L’Europe a le vin dans le pif. Après avoir tenté de nous fourguer du vrai faux rosé, la commission européenne voudrait nous faire avaler un drôle de vin bio. Au départ, l’intention est louable. Réglementer enfin le secteur, vu que pour l’instant la seule obligation du viticulteur c’est de fabriquer son vin avec des raisins « bio », et peu importe ce qui est ajouté dans le pinard après.
Sauf qu’il y a un méchant pépin. La première mouture du règlement qui doit être adopté la semaine prochaine autorise tout un tas de pratiques et d’ingrédients pas bio pour un sou, la flash pasteurisation, par exemple. Qu’ès acó ? Vous chauffez votre moût à 113° centigrades en cuve pendant trois minutes. Toutes les levures et les bactéries présentes dans le moût ont tourné de l’œil. Puis vous saupoudrez le nectar avec des levures qui vont refaçonner le goût.
Un peu d’ « IOC Révélation Terroir » dans votre gamay ou votre pinot noir, et vous intensifiez les arômes de fruits noirs et même la couleur. Avec de l’« IOC R 9005 » dans le merlot, vous augmentez la perception tannique. Autre technique dont pourrait profiter le vin bio : l’osmose inverse. Vous faites passer votre pinard à 80 bars sur un nanofiltre qui retient tous les acides organiques, et derechef concentre votre breuvage en sucres.
« Normalement, ce qui fait la qualité du vin bio, c’est le travail dans la vigne et la façon de récolter au bon moment , râle un responsable du Syndicat des Vignerons Indépendants, qui font leur vinification eux-mêmes au lieu de livrer leurs raisins à de grosses coopératives. Si on a de la belle matière, on n’a pas à traficoter derrière pour fabriquer un goût standard adapté au marché ».
Mais ce n’est pas forcément l’avis des négociants et des grosses coopératives qui ont tenu la plume de la Commission, avec dans l’idée de siphonner le marché du vin bio, qui pourrait tripler d’ici à 2015, avec 10% de la production. Et glou, et glou, et glou…
Le Canard Enchaîné N° 4646 du 11 novembre 2009