Index du forum Les rubriques Histoire du vin et de la vigne... découvrir le vin, l'aborder, s'informer Histoire de vin

De tout et de rien, du moment que ça parle de vin.

L'osmose inverse : la boite de pandore ?

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Lun 14 Avr 2008 11:07

Voilà un sujet qui ne laisse pas de bois ...

"C’est une technique de concentration des vins rouges. Celà évite de chaptaliser (avec du sucre) ou d'enrichir (avec du moût concentré). Le moût (jus de raisin) est pressé le long de membranes semi-perméables qui laissent passer l'eau mais pas les sucres ni les autres composants du vin.
L'évaporation sous vide, également appelée entropie, consiste à porter le moût à basse pression pour que la température d'ébullition soit la plus faible possible. L'eau s'évapore alors naturellement.

Malheureusement, l'osmose inverse est désormais testée dans nos vignobles français qui, a priori, ne sont pas censés en avoir besoin : les liquoreux, par exemple.

Une mutation que les autorités surveillent de près, mais qui sème le trouble : les Douanes, la Répression des fraudes et l'INAO ne sont pas tous d'accord sur le sujet.
Il est inquiétant que l’on puisse ôter 10 ou 20 % d'eau d'un moût sans qu'aucun compteur posé sur la machine ne témoigne de cette disparition.
L'osmose inverse est quand même surveillée : le prestataire doit faxer à l'administration les noms des producteurs qui ont fait appel à cette technique, qui n'est officiellement qu'une « expérimentation ».

Si on peut enlever l’eau avec cette technique, on peut aussi enlever une partie de l’alcool, et ainsi produire dans des zones géographique complètement inadaptées à la vigne (pays trop chaud), mais avec des coûts de main d’œuvre défiant toute concurrence.

Se pose la question des limites « éthiques » des pratiques œnologiques.
Veut-on industrialiser à l ‘extrême limite la vinification ? Perdre la notion de millésime, de terroir, avec des vins qui s‘uniformisent.

Je ne pense pas que la viticulture française a quelque chose à gagner dans cette fuite en avant technologique. Notre force est notre terroir. Il est adapté à la culture de la vigne, défendons le !" source : Vinopsis

ou :

"En 1989, Cos d’Estournel et Léoville-Las-Cases emploient pour la première fois ce procédé, très controversé mais autorisé en France, d’enrichissement des moûts par méthode soustractive. Le principe est simple : une partie du jus circule, à très haute pression, dans une membrane perméable au travers de laquelle une portion d’eau s’évacue tandis que les molécules aromatiques principales restent dans le moût. Le vin en ressort plus concentré.
Ce procédé, argumente Jean-Guillaume Prats, autorise une salutaire et supplémentaire prise de risque, en vendangeant plus tard et donc en courant le risque de subir la pluie. Si d’aventure la pluie dilue les raisins, l’osmose permettra de débarrasser le vin de ce surcroît d’eau. Le risque est bien évidemment de concentrer aussi les défauts du vin, et une utilisation trop poussée aboutirait à un vin formaté sans aucun caractère propre à son terroir.
Ce principe est en fait analogue à celui utilisé pour la désalinisation de l’eau de mer. En 2000, l’osmose inverse n’est plus employée à Cos d’Estournel. La raison invoquée par Jean-Guillaume Prats est le réchauffement climatique, qui rend sont utilisation superflue. Toutefois, il réfléchit à une autre méthode : l’osmose inverse sur vin vinifié juste avant la mise en bouteille, pour ôter 0,5 à 1° d’alcool.

On peut parfaitement considérer que ces procédés vont trop loin, et que le vin perd une partie de sa personnalité en subissant ce traitement. Mais il faut souligner l’honnêteté qui est celle de Jean-Guillaume Prats, lorsqu’en directeur pragmatique il explique en toute transparence quels sont à ses yeux les avantages d’une méthode telle que l’osmose inverse, sans s’embarrasser de principes idéologiques trop souvent battus en brèche. " source Oenotropie

J'aimerai avoir l'avis de nos pros ...
La vérité est dans la bouteille ..( Lao Tseu )
Avatar de l’utilisateur
Jean-Pierre NIEUDAN
 
Messages: 9664
Inscrit le: Mer 24 Oct 2007 10:23
Localisation: Hautes Pyrénées

Re: L'osmose inverse : la boite de pandore ?

Messagepar Winemega-Alain » Mar 15 Avr 2008 12:19

Tiens, l'osmose inverse.. voici un sujet qui fait polémique depuis une quinzaine d'années..!
N'étant pas professionnel, mes remarques portent uniquement sur ce que j'ai lu et entendu lors de discussions avec les pros depuis quelques années.

Un chiffre tout d'abord: en 2002, on estimait qu'il y avait 60 osmoseurs à Bordeaux. Ces chiffres avaient été publiés à l'époque par les producteurs d'osmoseurs et recoupés par le journal américain Wine Spectator dans un article publié par Matt Kramer, le rédacteur en chef de le revue. Depuis cet article, qui date maintenant d'il y a quelques années, je n'ai pas eu connaissance d'une mise à jour de ces chiffres.. peut-être sous la pression d'utilisateurs contrariés par l'image quelque peu sulfureuse de ces machines en France?

Le procédé de l'osmose inverse est utilisé dans le but de concentrer le moût après une brève macération pré-fermentaire (tout comme la saignée). Mais l'osmose serait également utile pour diminuer certains défauts tels que la volatilité acétique ou les bretts. Les analyses montrent que l'osmose augmente les niveaux de sucre dans le moût (donc le degré d'alcool potentiel), tout comme l'acidité, les tannins etc.. Les VRP d'osmoseurs affirmant même que le procédé concentrerait la minéralité du moût..! :shock:
Soit.. mais ceci pour dire que l'osmoseur concentre tout.. les qualités comme les défauts! Ce n'est donc pas une recette miracle pour améliorer une matière de mauvaise qualité au départ! Donc clairement, l'osmoseur est à prohiber lorsque les conditions sanitaires de la récolte ne sont pas bonnes (botrytis etc..).

Mais là où l'osmose est peut-être la plus controversée, c'est au niveau de l'élimination de l'alcool. Par exemple, en Australie ou en Californie, l'osmose inverse permet de cueillir des raisins super-ultra-mûrs avec des rendements élevés. Les degrés d'alcool étant naturellement excessifs, cette technique permet facilement d'en diminuer le niveau (d'alcool) et de concentrer le moût. A noter qu'en Europe, la loi ne permet qu'une concentration maximale de 2% en volume, quelle que soit la méthode de concentration utilisée.

A Bordeaux, certains domaines, comme Lynch-Bages par exemple, admettent qu'ils utilisent cette méthode, mais uniquement en cas de pluies lors des vendanges et si le raisin est parfaitement sain. Mais les grands crus n'ont pas tous succombé à la tentation - par exemple Barton ne possèdait pas d'osmoseur (du moins lors de ma visite il y a 3 ans..) car ils voulaient être certains que la méthode ne conduisait pas à un vieillissement prématuré du vin.

Enfin, pour terminer, le procédé ne se limite pas qu'aux rouge. Il arrive par exemple que Fieuzal ou Château Olivier travaillent avec l'osmose inverse sur leur Sémillon et sauvignon. Selon leurs expériences, le principe permettrait de concentrer l'acide tartrique dans le moût, ce qui peut parfois se révéler pratique certaines années où le vin manquerait de fraîcheur.

Mon propre avis est que, utilisée parcimonieusement dans un contexte très précis, l'osmose inverse peut éventuellement permettre de "sauver" un millésime dont les conditions défavorables peu avant la récolte, mettent en péril tout le travail en amont d'une très belle saison. Et pour autant que l'ensemble du processus viti-vinicole ait été bien respecté.
A terme, j'ai cependant quelques doutes sur la faculté de vins osmosés, à pouvoir conserver dans le temps, un équilibre atteint artificiellement par manipulation extractive.

Alain
Alain

Se pencher sur son passé, c'est risquer de tomber dans l'oubli
Avatar de l’utilisateur
Winemega-Alain
 
Messages: 3074
Inscrit le: Ven 26 Oct 2007 00:30
Localisation: Suisse, entre Genève et Lausanne

Re: L'osmose inverse : la boite de pandore ?

Messagepar Winemega-Alain » Mer 16 Avr 2008 08:57

L'osmoseur ne fait plus vraiment partie de la panoplie des vignerons qui souhaitent respecter la nature et le ....millésime.


Oui, probablement..

Historiquement, selon une étude parue dans la revue américaine Wine Business en juin 2000, Lisa Shara Hall mentionne les domaines suivants qui, à partir de 1989, utilisent (ou ONT utilisé, certains affirmant aujourd'hui ne plus en faire usage) le procédé de l'osmose inverse:

- Château Latour
- Léoville las Cases
- Pichon Lalande
- Cos d'Estournel
- Lynch Bages
- Pichon Baron
- Pibran
- Ormes de Pez
- Petit Village
- Nénin
- Angelus
- Fieuzal
- Olivier..

En Bourogne, elle mentionne également le Domaine Boillot à Volnay qui aurait "occasionnellement" utilisé des osmoseurs.

Ceci dit, je comprend parfaitement que certaines propriétés aient testé, puis abandonné le procédé. Il faut dire que les millésimes du début des années 90 avaient souvent besoin d'un petit "remontant".. N'oublions pas que, l'osmoseur concentre tout, même les matières végétales dans les millésimes peu mûrs.!!!!
De tout temps, les grands châteaux ont testé de nouvelles approches / technologies, parfois pour les abandonner quelques années plus tard lorsqu'elles n'étaient pas concluantes.

Ceci dit, cette pratique reste encore très répandue en Californie et en Australie pour les raisons indiquées ci-dessus.. :|

Alain
Alain

Se pencher sur son passé, c'est risquer de tomber dans l'oubli
Avatar de l’utilisateur
Winemega-Alain
 
Messages: 3074
Inscrit le: Ven 26 Oct 2007 00:30
Localisation: Suisse, entre Genève et Lausanne

Re: L'osmose inverse : la boite de pandore ?

Messagepar Patrick G » Mer 16 Avr 2008 20:43

t'as tout à fait raison , rien ne vaut le travail à la vigne.
Je l'ai à Sénéjac depuis 2000, bien évidemment pas à Cornélie et je pense que j'en aurais jamais.

Je m'en suis servi 2 ans: quand tu fais beaucoup pour préparer tes raisins et que le jour où tu te décides à ramasser, tu prends une belle averse. Pas celle de 4 ou 5 mm, mais une de 50 ou 60, le genre qui va servir à te faire gonfler les baies. Tu fais une analyse "maison" et tu t'aperçoies que tu as perdu quasiment 0.5%V, ce qui peut-être énorme. Là l'osmoseur est très intressant, car avec son action tu reviens à ta vendange de départ.

Par contre ce que moi je trouve inapproprié, c'est les propriétés qui systématiquement passe à l'osmoseur tout ce qui rentre.... et y'en a. Certains font du 20%, alors imagines.... J'ai l'impression de ne pas faire le même métier...

Bon ensuite, il peut y avoir de petites interventions, plutôt sur un lot que sur un autre, mais le débat reste grand et c'est pas en une soirée que l'on peut raconter tout ça, parce que j'aurai soif avant :cheers: (ah enfin une bonne parole)

Ne pas oublier par contre que tout ce qui passe doit être à une bonne maturité, sinon, c'est encore moins bon, parce que comme tu l'as précisé avant, ça concentre tout...

bon le repas est prêt et avant qu'elle me mette dans son osmoseur, je vais être à l'heure :bjr:

a+

Patrick
Dernière édition par Patrick G le Jeu 17 Avr 2008 09:33, édité 1 fois au total.
Avatar de l’utilisateur
Patrick G
 
Messages: 570
Inscrit le: Jeu 1 Nov 2007 22:23
Localisation: entre vignes et chais

Re: L'osmose inverse : la boite de pandore ?

Messagepar Winemega-Alain » Jeu 17 Avr 2008 09:04

Merci Patrick de ton témoignage..
A te comprendre, les osmoseurs ne seraient pas encore partout devenus des objets décoratifs.. ;)

Il est vrai que de petites interventions ciblées comme tu les décrit font davantage de sens que de passer 100% de la récolte à l'osmoseur. Ce qui ne doit pas empêcher un travail sérieux à la vigne, bien entendu..

Pat.. lorsque ta douce te passe à l'osmoseur, ça fait aussi baisser le taux d'alcool..? :tubois:

Alain
Alain

Se pencher sur son passé, c'est risquer de tomber dans l'oubli
Avatar de l’utilisateur
Winemega-Alain
 
Messages: 3074
Inscrit le: Ven 26 Oct 2007 00:30
Localisation: Suisse, entre Genève et Lausanne


Retour vers Histoire de vin

Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit and 2 invités


cron