Double A ou l'histoire, à Lugon (33), d'une cuvée très spéciale de 1 200 bouteilles avec... 1 200 étiquettes uniques. Quel dessein !
C'est une histoire comme la planète vin sait en enfanter. Une histoire d'idées, d'idéaux et même d'idéogrammes, née à Shanghai, mûrie à Singapour, éclose sur les rives de la Dordogne. Double A - c'est le nom de la cuvée -, c'est enfin l'histoire de copains. Deux A, comme amis et associés. Ceux de Frédéric Mallier et de sa femme Fabienne, maîtres des lieux, en l'occurrence la Vieille Chapelle, bâtisse du XIIe siècle rachetée en 2006 après qu'ils eurent cherché pendant quinze années le terroir qui allait féconder leur rêve.
Leur rêve ? Produire un vin. Leur vin. Un Château de la Vieille Chapelle dans le classicisme bordelais, mais aussi et surtout un MB, comme Merlots de Baudet, du nom de l'homme qui planta les vignes, et un GB, comme grands blancs, 100 % sémillon, tous deux vinifiés en barrique et déjà distingués par le meilleur sommelier du monde, Andreas Larsson, le Guide Hachette et les dégustateurs Bettane et Desseauve. La Vieille Chapelle, qui vendait jusqu'en 2006 la totalité de son vin en vrac, a changé d'époque.
Passer l'écrit
Alors, comme Frédéric Mallier, 45 ans, n'est pas homme à ne pas persévérer, il s'est dit qu'il fallait sortir le meilleur des 7 hectares de ce terroir argilo-calcaire. Et réaliser sans tarder une cuvée d'exception. Il fallait aussi tenter ce que d'autres n'avaient pas fait. C'est là qu'Olivier Dauga, le consultant qui décoiffe, a apporté sa touche : l'étiquette unique. « On a lancé cette idée et... ils l'ont fait ! » Car c'est bien connu, comme l'écrivait Pierre Veilletet dans « Le Vin, leçon de choses », « avant de passer l'oral, un vin doit réussir l'écrit ». Là , les Mallier décrochent l'épreuve avec mention. Leur cuvée Double A proposera à chacun de ses acheteurs une étiquette que personne d'autre ne possédera ! 1 200 cols avec chacun une présentation différente...
Évidemment, explique Frédéric Mallier, « on a cherché du bon papier qui résiste à la colle, à l'encre, au feutre ou au crayon ». Et chacun s'est mis au chevalet. Près de 500 amis et associés ont déjà adressé leur création. « Grain noble, respect ! » peut-on lire sur l'une des bouteilles. Le dessin est d'une amie de Marion Merker, commerciale à la Vieille Chapelle.
« Qui me voit me boit »
Marion, elle, pense déjà à la Saint-Valentin et a osé un coeur kitsch surmonté d'un « Je t'aime forever ». À 35 euros l'unité, l'acheteur de ce 100 % merlot pourra déclarer sa flamme comme aucun autre ne le fera. « C'est bon le vin », affiche une autre bouteille signée de Gabriel, 9 ans, qui ne craint pas encore d'être poursuivi par l'Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie, concurrencé dans l'aphorisme par sa soeur, Rebecca, 17 ans : « Qui me voit me boit. »
Sur 500 étiquettes déjà réalisées, chacun y va de sa déclaration, de son coup de crayon qui est d'abord un coup de coeur. Frédéric Mallier a osé. « C'est un concept détonant pour Bordeaux, reconnaît-il, mais à l'intérieur c'est aussi un concept de qualité. » Ce qu'on ne croyait possible qu'en Languedoc le devient aux portes de Bordeaux. L'enjeu n'est pas ailleurs : montrer qu'à côté des grands crus classés, Bordeaux sait aussi sortir du classicisme sans renier sa qualité.
Château de la Vieille Chapelle, 33240 Lugon-et-l'Île-du-Carnay. http://www.chateau-de-la-vieille-chapelle.com.
Vins à la propriété de 6,50 à 14 euros . Cuvée spéciale Double A à 35 euros la bouteille.
http://www.sudouest.com