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Vendanges tardives : un travail délicat

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Sam 6 Déc 2008 22:37

Les vendanges sont terminées même dans les liquoreux. Seuls quelques producteurs viennent à peine de rentrer leurs dernières baies atteintes de pourriture noble.

L'élaboration des vins liquoreux est une affaire de patience, surtout lorsque les conditions ne s'y prêtent pas. Les grandes appellations spécialisées dans les liquoreux telles que Sauternes et Coteaux du Layon ont ramassé, en petites quantités, leurs raisins plus ou moins botrytisés en octobre, un rien plus tard que les rouges des mêmes régions. Leurs terroirs le permettent, cette régularité leur valant d'être des appellations exclusivement en liquoreux. Les sauternes et barsac ont ainsi produit cette année un très beau millésime qui ne vaut certes pas 2001, mais s'en rapproche.

Restent les autres, ceux qui élaborent les liquoreux uniquement lorsque les conditions s'y prêtent, ce qui n'est pas forcément le cas de 2008. L'Alsace est la région qui a le plus encadré ­cette pratique avec deux mentions, les vendanges tardives et les sélections de grains nobles. Sous la houlette de Jean Hugel de la maison Hugel, les textes qui datent de 1983 imposent non seulement des vendanges effectivement tardives, au moins quinze jours plus tard que les normales, mais aussi des conditions de productions très strictes.

Un haut niveau de notoriété

Parmi ces conditions, le contrôle effectif le jour même de la vendange, tant en volume qu'en richesse, par un inspecteur de l'Institut des appellations d'origine, évite toute manipulation ultérieure comme la chaptalisation. Les bouteilles produites passent ensuite dix-huit mois plus tard à l'aveugle devant une commission de dégustation qui donnera la mention définitive, mais n'hésitera pas à déclasser toute bouteille qui n'est pas au niveau. Résultat, ces mentions «vendanges tardives» et «sélections de grains nobles» ont atteint un haut niveau de noto­riété. Bien des régions souhaiteraient les utiliser, mais dès qu'il s'agit de se couler dans les mêmes contraintes, les candidatures s'évanouissent.

L'année 2008 illustre la difficulté de produire des vins liquoreux, c'est-à-dire d'obtenir la pourriture noble. La pourriture, elle, ne manque pas, surtout en 2008. «La pourriture grise s'est installée très tôt sur des raisins pas mûrs et il a fallu l'éliminer», précise Marc Beyer, qui est un des plus grands spécialistes de ce type de vins. «La fraîcheur s'est ensuite installée, gardant l'état sanitaire très sain, ce qui est parfait pour récolter de beaux raisins et élaborer de grands vins secs.» La plupart des producteurs se sont arrêtés là, trop contents d'entrer une belle récolte dans une année difficile.

Quelques risque-tout - avec ­au premier rang Seppi Landmann, ­un joyeux drille mais aussi une ­forte tête du sud de l'Alsace à ­Soultzmatt - continuent l'aven­ture : «Avec beaucoup de patience, nous avons pu récolter, en ­toute petite quantité, des gewurztraminers et des pinots gris en sélection de grains nobles et même des rieslings en vendange tardive, au prix de pertes énormes.» Pour Pierre Rolly-Gassmann, à Rorschwihr, c'est également «une grande aventure avec les risques qu'elle comporte».

La quadrature du cercle

Mais pourquoi cette quête de la pourriture noble ? Seules des conditions atmosphériques très précises permettront de muter l'affreuse pourriture grise en belle pourriture noble. Il faut non seulement des conditions humides pour déclencher la pourriture, mais surtout ensuite du beau temps pour la stopper, le tout sur un raisin déjà très mûr. Le champignon responsable de cette pourriture, le Botrytis cinerea, pompe alors l'eau du raisin pour se nourrir, concentrant à la fois les sucres, mais aussi les acides, en lui injectant en passant un antibiotique, la botryticine, qui préserve son garde-manger en bonne condition.

Pour produire un beau vin liquoreux, il faut résoudre une quadrature du cercle, obtenir à la fois un raisin mûr, mais aussi acide. Or, comme dans tous les fruits, lorsque le sucre se concentre, l'acidité chute. La pourriture noble est un moyen pour résoudre cette équation qui seule permettra d'obtenir des vins liquoreux sans lourdeur. Mais elle n'est pas la seule. Il est aussi possible de laisser dessécher le raisin à la manière des rares vins de paille comme dans le Jura ou dans l'Hermitage ou encore d'attendre un froid très intense.

À - 7 °C, l'eau du raisin gèle. Il faut alors cueillir le raisin et le presser immédiatement sans laisser dégeler. Cette méthode, dite du vin de glace, se pratique en ­Allemagne et en Alsace. «J'ai encore des raisins dehors !» souligne Seppi Landmann, un des rares habitués de cette performance.

Décidément, il faut être un fou pour produire des grands liquoreux.

Bernard Burtschy http://www.lefigaro.fr
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Jean-Pierre NIEUDAN
 
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