Une poignée de viticulteurs a sauvé ce vignoble lorrain menacé de disparition dans les années 1960.Il a gagné son AOC en 1998.
Rosé sec tirant sur le gris, avec des saveurs de pierre à fusil, c'était un vin de toile cirée. À boire le soir en rentrant de l'usine. Sans prétentions. Un vignoble de quatre sous écrasé par ses voisins alsaciens plus à l'Est et bourguignons plus au Sud.
Après avoir failli disparaître, avalé par les forêts de chênes et de hêtres qui dévalent les collines de Meuse et de Meurthe-et-Moselle, le gris de Toul retrouve des couleurs. Mieux, avec son AOC, il se pousse du col dans les paysages somptueux de la vallée de la Meuse. Entre Vaucouleurs d'où Jeanne d'Arc partit à la conquête de la France et Nancy, la route s'attarde, éclatante de couleurs en cette fin d'automne. Rigny avec son clocher à bulbe comme un avant-poste de l'Europe centrale, Blénod-lès-Toul et son église Renaissance.
« Ici, tout le monde cultivait un lopin de vigne au début du vingtième siècle », se souvient René Vosgien, installée à Bulligny (1). C'était avant le phylloxéra. En rentrant des verreries, les ouvriers taillaient quelques arpents de vignes et tiraient leur vin à l'automne. Tout comme les éleveurs laitiers. « Quand nous nous sommes mariés, il a fallu faire un choix », se souvient Renée Vosgien. Ce fut celui du coeur. Pour ne pas couper le fil des générations. La vigne chez les Vosgien, on la cultive depuis 1640. « Avec l'aide d'ingénieurs de l'Inra, on a travaillé. On n'avait ni cave, ni coopérative, il a fallu apprendre. »
Pas gagné. Il restait alors sur la commune une vingtaine d'hectares. Le vignoble en compte aujourd'hui une centaine. « Mais il faudrait doubler la mise pour réussir à exister pleinement. »
Pétillantes de vie
Avec une poignée de viticulteurs, ils ont replanté. Mais aussi fait le choix de pratiques agricoles respectueuses de l'environnement. « Si on avait vécu dans le Sud, on nous aurait traités de fadas. » Pas d'appellation bio, mais on s'en rapproche. L'herbe a repris ses droits entre les rangs de vigne. Et les Vosgien s'appuient sur la nature pour se prémunir contre les attaques d'acariens. Aux typhlodromes de faire le travail. Il faut en revanche recourir à la chimie quand la pression du mildiou est trop forte. « On a sauvé ce vignoble, aujourd'hui, nos fils le développent. » En innovant avec cet Ignis de bull élaboré comme un champagne ou avec cette liqueur de mirabelles. Des bulles, pétillantes de vie.
Patrice Moyon
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