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[Jean-Pierre NIEUDAN]

Depuis 2001, les ventes de champagne ne cessent d'augmenter au Japon. Il serait là-bas considéré comme plus léger que les autres vins et meilleur pour la santé.

« Ce sont les Japonaises qui ont fait le succès du champagne », affirme, enthousiaste, Didier Depond, président des champagnes Salon et Delamotte. Alors que les Etats-Unis, qui restent néanmoins le deuxième consommateur de champagne (après la Grande-Bretagne, avec près de 40 millions de bouteilles), ont commandé moins de bouteilles que l'an passé, le Japon continue son ascension (+14,4 %) et s'inscrit au sixième rang des consommateurs dans le monde (avec un peu plus de 9 millions de bouteilles). A côté, donc, du marché traditionnel, toujours florissant, apparaissent de nouveaux adeptes. Dans certains pays, c'est même exponentiel : la Russie enregistre une progression de 41 % en un an, la Roumanie, tout juste entrée dans l'UE, de 129 %, la Slovaquie a multiplié sa consommation par 11, la Lituanie par 7, la Hongrie, l'Estonie, la Lettonie, la Slovénie et la République tchèque par 3.

Mais le Japon consomme déjà beaucoup de champagne depuis plus longtemps. Alors que Russes et Chinois affichent leur réussite en buvant de grandes marques, les Japonais ne fonctionnent pas comme des nouveaux riches. Le luxe pour eux est ailleurs, du côté du raffinement et de la santé. Alors que le champagne se vend de plus en plus en gros volumes-magnum ou mathusalem-dans les boîtes de nuit branchées, la demi-bouteille, peu consommée en général, est très demandée au Japon. « C'est normal, poursuit Didier Depond, pour lequel le Japon est le premier marché. Les Japonais boivent souvent seuls. A l'heure du déjeuner, par exemple, les femmes se rendent seules au restaurant et elles peuvent commander une demi-bouteille sans problème. » Contrairement aux pays émergents, qui le considèrent comme un attribut du luxe, le Japon est plus exigeant et sophistiqué et perçoit le champagne comme un vin, mais avec un petit plus, celui de la légèreté, ce qui fait évidemment toute la différence.

Au milieu des années 90, les Japonaises avaient découvert le French paradox et les bienfaits du vin rouge, faisant décoller les ventes ; elles ont cette fois adopté les bulles de champagne et ses vertus, faisant grimper aussitôt les chiffres des Champenois. Didier Depond se rend quatre fois par an au Japon depuis dix ans et reste toujours impressionné par l'hystérie des Japonaises par rapport au champagne : « Pour elles, Salon est une icône ! Quand on organise des dîners, vous ne me croirez pas, mais je suis le seul homme au milieu de 80 Japonaises. Ce sont elles qui tiennent les cordons de la bourse et donnent leur argent de poche aux hommes. Elles me demandent de signer non seulement les bouteilles pleines ou vides, mais aussi les menus et même leurs porte-monnaie Hermès ou Vuitton ! »

Hors de l'Europe, avec les Brésiliens, les Japonais sont sans doute ceux qui connaissent le mieux le champagne dans le monde. Ils aiment la culture de la région, mais cela ne les empêche pas d'être de francs buveurs... Clovis Taittinger, président du champagne homonyme, revient du Brésil, le marché le plus important d'Amérique du Sud pour le champagne : « Le Brésil a en lui tous les ingrédients d'un pays qui pétille. Il n'y a pas un événement qui ne soit fêté sans champagne, mais, même si on sent une progression des ventes, elle est ralentie par les taxes énormes, de 80 à 85 %, sur les droits d'importation. » Et même si la Brésilienne sait faire la fête, elle n'adule pas le champagne comme la Japonaise !

Les chiffres sont fournis par le Comité interprofessionnel des vins de Champagne.

Laure Gasparotto : http://www.lepoint.fr