particulièrement sur le cru du Steinklotz, comme le rapporte Grégoire de Tours en 589. Cela constitue le témoignage écrit le plus ancien sur le vin en Alsace.

Alsace Sonnenberg Riesling
Alsace Westerwingarten Riesling

Ces terroirs qui ne sont pas reconnus comme Grands Crus sont mentionnés par des producteurs, notamment sur des Rieslings. Ils sont situés aux alentours de Kirchheim. On peut supposer que des vignes furent plantées sur ce terroir afin d’alimenter la résidence royale érigée par Childebert II.

Vins de pays de la Meuse
CĂ´tes de Toul

Ces vins sont évoqués indirectement dans un épisode religieux. Selon les Vies des Saints de Grégoire de Tours, Saint-Airy, évêque de Verdun, remplissait les tonneaux au fur et à mesure qu’on les vidait pour honorer Childebert II. Ce n’est pas sans rappeller, bien sûr, l’épisode des Noces de Cana du Nouveau Testament
Cet épisode montre aussi que le vin à l’époque de la christianisation de l’Europe est symbole de puissance.

http://www.findawine.com
La vérité est dans la bouteille ..( Lao Tseu )
Avatar de l’utilisateur
Jean-Pierre NIEUDAN
 
Messages: 9664
Inscrit le: Mer 24 Oct 2007 10:23
Localisation: Hautes Pyrénées

Re: Vin et Histoire

Messagepar Christian Rausis » Lun 16 FĂ©v 2009 20:27

Il condamnait en outre l’ivresse car elle nuit à la santé et à l’esprit dont elle « fait déborder les plus intimes secrets » (


Je préfère Baudelaire !!

"Il faut être toujours ivre. Tout est là : c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise, Mais enivrez-vous. Et si quelquefois, sur les marches d'un palais, sur l'herbe verte d'un fossé , dans la solitude morne de votre chambre, vous vous réveillez, l'ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l'étoile, à l'oiseau, à l'horloge, à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est; et le vent, la vague, l'étoile, l'oiseau, l'horloge, vous répondront : "Il est l'heure de s'enivrer! Pour n'être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous. Enivrez-vous sans cesse ! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise
."


Charles Baudelaire
Christian Rausis
Avatar de l’utilisateur
Christian Rausis
 
Messages: 3732
Inscrit le: Sam 8 Déc 2007 14:04
Localisation: Valais

Re: Vin et Histoire

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Lun 16 FĂ©v 2009 21:43

Alons nous recréer le cercle des poètes disparus ?

jpierre Image
La vérité est dans la bouteille ..( Lao Tseu )
Avatar de l’utilisateur
Jean-Pierre NIEUDAN
 
Messages: 9664
Inscrit le: Mer 24 Oct 2007 10:23
Localisation: Hautes Pyrénées

Re: Vin et Histoire

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Mer 29 Avr 2009 17:26

Colette, les mots du vin

Après quatre articles consacrés aux hommes dans cette série de personnages historiques appréciant la vigne et son nectar, voici enfin la première femme ! La romancière Colette témoigna de sa passion pour le vin dans ses ouvrages évoquant sa vie personnelle. Cela marqua le début d’une libération où les femmes pouvaient jouir du vin et s’occuper de leur destinée.

Sidonie Gabrielle Colette, dite Colette, est une romancière française, auteur d’œuvres d’inspiration autobiographique. Elle y évoque en effet les événements de sa vie et ses fantasmes. Elle apporta au fur et à mesure de ses romans une attention de plus en plus précise à la justesse des mots, particulièrement lorsqu’ils sont chargés d’exprimer l’effusion dans la nature, ainsi qu’une sensualité librement épanouie pour revendiquer les droits de la femme sur l’homme, mais aussi ceux de la chair sur l’esprit. Elle témoigna d’un féminisme d’avant-garde mais aussi d’un hédonisme passionné.

Colette et le vin

Dans l’expression des plaisirs de la chair, Colette accorda aux plaisirs du vin une place de premier ordre. Elle fut en effet initiée au vin dès sa plus tendre enfance passée à Saint-Sauveur-en-Puisaye dans l’Yonne. Elle l’évoque dans son ouvrage “En Pays Connu” :
“À l’âge où l’on lit à peine, j’épelai, goutte à goutte, des bordeaux rouges anciens et légers, d’éblouissants Yquem. Le champagne passa à son tour, murmure d’écume, perles d’air bondissantes ; à travers des banquets d’anniversaires et de première communion, il arrosa les truffes grises de la Puisaye… Bonnes études, d’où je me haussais à l’usage familier et discret du vin, non point avalé goulûment, mais mesuré dans des verres étroits à gorgées espacées, réfléchies. ” Colette, à la vie mouvementée et aux nombreux maris et amants, évoqua également dans ses ouvrages ses rencontres avec la vigne, fit partager ses coups de cœur et donna des conseils gustatifs et culinaires.
Comme ses homologues Montaigne ou Rabelais, quatre siècles plus tôt, Colette donna vraiment ses lettres de noblesse au vin avec, cette fois-ci, une sensibilité toute féminine. Des appellations et vins précis sont en relation avec chacune de ces thématiques. Je citerai ici les principaux.

Les vins de Colette

1. Les vins dans l’éducation de Colette

Eduquée dans l’Yonne , elle fut initiée aux vins de Bourgogne , mais aussi aux vins du Sud-Ouest , région de son père , et aux plus grands crus bordelais .

Jurançon
“Je fis, adolescente, la rencontre d’un prince enflammé, impétueux, traître comme tous les grands séducteurs : le Jurançon. Ces six flacons me donnèrent la curiosité de leur pays d’origine plus que n’eût fait un professeur. “ “Nouvelles”

Muscat de Frontignan
“J’ai été très bien élevée. Pour preuve première d’une affirmation aussi catégorique, je dirais que je n’avais pas plus de trois ans lorsque mon père, partisan des méthodes progressives, me donna à boire un plein verre à liqueur d’un vin mordoré envoyé de son pays natal : le muscat de Frontignan. Coup de soleil, choc voluptueux, illumination des papilles neuves ! Ce sacre me rendit à jamais digne du vin. Un peu plus tard, j’appris à vider mon gobelet de vin chaud, aromatisé de cannelle et de citron, en dînant de châtaignes bouillies.” “Prisons et Paradis” (1932)

Corton
Chambertin
Pauillac : Château-Lafite
St-Julien : Château-Larose

“C’est entre la onzième et la quinzième année que se parfit un si beau programme éducatif. Ma mère craignait qu’en grandissant, je ne prisse les “pâles couleurs”. Une à une, elle déterra, de leur sable sec, des bouteilles qui vieillissaient sous notre maison, dans une cave - elle est Dieu merci intacte - minée à même un bon granit. J’envie, quand j’y pense, la gamine privilégiée que je fus. Pour accommoder au retour de l’école les encas modestes (…), j’eus des Château-Larose, des Château-Lafite, des Chambertin et des Corton qui avaient échappé en 70 aux “Prussiens”. Certains vins défaillaient, pâlis et parfumés encore comme la rose morte ; ils reposaient sur une lie de tannin qui teignait la bouteille, mais la plupart gardaient leur ardeur distinguée, leur vertu roborative. Le bon temps ! J’ai tari le plus fin de la cave paternelle, godet à godet, délicatement… Ma mère rebouchait la bouteille entamée, et contemplait sur mes joues la gloire du vin français. “ “Prisons et Paradis” (1932)

2. Ses rencontres avec la vigne

Brouilly
En septembre 1947, à la fin de “cet été furieux, interminable” d’où allait naître un très grand millésime, Colette est à Odenas (Brouilly), au cuvage du château de la Chaize.
“Les grandes portes rabattues, le Cru semblait retiré à même une grotte et, de son haut plafond, il me jeta ensemble une chape glacée d’air immobile, la divine et boueuse odeur des raisins foulés et le bourdonnement de leur ébullition. Cent mètres de voûtes s’étoilaient de lampes, les cuves rejetaient par-dessus leurs bords les baves roses en longs festons : l’âme du vin nouveau, lourde, à peine née, impure…” “Le Fanal Bleu” (1949)

Nuits-Saint-Georges
Colette aimait s’attarder dans les caves, notamment à Nuits-Saint-Georges.
“Autour de nous règnent les sons amortis, le calme et ce luxe suprême, bientôt inaccessible à notre existence : la lenteur réfléchie, la mesure. Au-dehors, la bise elle-même galope, la route se couvre d’automobiles, le téléphone grelotte sans trêve. Mais au chevet du vin cloitré, le temps s’endort et peut-être que nous cessons, un moment, de vieillir.” “Prisons et Paradis” (1932)

Bourgogne
Elle évoque un vigneron bourguignon, volubile à propos de son vin, dans “Prisons et Paradis” (1932).
“Nous faisons visite, aujourd’hui, à la dissidente qui affronte le Cru, à la Firme qui vend du vin bourguignon : “Analysez-moi, goûtez-moi, dit-elle. Mes vins charrient l’or et le rubis classiques ; ils sont purs de mésalliance (…). J’amasse des vins qui sont originaires des vignobles de Bourgogne. Je groupe, fidèles et épars, des cadets généreux que le Cru, lorsqu’il ne les réquisitionne pas, traite de bâtards sans honneur (…). On trouvera que je traduis, que je résume en des termes tant soit peu lyriques. Mais comment parler froidement, quand il s’agit d’une gloire nationale, du vin de Bourgogne ? ”

3. Ses coups de cœur

Champagne : Pommery
Quelle plus belle promotion du champagne Pommery que ces mots dans “Chéri” (1920) ?
“Murmure d’écume, perles d’air bondissantes, à travers les banquets d’anniversaires et de première communion.”

Pauillac : Mouton-Rothschild
Colette reçut pour ses 75 ans une bouteille de Château Mouton Rothschild 1873, année de sa naissance. Elle en fit le commentaire suivant dans“Le Fanal Bleu” (1949) :
“On l’a tenue couchée, comme moi, jusqu’au dîner du 28 janvier, et ma foi, comme à moi, il lui restait quelque feu, une couleur atténuée, une bonne odeur de violettes, et le vin de Mouton qu’elle m’apportait doucement sur sa lie, d’où nous l’éveillâmes, pleins de gratitude et de précaution.”

Asti, Vin d’Asti
Colette s’émerveille aussi devant ce vin blanc italien, deuxième en production derrière le Chianti. Ce vin est légèrement pétillant.
“L’ardeur musquée et traîtresse du vin d’Asti se propage en chaleur naissante à l’ourlet de mes oreilles, en soif renaissante de ma gorge. Je tends mon verre et je bois plus lentement, les yeux mi-fermés de délice. (…) Pour moi qui ne bois jamais que de l’eau à la maison, je constate des phénomènes inouïs : un treillis léger et vaporeux monte de la table, nimbe les lustres, recule les objets et les rapproche tour à tour. ” ” Claudine à Paris” (1901)

4. Ses conseils

Mercurey
Colette invite à l’association des truffes et du Mercurey dans “Prisons et Paradis” (1932).
“Ne mangez pas la truffe sans boire. À défaut d’un grand ancêtre bourguignon au sang généreux, ayez quelque Mercurey festif et velouté tout ensemble. Et buvez peu, s’il vous plaît. On dit dans mon pays natal, que pendant un bon repas, on n’a pas soif, mais bien faim de boire.”

Champagne
Grande amatrice de champagne, Colette suggère la façon la plus appropriée de le boire.
“Le champagne ne se boit pas, il se déguste. Il ne faut pas l’avaler goulûment. On doit le déguster avec mesure dans des verres étroits, à gorgées espacées et réfléchies.” “Prisons et Paradis” (1932)

Vouvray Sec
Champagne Sec

L’écrivaine indique dans “Chéri” (1920) plusieurs associations de mets pour les vins effervescents.
“Léa darda autour d’elle d’un œil assuré, qu’on ne trompait presque jamais, et déjeuna dans une solitude joyeuse, souriant au Vouvray sec et aux fraises de juin servies avec leurs queues sur un plat de Rubelles, vert comme une rainette mouillée.”
” Son dîner de poisson fin et de pâtisseries fut une récréation. Elle remplaça le bordeaux par un champagne sec et fredonna en quittant la table.”

Marc de Bourgogne
Colette a promu dans ses œuvres une cuisine authentique mettant en valeur le produit. Elle s’insurge dès lors contre l’ajout d’eau-de-vie dans les plats et desserts.
“Si je dois poursuivre le plaidoyer que j’entreprends pour la vraie cuisine, simple, ancienne, réfléchie, j’aurais sujet de dire, sauf à de rares exceptions, elle écarte de tout ce qu’elle élabore, la brutalité de l’alcool : que la tarte à l’abricot, arrosée d’eau-de-vie est œuvre du démon, que le bœuf-mode dont l’arrière-goût révèle l’adjonction de marc de Bourgogne est une hérésie.” Paysages et Portrait

CĂ´te de Provence Blanc
Vin de pays du Var
Armagnac

Elle nous fait part d’une de ses expériences culinaires associant Armagnac et Côte de Provence : le vin d’orange.
« Il date d’une année où les oranges, du côté d’Hyères, furent belles et mûries au rouge. Dans quatre litres de vin de Cavalaire, sec, jaune, je versai un litre d’Armagnac fort honnête, et mes amis de se récrier :”Quel massacre ! Une eau-de-vie de si bon goût ! La sacrifier à un ratafia imbuvable !”. Au milieu des cris, je coupai, je noyai quatre oranges coupées en lames, un citron qui pendait le moment d’avant, au bout de sa branche, un bâton de vanille argenté comme un vieillard, six cents grammes de sucre de canne. Un bocal ventru, bouché de liège et de linge, se chargea de la macération, qui dura cinquante jours ; je n’eus plus qu’à filtrer et mettre en bouteilles. » 38,5°C

Sauternes : Château Yquem
Finissons cet article sur ce célèbre vin que Colette, à la fin de sa vie, utilisait comme “remède” pour compenser ses fréquents excès de table. Le vin était devenu médicament, après avoir accompagné toute sa vie et son inspiration artistique.

http://www.findawine.com
La vérité est dans la bouteille ..( Lao Tseu )
Avatar de l’utilisateur
Jean-Pierre NIEUDAN
 
Messages: 9664
Inscrit le: Mer 24 Oct 2007 10:23
Localisation: Hautes Pyrénées

Re: Vin et Histoire

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Jeu 30 Avr 2009 22:52

Henri IV (1553-1610), roi du vin

Sans doute aucun roi de France n’a apprécié le vin et sa diversité autant que ne l’a fait Henri IV. Il est alors logique de lui décerner le titre de roi du vin et de lui consacrer ces lignes.

Henri IV, né Henri de Bourbon, fut roi de Navarre puis roi de France (1589-1610), premier souverain français de la branche dite de Bourbon de la dynastie capétienne.
Avant d’être couronné roi de France, il fut d’abord lourdement impliqué dans les guerres de religion en tant que prince de sang et chef protestant.
Il fit en fait au cours de sa vie des allers-retours entre les confessions catholique et protestante tout comme entre sa terre natale, la Guyenne, son château de Nérac, et Paris. A la mort d’Henri III, dernier roi Valois, en vertu de la loi salique et en tant que descendant de Louis IX, il fut le successeur naturel au trône. Après moult négociations et sa conversion définitive au catholicisme, il fut couronné roi de France à Chartres en 1593. En 1598, Il signa l’Édit de Nantes, le premier traité de paix autorisant la liberté de culte pour les protestants, qui mit fin pendant deux décennies aux guerres de religion.
S’ensuivit alors une période de paix et de reconstruction qui permit de renflouer les caisses. Fragilisé à la fin de sa vie par de nouvelles tensions entre protestants et catholiques, il mourut assassiné le 14 mai 1610 par un fanatique, François Ravaillac.

Henri IV et le vin
« Paris vaut bien une messe » aurait prononcé Henri IV lors de sa conversion au catholicisme. Si la foi du futur roi était incertaine, il n’a jamais rechigné sur le vin accompagnant la messe. Cette attitude avait sans doute pour origine son baptême car, selon la légende, il aurait été baptisé avec une gousse d’ail et une goutte de vin de Jurançon. C’était plus généralement un amoureux de la vie, multipliant les conquêtes féminines, menant grand train de vie et mangeant à foison; il fit même de la poule au pot le plat national.
Henri IV célébra alors de nombreux vins, avec parfois des arrière-pensées politiques. A noter toutefois une préférence pour les vins blancs.

La cave d’Henri IV

Jurançon
Le grand-père du futur Henri IV, Henri II de Navarre, acheta des vignes en 1552 près du château de Coarraze se trouvant sur l’actuel vignoble de Jurançon. Le petit Henri aurait été baptisé dans une carapace de tortue avec une goutte de ce vin. Le Jurançon est alors devenu le vin d’Henri IV, ce que les viticulteurs de Jurançon revendiquent encore aujourd’hui.

Buzet
Lors de son séjour à Nérac, celui qui se nommait alors Henri III de Navarre menait bon train de vie en terre protestante, ce qui lui valait les reproches des pasteurs. Il profitait ainsi du vin local, situé sur l’aire d’appellation de Buzet.

CĂ´teaux du VendĂ´mois
Jasnières

Henri IV possédait des vignes à Prépatour près de Vendôme sur l’aire d’appellation de Jasnières. Il fit de son propre vin de « Surin », vin de cépage sauvignon, un concurrent du Jurançon dans les caves de son château de St-Germain-En-Laye. Ainsi les appellations de la vallée du Loir peuvent être reconnues comme les vins d’Henri IV. De plus, ce fut dans cette vallée que le futur roi renforça sa légitimité par la prise de Vendôme en 1589 où il veilla à ce que les églises restèrent intactes et à ce que les habitants ne souffrirent pas du passage de son armée.

Les sauvignons du Val de Loire

CĂ´teaux du Giennois
Ménetou-Salon
Pouilly-Fumé
Pouilly sur Loire
Quincy
Reuilly
Sancerre

Henri IV affectionnait plus généralement le vin blanc de « Surin » ou de « Surène » correspondant au vin de cépage sauvignon produit en Val de Loire. Ce vin n’avait rien à voir avec le vin de Suresnes, produit naguère dans la ville jouxtant Paris.
Le fait que le roi appréciait le vin du Val de Loire avait aussi une portée politique car, suite à la prise de Vendôme, les villes du Val de Loire se rendirent sans combattre.

Cotes du Vivarais
Henri IV, après son couronnement, avait la volonté de reconstruire le pays épuisé par plusieurs guerres de religion. Il tenta de réunir les hommes les plus compétents du royaume quelle que soit leur confession. Il appela ainsi Olivier de Serres, gentilhomme protestant qui avait transformé son domaine du Pradel sur les côtes du Vivarais en une véritable ferme expérimentale. Il devint le conseiller de Sully sur les questions d’agriculture et fit paraître, en 1600, Théatre d’agriculture et Mesnage des Champs dans lequel il est notamment question des caractéristiques des cépages et de la qualité des vins.

Givry
Des archives relèvent que Henri IV appréciait le vin de Givry, vin de Bourgogne, durant son règne.

Château-Chalon
Ce grand vin du Jura fut en libre accès à la Cour de France à partir de 1559 (Traité de Cateau-Cambrésis). Henri IV en fit un vin d’honneur une fois les guerres de religion terminées.

http://www.findawine.com
La vérité est dans la bouteille ..( Lao Tseu )
Avatar de l’utilisateur
Jean-Pierre NIEUDAN
 
Messages: 9664
Inscrit le: Mer 24 Oct 2007 10:23
Localisation: Hautes Pyrénées

Re: Vin et Histoire

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Jeu 7 Mai 2009 16:31

Luc de Conti : Château Tour des Gendres ?

Je ne connais pas la réponse :oops:
La vérité est dans la bouteille ..( Lao Tseu )
Avatar de l’utilisateur
Jean-Pierre NIEUDAN
 
Messages: 9664
Inscrit le: Mer 24 Oct 2007 10:23
Localisation: Hautes Pyrénées

Re: Vin et Histoire

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Jeu 7 Mai 2009 18:36

Comment est née l'idée de vinifier des vins liquoreux dans le Bergeracois ?

je ne sais , mais il me semble que la mode du Monbazillac fut lancée aux Pays-Bas par les Huguenots bergeracois qui s'y exilèrent à la suite de révocation de l'Edit de Nantes .
La vérité est dans la bouteille ..( Lao Tseu )
Avatar de l’utilisateur
Jean-Pierre NIEUDAN
 
Messages: 9664
Inscrit le: Mer 24 Oct 2007 10:23
Localisation: Hautes Pyrénées

Re: Vin et Histoire

Messagepar StĂ©phane VILLETTE » Jeu 7 Mai 2009 21:15

C'est à cause, ou grâce aux moines bénédictins (1080), ces derniers ne voulant perdre une récolte laissée en "pourriture noble", sans le savoir, qu'il découvrir découvrir les qualités de ces raisins.

Ensuite (à la fin du XVII), les vins sont exportés, notamment en hollande ?

Isa, tu auras certainement eu des informations complémentaires et plus romantiques de la part de Luc de Conti ! ;)

@micalement.

Stéphane.
"La vie ce n'est pas d'attendre que les orages passent, c'est d'apprendre comment danser sous la pluie."
Avatar de l’utilisateur
Stéphane VILLETTE
 
Messages: 2768
Inscrit le: Jeu 18 Oct 2007 16:18
Localisation: Périgueux (France)

Re: Vin et Histoire

Messagepar StĂ©phane VILLETTE » Jeu 7 Mai 2009 22:51

Ah tiens donc, c'est pourtant ce qu'il raconte au Comité des vins de Bergerac !? :o

Que t'as dit Luc, alors ? :roll:

@micalement.

Stéphane.
"La vie ce n'est pas d'attendre que les orages passent, c'est d'apprendre comment danser sous la pluie."
Avatar de l’utilisateur
Stéphane VILLETTE
 
Messages: 2768
Inscrit le: Jeu 18 Oct 2007 16:18
Localisation: Périgueux (France)

Re: Vin et Histoire

Messagepar StĂ©phane VILLETTE » Jeu 7 Mai 2009 23:02

Ah, ah, alors là, j'attends ton récit avec impatience ! :)
"La vie ce n'est pas d'attendre que les orages passent, c'est d'apprendre comment danser sous la pluie."
Avatar de l’utilisateur
Stéphane VILLETTE
 
Messages: 2768
Inscrit le: Jeu 18 Oct 2007 16:18
Localisation: Périgueux (France)

Re: Vin et Histoire

Messagepar Christian Rausis » Dim 10 Mai 2009 15:06

Et mes CRs, vous ne les aurez pas!
méchante !

Enfin... si! Mais pas tout de suite
sadique !

Christian "je mentais"
Christian Rausis
Avatar de l’utilisateur
Christian Rausis
 
Messages: 3732
Inscrit le: Sam 8 Déc 2007 14:04
Localisation: Valais


Retour vers Histoire de vin

Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit and 11 invités


cron