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[Jean-Pierre NIEUDAN]

«Le monde du vin est de plus en plus envahi par le marketing... Attention à bien garder son âme et à le respecter. Soyons transparents et chassons le bla-bla. »

C'était la semaine dernière à Cadillac, au coeur du vignoble des Côtes, au sud de Bordeaux. Olivier Bernard, propriétaire du Domaine de Chevalier, cru classé des Graves, prenait la parole à la suite de la présentation officielle du futur Centre culturel et touristique du vin (CCTV). Un projet ambitieux - 10 000 mètres carrés pour 55 millions d'euros - qui doit voir le jour au nord de la ville, sur les bords de Garonne, au pied d'un futur pont, et ce en 2013. Mené par la mairie, via un large partenariat avec les collectivités locales et les acteurs économiques (CIVB, CCI), ce lieu, qui ambitionne de porter haut le contenu et les valeurs de la civilisation du vin, est encore sans équivalent en France.

Une dérive vers le « creux »

Tout le concept et la scénographie intérieure restant à inventer, Olivier Bernard, en homme de terrain, a voulu tirer la sonnette d'alarme pour éviter que des « créatifs » ne fassent un lieu où l'on rêve plus le vin qu'on ne le vit vraiment. Il est vrai qu'avec l'envolée - et la prospérité - de certains marchés viticoles ces dernières années (cognac, champagne, grands crus bordelais) une dérive s'est produite. Avec une qualité toujours « magnifique » et un terroir ô combien « exceptionnel »... Quand la communication se substitue ainsi à l'information, c'est la porte ouverte au fameux « bla-bla » et à l'ère du « creux ».

« Bien loin des réalités du monde du vin : ses hommes, ses histoires, ses techniques et ses contraintes. Tous les gens qui viennent chez nous veulent comprendre l'envers du décor et aller plus loin que les images d'Épinal sur le secteur », confie un producteur médocain ouvert sur l'oenotourisme. Un mouvement de fond d'ouverture des portes des propriétés représente une chance pour le secteur, en même temps qu'il répond à un vrai besoin chez la clientèle. Si l'attachement au vin est si profond chez les amateurs, chaque jour plus nombreux en France et dans le monde, c'est qu'au-delà du plaisir qu'il peut procurer, il demande à être compris. Et il ne peut l'être « hors sol », avec du « superficiel », comme on produit des tomates sous serre en Andalousie, sans goût et sans saveur. Et si en plus, le bling-bling est de sortie, avec quelques têtes connues qui coupent trois raisins devant les caméras et deviennent dans la foulée prescripteurs de haut vol, on touche alors le fond.

C'est là tout l'enjeu du futur centre bordelais et des multiples autres lieux de découverte du vin. Que ce soit Planète Bordeaux (Beychac), le cloître des Récollets (Bergerac) ou la Maison des vins de Duras (47). Sans compter les multiples propriétés ou négociants qui reçoivent, avec des praticiens qui expliquent et font partager leurs expériences.

Bien loin, par exemple, de nombreuses wineries californiennes où un accueil standardisé, l'achat d'un T-shirt siglé ou d'une tasse design vous fait passer pour un amateur éclairé.

Le factice ne colle pas au secteur viticole et c'est une chance.

César Compadre
http://www.sudouest.com/accueil/actuali ... 67800.html